L’individualisme est en progression constante depuis 200 ans dans la société occidentale et en accélération rapide depuis deux générations.

Il ne faut pas reculer bien loin dans le temps pour constater que les gens se donnaient la mission d’être un maillon actif dans la communauté. Comment pensez-vous que les fameux propos de John Kennedy en 1960 seraient reçus aujourd’hui ? « Ne vous demandez pas ce que le pays peut faire pour vous ; demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. »

La face sombre de l’individualisme nous éloigne du souci des autres et de la communauté. Elle amène un repli sur soi qui aplatit et rétrécit nos vies pour utiliser les propos de Charles Taylor, philosophe québécois qui a écrit Grandeur et misère de la modernité.

Les conséquences de la montée de l’individualisme sont nombreuses. Par exemple, les formes les plus égocentriques de réalisation de soi ont gagné beaucoup de terrain au cours des dernières années : ma performance devient plus importante que ma contribution à la communauté, l’importance que j’accorde à mon identité exige la reconnaissance des autres, les personnes que j’aime deviennent des éléments de mon identité et je fais des pirouettes avec mon horaire afin d’avoir les meilleurs enfants.

Photo MATHIEU BéLANGER, archives La Presse

Yvon Charest

Se pourrait-il que l’individualisme contribue assez fortement à se mettre soi-même une belle couche de pression qui mène à l’anxiété, au surmenage, voire à l’envie et à la jalousie ?

Se pourrait-il que l’individualisme qui pousse à la perfection explique en bonne partie la montée en flèche des gens qui ont des problèmes de santé mentale ? Et si c’est le cas, est-il possible de renverser la vapeur et de laisser à autrui le soin d’être parfait et merveilleux, de consacrer une partie de notre temps à la communauté, de faire preuve d’entraide (que nos gestes soient reconnus ou pas), de penser un peu moins à la réussite individuelle et un peu plus à celle des gens dans le besoin ? Bref, d’être tourné vers autrui ?

Je crois qu’un virage vers un plus grand esprit de communauté est nécessaire, car je ne vois aucune lumière au bout du tunnel de l’individualisme pur et dur. Tous n’ont pas la même capacité de se libérer du conformisme social car certaines personnes n’ont pas eu la chance de trouver cette sécurité intérieure nécessaire pour choisir une avenue différente de celle qui s’est imposée dans la société.

Il n’en demeure pas moins que deux affirmations peuvent permettre de gagner en confiance dans ses capacités et dans la vie, permettant ainsi d’assumer ses propres choix. La première affirmation est que l’on n’aura jamais le contrôle final sur ce que les gens pensent de nous, quoi qu’on dise ou fasse. Voilà une belle façon de s’enlever de la pression.

La seconde affirmation est de Jean Guitton, et je cite : ne cherche jamais la confiance à l’extérieur de toi-même, car tu seras toujours inquiet. Il nous invite à entrer en soi-même au plus profond de notre cœur, se convaincre de ses choix et de construire sur cette assurance.

Se libérer de la spirale de l’individualisme augmente notre énergie et est bénéfique à notre santé mentale. Et quoi de mieux qu’une belle citation pour nous rappeler de passer à l’action : si je ne le fais pas, moi, qui le fera ? Si je ne le fais pas maintenant, quand ? Et si je le fais seulement pour moi, qui suis-je ?