Chaque semaine, La Presse présente conseils, anecdotes et réflexions pour leaders, entrepreneurs et gestionnaires.

Notre invité cette semaine, Arnaud Granata, président de Formations Infopresse.

En période de crise de pénurie de main-d’œuvre, une entreprise doit-elle apprendre à se « vendre » et devenir un produit « attrayant » pour pourvoir ses postes ?

Une entreprise, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, se doit de penser comme une marque, en définissant des valeurs claires, en énonçant une mission et une vision inspirante et porteuse de sens et en ne considérant pas le recrutement uniquement comme un mal nécessaire, mais comme une occasion de communication et de marketing. C’est ce qu’on appelle la marque-employeur. Les organisations qui ne le font pas accentueront leurs difficultés à pourvoir des postes vacants à l’avenir. Cette pénurie n’est pas passagère, elle va devenir l’un des freins à la croissance des entreprises. Et le phénomène est mondial. Les États-Unis parlent même d’une « grande démission » : 38 millions de personnes ont quitté leur travail en 2021, dont 40 % n’avaient pas trouvé un autre emploi quand elles ont franchi le pas. Le rapport au travail a changé : les professionnels cherchent plus qu’un poste ou qu’une entreprise qui essaie de les attirer en organisant des 5 à 7 autour d’une table de billard.

Pourquoi est-ce important pour les entreprises d’offrir de la formation continue ? Est-ce accessible même pour les petites PME ?

La pandémie a accéléré la pénurie de talent. Depuis le printemps 2020, le nombre de postes vacants a bondi de 38,2 %, selon Statistique Canada. La formation continue, c’est un moyen qui permet non seulement d’outiller concrètement les personnes qui arrivent dans un nouveau poste, mais aussi une formidable façon de retenir les employés dans une organisation en leur permettant de faire évoluer leur carrière et de développer leurs compétences. Les nombreux programmes de subventions mis en place par le gouvernement du Québec permettent largement aux PME d’en profiter, dont la – trop peu connue – mesure de formation de la main-d’œuvre via Emploi-Québec, qui permet d’obtenir jusqu’à 50 % de subvention pour l’organisation d’activités de formation. Pour moi, la formation permet non seulement aux professionnels de se transformer, mais aussi aux entreprises de bénéficier de l’intelligence collective de leurs employés.

Pourquoi Infopresse s’est-elle transformée en Formations Infopresse ? Comment avez-vous réussi cette transformation ?

Nous sommes nés comme le média spécialisé des communications marketing, il y a plus de 35 ans. Depuis dix ans, les changements se sont accélérés : numérique, nouvelles techniques de marketing, importance croissante de la communication. Au-delà du besoin de s’informer, nous avons saisi le besoin des organisations de se former concrètement à ces changements et la pandémie a accéléré notre propre transformation. Aujourd’hui, la formation est notre unique raison d’être. C’est pourquoi nous avons changé notre image et notre nom. Nous avons créé des solutions pratiques avec des spécialistes de l’apprentissage aux professionnels et avec les meilleurs experts dans leurs domaines, en complément aux formations [à l’école], essentielles, mais insuffisantes pour affronter les transformations et tendances du marché. Nous accompagnons les professionnels dans le développement de leurs compétences en communications marketing et en gestion-leadership avec un catalogue de 340 formations par année, et aidons les organisations publiques ou privées, grandes ou PME, à mettre en place des activités d’apprentissage pour leurs équipes.

