Un mois après le dépôt du projet de loi mettant fin à l’exploration pétrolière et gazière au Québec, le gouvernement québécois est la cible de poursuites en dommages totalisant 65 millions de dollars intentées par des entreprises d’exploration pétrolière originaires de l’Ontario.

Dans l’une des deux poursuites inscrites cette semaine en Cour supérieure du Québec, les entreprises Mundiregina Resources Canada et Abba Quebec Resources, toutes deux établies à St. Catharines, en Ontario, réclament conjointement une somme de 50 millions en « dommages compensatoires » pour l’« expropriation illégale et déguisée » de leur douzaine de permis d’exploration pétrolière et gazière sur des terrains en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent.

Selon les poursuivantes, ces 12 permis d’exploration dont l’acquisition remonte aux années 2008, 2009 et 2010 couvrent une superficie totale de 2237 km2.

L’essentiel de la somme de leurs réclamations découle des millions de dollars que ces deux entreprises disent avoir investis au fil des ans en travaux d’exploration et de validation du potentiel pétrolier et gazier de leurs permis.

Dans l’autre poursuite intentée contre Québec, l’entreprise torontoise Altai Resources réclame 15,5 millions en « dommages compensatoires » en conséquence, elle aussi, de l’« expropriation illégale et déguisée » de ses cinq permis d’exploration d’hydrocarbures sur des sites dans la vaste « région géologique des Basses-Terres » du Saint-Laurent (les régions de part et d’autre du fleuve, de Québec à la frontière ontarienne).

Ces permis d’exploration en vigueur depuis 2009, soit 13 ans, couvrent une superficie totale de 684 km2. Dans sa poursuite, Altai Resources soutient y avoir investi plusieurs millions de dollars en travaux d’exploration de leur potentiel au fil des ans.

Altai Resources inclut dans sa réclamation sa part de 15 % dans un permis d’exploration d’hydrocarbures géré par l’entreprise Questerre Energy, également dans les Basses-Terres du Saint-Laurent.

Fait à souligner : Altai Resources se distingue des deux autres entreprises qui poursuivent Québec par le fait qu’elle est aussi investie dans une propriété aurifère située près de Val-d’Or, ainsi que dans une propriété gazière située près de Trois-Rivières.

Un mois après

Les deux poursuites s’appuient sur le Règlement sur les activités d’exploration, de production et de stockage d’hydrocarbures en milieu terrestre, adopté en 2018. Celui-ci limite les zones où peuvent être effectués des travaux d’exploration au point de rendre les permis des demandeurs « sans valeur ».

Ces poursuites surviennent un mois après que le gouvernement Legault a déposé un autre projet de loi pour cette fois mettre carrément fin aux activités de recherche et d’exploitation d’hydrocarbures.

Le nouveau projet de loi propose aussi une forme d’indemnisation aux entreprises de ce secteur, mais qui s’annonce très inférieure aux 500 millions en réclamations potentielles déjà estimées par ces entreprises.

Lors de la présentation du projet de loi, le 2 février dernier, le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonatan Julien, a fait part d’une prévision de coûts d’indemnisation de 100 millions de l’État québécois envers les entreprises d’exploration pétrolière et gazière.

De cette somme estimée, le ministre prévoit 33 millions pour les coûts de fermeture des puits et de restauration des sites ainsi que 66 millions pour couvrir les dépenses engagées depuis 2015 par les entreprises d’exploration.

Au dire du ministre Julien, cette somme prévue à 100 millions découle d’une « estimation assez fine » des entreprises concernées, et il ne devrait pas y avoir de « négociations potentielles » avant l’étude du projet de loi en commission parlementaire.

« Aucun sens »

N’empêche que les principaux représentants des entreprises d’exploration pétrolière et gazière au Québec ont déjà manifesté leur intention de contester ardemment le projet de loi.

Ces entreprises réclament des sommes de compensations beaucoup plus importantes – de l’ordre de 500 millions – qu’un simple remboursement de dépenses depuis quelques années seulement.

Ça n’a aucun sens. Ils disent qu’ils veulent rembourser les investissements de 2015 à 2021, mais nous sommes présents depuis 1988.

Eric Tetrault, président de l’Association de l’énergie du Québec, lors d’un récent entretien avec La Presse

Selon M. Tetrault, la somme des indemnités pourrait « probablement » se chiffrer en milliards.

« J’espère que le gouvernement a de solides assises juridiques, parce que nous en avons de notre côté. Du point de vue d’un investisseur étranger, les bonnes pratiques, c’est d’indemniser. »

Avec La Presse Canadienne

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