Le règne du vêtement « mou » pourrait bientôt être révolu. Alors que les vestons, pantalons plus habillés et autres tenues de soirée trouvent à nouveau preneurs, des détaillants québécois s’attendent à ce que leurs ventes de 2022 soient comparables et même supérieures à celles enregistrées en 2019, avant la pandémie.

En avril 2019, les ventes de vêtements et d’accessoires – incluant les chaussures – au pays ont atteint 2,9 milliards de dollars, contre 3,2 milliards pour la même période cette année, selon Statistique Canada. En avril 2020, au plus fort de la pandémie, elles étaient à 414 millions.

Avec le retour des mariages, des soirées au restaurant et de l’organisation du travail en mode hybride, les détaillants québécois peuvent-ils aspirer à des jours meilleurs ? « L’année 2019 avait été bonne pour nous, mais 2022 sera mieux encore », lance au bout du fil Jessika Roussy, copropriétaire de Mode Choc, entreprise qui compte 10 magasins au Québec. Elle prévoit cette année une augmentation de ses ventes d’environ 15 à 20 % par rapport à 2019, année prépandémique. Si Mme Roussy reconnaît que le prix des vêtements a subi une hausse, elle s’attend tout de même à vendre plus de volume. Du côté de la Maison Simons, propriétaire de 16 magasins, dont 10 dans la Belle Province, le président et chef de la direction, Bernard Leblanc, anticipe une hausse de l’ordre de 5 à 7 %. « Notre année 2022 s’annonce fort meilleure [que 2019]. »

Photo ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Bernard Leblanc, président et chef de la direction de Simons

Pendant la pandémie, des détaillants rapportaient avoir vendu plus de hauts (chemisiers, chandails) que de bas, notamment en raison des nombreuses réunions virtuelles où l’on ne voyait pas les jambes des participants. Or, cette tendance tend à disparaître, selon Franco Rocchi, directeur du marketing du groupe Suzy/Le Château. « Il y a de nouvelles tendances dans les bas. Le style a changé. On a des pantalons plus amples. Ça crée un incitatif pour renouveler la garde-robe. »

Et ce « retour à la coquetterie » influence les ventes. « Il y a vraiment un retour du vêtement solide, observe Jessika Roussy. En 2020-2021, on ne vendait plus de pantalons. Et c’est à ce moment-là qu’on a fait des ventes records de pyjamas, de joggings. Pendant la pandémie, les gens se sont gâtés dans le confort, mais pas dans le look. »

L’inflation joue également en faveur de son entreprise. « On vend des vêtements pour toute la famille à prix abordables. Comme on est accessible, peut-être qu’avec la pandémie et l’inflation, des familles ont décidé de nous adopter alors qu’elles allaient dans des boutiques plus dispendieuses avant. On pense avoir fait l’acquisition d’une nouvelle clientèle. »

Une belle surprise

Du côté de Simons, de l’aveu même de M. Leblanc, même s’il s’attendait à un « retour en magasin » au printemps, il n’avait pas prévu pareil engouement. « On est toujours surpris par notre belle industrie, affirme-t-il en riant. Celle-là, c’est une surprise positive. »

Tout comme Mme Roussy, le grand patron de Simons note aussi un retour des consommateurs dans certains rayons qui avaient été délaissés pendant la pandémie, comme les vêtements de travail et les tenues de soirée.

« Je pense que les gens n’ont tout simplement pas renouvelé leur garde-robe pendant deux ans. Aujourd’hui, ils se retrouvent face à une garde-robe qui a besoin d’être mise au goût du jour », dit-il en guise d’explication.

« Tout le monde s’est complètement retiré pendant deux ans, aujourd’hui, les gens se remettent à niveau, reprennent des activités normales, souhaitent se faire plaisir. Je pense que c’est une combinaison de facteurs », ajoute celui qui revient tout juste d’Halifax pour y annoncer l’ouverture d’un 17e magasin, en 2024.

« Avril n’a pas été si pire »

Par ailleurs, dans l’ensemble, pour le mois d’avril, les ventes au détail ont augmenté de 0,9 % pour atteindre 60,7 milliards, selon les données de Statistique Canada publiées mardi. « Avec une progression respectable de 0,9 %, avril n’a pas été le pire mois pour les ventes au détail, dépassant même les attentes, peut-on lire dans les nouvelles économiques publiées par Desjardins. Les ventes sont en hausse dans 6 des 11 sous-secteurs, qui représentent ensemble un peu moins de 45 % du commerce de détail. »

Parmi les catégories, les magasins de détail divers – animaleries, magasins de cannabis, de fournitures de bureau et de papeterie, ainsi que les détaillants de piscines – ont connu une augmentation de 11,3 %. Les stations-service (+ 3 %) et les magasins de vêtements et d’accessoires (+ 2,6 %) ont également connu une hausse.

Pris d’assaut par les consommateurs pendant la pandémie, les détaillants de matériaux de construction et d’articles de jardinage ainsi que les supermarchés ont toutefois connu des baisses respectives de 4,3 % et de 0,5 %.