Un nombre grandissant de voyageurs se retrouvent coincés dans des files qui paraissent interminables à Montréal-Trudeau. Aux portes de la saison estivale, les délais observés dans d’autres aéroports s’installent ici aussi. La pénurie de main-d’œuvre et les mesures sanitaires mettront la patience des vacanciers à l’épreuve.

Josée Duval n’en croyait pas ses yeux, le 22 mai dernier, à son retour de Cancún, au Mexique. Après une demi-heure d’attente sur le tarmac parce que l’avion n’avait pas accès à une passerelle de l’aérogare, elle n’était pas au bout de ses peines à sa sortie de l’appareil.

« Pénible, pénible, pénible, relate-t-elle, en entrevue téléphonique. Je n’avais jamais vu une file comme ça. L’aire d’attente pour accéder aux douanes était bondée. Il fallait attendre au fond de l’aérogare avant même d’avoir accès à l’escalier qui mène à l’aire d’attente. »

L’avion qui transportait Mme Duval s’est posé un peu avant 19 h à Montréal-Trudeau. Trois heures plus tard, cette dernière n’était toujours pas sortie de l’aéroport. Son conseil aux vacanciers ? La patience.

Si on veut voyager, il faut accepter qu’il manque de personnel. Attendre comme cela, cela ne m’était jamais arrivé et j’en ai fait, des voyages.

Josée Duval, qui a patienté de longues heures à son arrivée à Montréal-Trudeau le 22 mai dernier

Si le portrait à Montréal-Trudeau ne paraît pas encore aussi cauchemardesque qu’à Toronto (Pearson) et à Vancouver, où plusieurs reportages ont relaté les misères des voyageurs, il risque de se détériorer alors que le volume d’usagers est appelé à croître à l’approche de la saison estivale.

PHOTO LA PRESSE

Une file dans le couloir de l’aérogare afin d’accéder à l’aire d’attente des douanes, le 21 mai dernier

Plus tôt ce mois-ci, Aéroports de Montréal (ADM), gestionnaire de Montréal-Trudeau, estimait tirer son épingle du jeu tout en anticipant des jours plus difficiles pendant l’été. Plusieurs voyageurs ont contacté La Presse pour témoigner d’une situation bien différente.

« Inévitablement, les choses vont empirer avant de s’améliorer, car nous ne sommes pas encore en période de pointe », souligne Robert Kokonis, président de la société de conseil Air Trav.

Il va y avoir plus de vols et plus de passagers. Il faudra aussi former les recrues dans les aéroports. Les choses ne vont pas se rétablir rapidement.

Robert Kokonis, président de la société de conseil Air Trav

Dans un courriel, ADM continue de recommander aux voyageurs d’arriver « au moins trois heures avant le départ de leur vol », et ce, « peu importe la destination ».

Qu’est-ce qui cloche ?

Les défis sont nombreux. Les mesures sanitaires, comme les dépistages aléatoires et les renseignements devant être inscrits dans l’application ArriveCan, alourdissent les protocoles. Il y a aussi moins de douaniers, selon le Syndicat des douanes et de l’immigration. L’organisation affirme représenter 200 agents à Montréal, soit 25 % de moins qu’avant la pandémie.

« Il ne faut pas être surpris quand aussi peu d’agents sont assignés aux vérifications des voyageurs et que plusieurs guichets sont vides », déplore le syndicat, qui exhorte Ottawa à augmenter les effectifs.

L’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA) manque d’agents pour effectuer les vérifications auprès des voyageurs avant leur départ. L’agence fédérale espère ajouter jusqu’à 175 agents supplémentaires – environ 30 % de l’effectif actuel à Montréal-Trudeau.

Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, les recrues ne courent pas les rues et la formation s’échelonne sur quatre semaines. Jusqu’à un mois peut s’écouler entre la date d’embauche et l’arrivée en poste. Ces agents doivent être recrutés par le sous-traitant Securitas Aviation Canada. L’entreprise est le partenaire de l’ACSTA pour les aéroports de l’est du Canada.

« Pour ce qui est des enjeux de recrutement, ils sont les mêmes depuis plus d’un an avec certaines régions plus difficiles que d’autres », souligne dans un courriel Jean-Charles Gris, président de Securitas.

Il n’a pas indiqué à quel moment l’ACSTA avait fait part de ses besoins de main-d’œuvre. Il n’a pas été possible de savoir si Securitas a été prise de court par son client.

En fin de journée vendredi, le gouvernement Trudeau a reconnu le problème, sans toutefois préciser quand la situation rentrerait dans l’ordre. Les protocoles sanitaires demeurent en place, et Ottawa mise donc essentiellement sur l’ajout de personnel dans les aéroports.

« Pression énorme »

Vous avez également dû faire preuve de patience avant de récupérer vos valises ? C’est parce qu’il y a du sable dans l’engrenage là aussi. Plusieurs compagnies peinent à trouver les employés nécessaires pour, par exemple, ravitailler les avions sur le tarmac et décharger les bagages.

Avant la pandémie, l’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale (AIMTA) disait représenter plus de 1000 personnes chez des transporteurs comme Air Canada et d’autres fournisseurs de services comme Swissport et ATS. Selon le coordonnateur québécois du syndicat, Michel Richer, le nombre de membres a fondu de moitié.

« Des travailleurs ont été mis à pied pendant la pandémie et ils ne sont pas revenus, dit M. Richer. Les compagnies rajoutent des vols, mais il n’y a pas plus de personnel. Cela met une pression énorme sur le système. Les entreprises tentent d’embaucher. »

Celui-ci n’entrevoit pas d’amélioration à court terme étant donné que la formation de nouveaux employés ne se fait pas du jour au lendemain.

En savoir plus
  • 74 %
    Les transporteurs canadiens devraient être à 74 % de leur capacité d’avant la pandémie entre juillet et septembre.
    SOURCE : CIRIUM