La lecture nourrit l’esprit ; et quand l’esprit est fatigué de l’étude, la lecture lui redonne des forces, non sans le mettre au travail d’ailleurs. J’aurais aimé être l’auteur de cette belle phrase, mais j’ai eu la chance d’accéder à la sagesse et à l’intelligence de Sénèque en 2008.

L’histoire est… banale puisque j’ai acheté un livre, pris une note et l’ai mis en lieu sûr. La rareté des livres il y a deux millénaires comportait un grand avantage pour le lecteur puisqu’il concentrait son attention et mobilisait toute son énergie à découvrir le message central de l’auteur et intégrait possiblement une opinion contraire dans sa façon de voir.

PHOTO MATHIEU BÉLANGER, ARCHIVES LA PRESSE MATHIEU BELANGER/LA PR

Yvon Charest, ex-PDG d’Industrielle Alliance

Ce lecteur prenait quelques notes pour avoir la certitude que ce qu’il a pensé demeurera pour lui… ainsi que la postérité. Il semble que notre société valorise peu de prendre soin de ses pensées par la lecture de livres ainsi que par la prise systématique de notes.

Sachant mon penchant pour cette méthode, une école de formation m’avait demandé il y a quelques années de préparer une conférence sur le sujet, mais s’est ravisée à deux semaines de l’évènement : pas à la mode !

J’ai donc décidé dernièrement de réfléchir à cette question lors d’une sortie solitaire de ski de fond, où j’ai tiré la conclusion suivante : peu importe le médium (livre, magazine ou internet), l’essentiel est d’apprendre à diriger son attention sur un sujet précis. Jean Guitton compare l’attention à une pointe et cette attention est d’autant plus forte qu’elle se mobilise et se concentre.

C’est la seule façon d’améliorer sa capacité à réfléchir et à conclure. Il suffit de vous trouver un sujet qui vous motive vraiment puisque la motivation est le déclencheur du sens de l’effort. Vous développerez ainsi plus rapidement que vous croyez votre capacité à lire de façon active et à rechercher les concepts de l’auteur.

Vous aurez probablement le goût de prendre des notes pour vous rappeler et intégrer au quotidien certains principes. Dans l’attente d’un moteur de recherche d’avant-garde, votre cerveau est bien placé pour comprendre, apprivoiser et intégrer la complexité sur des questions telles que : comment améliorer son jugement ou comment prendre de meilleures décisions ?

Robert Lepage a déjà expliqué qu’il nourrissait sa créativité par de courtes, mais intenses séances de réflexion. Ne peut-on pas nourrir ses pensées de la même façon ? Et si peu de gens le font, une maxime dit que pour avoir des choses que les autres n’ont pas, il faut faire des choses que les autres ne font pas.

Laissez-moi vous raconter mon expérience. C’est à l’âge de 25 ans, fraîchement nommé responsable de 15 personnes, que j’ai lu mon premier livre non scolaire pour m’aider à mieux faire mon travail.

J’ai pris des notes pour éviter qu’une petite victoire contre l’ignorance tombe dans l’oubli. J’ai eu l’appui de cinq personnes dans le choix d’auteurs experts sur des sujets pointus et dont les propos seraient d’une utilité immédiate. Après 15 ans d’un tel travail et armé d’un monstre de notes pertinentes, j’ai commencé à mettre par écrit mes propres synthèses sur des sujets variés. Ces textes d’une page, à moins d’exception, étaient partagés et donc invariablement bonifiés. Le présent article est inspiré de l’une de ces synthèses.