Guichets de cryptomonnaies Revenu Québec a fait 300 inspections depuis deux mois

Revenu Québec a mené plus de 300 inspections « formelles » d’entreprises de services monétaires (ESM) depuis la publication d’une enquête de La Presse, fin février, sur la multiplication des guichets de bitcoins.

« Des équipes d’inspecteurs de Revenu Québec attitrées aux dossiers des ESM sont sur la route pour réaliser des inspections formelles avec remise de constats d’infraction, s’il y a lieu », a confirmé par courriel la porte-parole Marie-Pierre Blier.

L’enquête de La Presse a révélé l’existence d’un nombre important de guichets de cryptomonnaies dans la province, situés entre autres dans des dépanneurs, des motels miteux et des buanderies. Il est possible d’y acheter des bitcoins et d’autres devises virtuelles avec des liasses d’argent liquide.

Les transactions de moins de 1000 $ peuvent en général être effectuées sans vérification de l’identité – un argument de vente pour plusieurs exploitants qui promettent des transactions « complètement anonymes ». Ces machines constituent un moyen idéal pour blanchir de l’argent tiré d’activités criminelles, selon plusieurs gouvernements et corps policiers. Le Royaume-Uni vient de les interdire pour cette raison.

Un nombre inconnu

Jusqu’en septembre 2021, c’est l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui était responsable de faire appliquer la Loi sur les entreprises de services monétaires (LESM) dans la province. Revenu Québec a pris le relais à l’automne et encadre maintenant ce secteur, qui inclut les activités de change de devises, les transferts de fonds et l’exploitation de guichets automatiques (à l’exception de ceux des institutions financières).

Même s’il a fait davantage d’inspections depuis la fin de février, Revenu Québec est toujours incapable de déterminer le nombre de guichets de cryptomonnaies en activité (il y en aurait 270 au Québec, selon le site Coin ATM Radar). L’organisme explique l’absence de données en disant que « la LESM n’exige pas cette information sur la demande de permis ».

Relisez notre enquête sur les guichets de cryptomonnaies

Revenu Québec est toutefois bien au fait du nombre de guichets automatiques traditionnels, qu’on trouve par exemple dans des bars et des dépanneurs. On en recensait 4786 à la fin de janvier, a indiqué un porte-parole.

Il a été impossible de savoir pourquoi Revenu Québec détenait les informations pour une catégorie de guichets, mais pas pour l’autre.

Quoi qu’il en soit, tous les appareils doivent afficher une vignette de Revenu Québec (ou de l’AMF avant septembre 2021) bien en évidence. Une tournée récente de La Presse a permis de constater que certains guichets de cryptos n’avaient pas de vignette, ou encore que celle-ci était déchirée.

Le ministre des Finances questionné

Questionné mardi en commission parlementaire à Québec sur les guichets de cryptomonnaies, le ministre des Finances, Eric Girard, a dit qu’il serait possible de les interdire, mais qu’un tel geste pourrait donner un faux sentiment de sécurité au public.

« Les gens y ont accès [aux cryptomonnaies] par une multitude de canaux. Je suis surpris de voir avec quelle aisance ces produits sont offerts », a-t-il dit en donnant l’exemple des publicités diffusées pendant les matchs de hockey télévisés.

Le ministre a ajouté qu’avant de les interdire, il y avait lieu de surveiller les entreprises de devises virtuelles, de les réglementer et surtout de savoir qui en est propriétaire.

Québec a annoncé en avril 2021 la création d’un comité sur les cryptomonnaies, qui regroupe des gens de l’AMF, de Revenu Québec, des Finances, de la SQ et de l’Agence du revenu du Canada. Ce groupe vise notamment la prévention des fraudes, qui connaissent une hausse fulgurante depuis un an au Canada comme ailleurs dans le monde.

Les signalements de fraudes impliquant des devises virtuelles ont atteint 75 millions de dollars l’an dernier au pays, contre à peine 12,6 millions entre 2018 et 2020, selon les données du Centre antifraude du Canada.

Revenu Québec dit avoir mené un total de 713 inspections « en mode sensibilisation » auprès des ESM entre le 13 septembre 2021 et le 28 février 2022. Ces vérifications ont permis de détecter « certaines non-conformités », telles qu’une tenue de registres déficiente et l’absence d’affichage des permis.

Avec la collaboration d’Hélène Baril, La Presse