Plusieurs petites et moyennes entreprises (PME) du secteur aérospatial sont jugées trop petites pour se tailler une place de choix auprès des grands donneurs d’ordres comme Airbus, Bombardier, Pratt & Whitney et Boeing. Trois gestionnaires d’expérience dans l’industrie veulent donner un coup de barre avec un nouveau fonds de croissance financé à hauteur de 30 millions par Québec. Tour d’horizon.

Investir dans une PME qui génère un chiffre d’affaires allant de 10 à 40 millions pour le faire passer à plus de 100 millions : c’est ce que souhaite Partenaires Thrust Capital, firme québécoise dirigée par Frédéric Loiselle, Benoît Brossoît et Milad Jawabra. Ce fonds, qui a récolté jusqu’à présent 77 millions, notamment auprès du gouvernement Legault, du Fonds de solidarité FTQ (20 millions) et du Mouvement Desjardins (12,5 millions), désire avoir jusqu’à 100 millions dans ses coffres.

« On a un potentiel qui n’est pas réalisé », dit M. Loiselle, qui était responsable du secteur aérospatial au sein de la Banque de développement du Canada, en entrevue avec La Presse. « En parlant aux gens d’Airbus et de Bombardier, souvent, on se rend compte que les fournisseurs sont très bons, mais tu ne peux pas faire un projet de 20 millions avec eux puisqu’ils font 20 millions de revenus par année. On veut amener du capital pour les aider à croître. »

Le projet a été présenté en conférence de presse, mardi, par les membres de Thrust Capital, le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, ainsi que la présidente-directrice générale d’Aéro Montréal, Suzanne Benoît, notamment.

Le plan

Thrust Capital affirme que des discussions sont avancées avec trois entreprises. La firme ne se contentera pas de jouer les spectateurs. Elle compte prendre une participation majoritaire dans les PME où elle investira. Le financement pourra aider ces entreprises à, par exemple, déployer des projets d’automatisation pour améliorer leur compétitivité, diversifier leurs activités et même réaliser des acquisitions.

« L’objectif est de créer cinq ou six plateformes, a précisé M. Loiselle, en conférence de presse. Ce qu’il manque, souvent, ce sont les capitaux. Quand tu investis dans les équipements, tu n’as pas nécessairement l’argent pour aller acheter une compagnie en plus. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Le projet de Thrust Capital a été présenté par la présidente-directrice générale d’Aéro Montréal, Suzanne Benoît, le président de Thrust, Frédéric Loiselle (au centre), et le ministre de l’Économie et de l’Innovation du Québec, Pierre Fitzgibbon.

Celui-ci aimerait réaliser une première transaction cette année, a-t-il confié, en marge de l’évènement.

Les 30 millions injectés par Québec proviennent d’une enveloppe existante annoncée en 2020. M. Fitzgibbon souhaite des résultats rapides. L’intégration des fournisseurs québécois avec les grands donneurs d’ordres n’est « pas à son goût », a-t-il dit.

Le modèle

M. Loiselle et ses collègues aimeraient jeter les bases du prochain Héroux-Devtek, spécialiste de trains d’atterrissage et de pièces d’aéronautique qui s’est hissé au rang de multinationale au fil des années grâce à un mélange d’acquisitions et de croissance interne.

Gilles Labbé, président exécutif du conseil d’administration de l’entreprise établie à Longueuil, est l’un des six membres de l’équipe de conseillers de Thrust Capital. À son avis, le nouveau fonds comble un vide.

« Quand tu grandis, ça prend de l’argent dans le fonds de roulement, pour agrandir l’usine et acheter des équipements, souligne l’homme d’affaires, au cours d’un entretien. Nous avions récolté 9 millions en Bourse en 1986. Si ce fonds-là avait existé, on aurait peut-être choisi cette option. »

Lorsque M. Labbé et son partenaire Sarto Richer ont racheté l’entreprise, en 1985, son chiffre d’affaires était d’environ 10 millions. L’an dernier, ses ventes s’étaient chiffrées à 613 millions, et l’entreprise exploite aujourd’hui des usines au Québec, aux États-Unis ainsi qu’en Europe.

Du démarchage

Parallèlement à la création du fonds, Aéro Montréal pilotera une initiative visant à rapprocher les PME des principaux acteurs de la grappe.

« Eux [Thrust Capital] vont apporter l’aide financière et, de notre côté, nous allons travailler auprès des grands donneurs d’ordres pour voir comment on peut identifier les meilleures compagnies. »

L’objectif, explique Mme Benoît, est de faciliter l’arrimage de ces fournisseurs auprès d’entreprises comme Airbus, Bombardier et Pratt & Whitney.

En savoir plus
  • 35 000
    Nombre d’emplois générés par les quelque 230 entreprises qui font partie de la grappe aérospatiale québécoise
    Source : gOUVERNEMENT DU QUÉBEC