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LA STRATÉGIE

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PHOTO FOURNIE PAR EDELMAN

Lisa Kimmel, PDG d’Edelman Canada et Amérique latine

Depuis 10 ans, la firme de relations publiques Edelman (68 bureaux dans le monde, dont 5 au Canada) outille ses employées pour qu’elles montent dans l’entreprise ou obtiennent les postes désirés grâce à son programme GWEN (Global Women Equality Network – autrefois Global Women Executive Network). « L’industrie de la communication est dominée par des femmes, note Lisa Kimmel, PDG d’Edelman Canada et Amérique latine. En 2011, notre firme était composée de 68 % de femmes, mais de seulement 34 % dans les rôles supérieurs. Nous avons atteint la parité en 2020. » Comment y arriver ? « Il faut se fixer une cible, autrement, ce sera difficile d’y arriver, dit Mme Kimmel. La direction doit être responsable de l’atteinte des objectifs. Il faut être conscient des différences culturelles d’un bureau à l’autre. Les hommes doivent être impliqués dans le changement. » Point important : la patience est de mise. « Ça ne devrait pas être long, mais les gens ont tendance à ne pas regarder très loin et s’entourer des gens qu’ils connaissent. Or, il y a plein de femmes qualifiées qui peuvent prendre des rôles de direction. Il faut en faire une priorité. Nous sommes tous responsables de créer un environnement qui donne des chances à tous. »

LA CITATION

PHOTO FOURNIE PAR COFFRAGES SYNERGY

Isabelle Côté, PDG de Coffrages Synergy

Dans la construction, j’ai vu souvent cette erreur-là, que j’ai moi-même commise au début de ma carrière : on se “boysicise”, on essaie de s’adapter aux gens qui sont là. Il y a un effet caméléon pas toujours souhaitable. Je l’ai essayé, ça ne marchait pas tout le temps et ça ne m’allait pas du tout. Il faut se respecter. C’est correct d’être une femme dans l’industrie de la construction ou n’importe quel métier non traditionnel. En plus, c’est ce qu’on cherche, la complémentarité. On parle d’inclusion, mais l’inclusion, c’est aussi accepter les gens tels qu’ils sont. Et ça commence par soi.

Isabelle Côté, PDG de Coffrages Synergy

Source : émission balado Osez animée par Habi Gerba, présidente de la marque Gazelles et présidente de la Jeune chambre de commerce de Montréal

LE CHIFFRE

20 %

C’est la proportion d’employeurs au Québec qui n’a pas encore atteint l’équité salariale entre les sexes, selon une étude d’Indeed. À l’autre bout du spectre, 73 % des employeurs dans la province disent afficher les salaires dans leurs offres d’emploi (c’est 57 % au Canada). Un pourcentage similaire admet que divulguer les salaires dans les offres d’emploi a permis de réduire les écarts salariaux. « Lorsqu’il y a plus de transparence en matière de salaire, l’écart de rémunération entre les sexes diminue proportionnellement, dit Stepan Arman, directeur principal des ventes, Québec, d’Indeed, dans un communiqué. L’élimination de l’inégalité salariale commence par la transparence. Bien que certaines provinces aient fait des progrès, le Canada a encore beaucoup de chemin à parcourir. »

LE GESTE

Tous les 10 jours

Des entreprises du collectif Humanise, dont l’agence de publicité bleublancrouge, proposent maintenant à leurs employés une journée de congé après neuf jours de travail. La mesure a pour but d’augmenter le bien-être des employés alors que la pénurie de main-d’œuvre fait redoubler d’ardeur les gens au travail. « À l’aide de gestionnaires qui y croyaient fermement, on a réussi à tester des modèles d’horaire flexible au sein d’une de nos équipes, explique dans une communication Valérie Provost, directrice Talent et Culture, de Humanise. Après 18 mois d’essais, d’apprentissages et d’ajustements, le constat est simple : ça fonctionne ! Nos employé·es sont plus heureux·ses, ont un meilleur équilibre travail-vie personnelle et la productivité est la même, voire meilleure ! Ce genre de programme n’a pas affecté notre rentabilité et a eu un impact positif sur notre rétention, notre pouvoir d’attraction ainsi que sur l’absentéisme. »

PHOTO FOURNIE PAR HUMANISE

Valérie Provost, directrice Talent et Culture, de Humanise

L’INITIATIVE

À bas l’incivilité !

Selon une enquête de l’INSPQ menée auprès de CPE/BC du Québec, 28 % des sondés disent avoir été victimes de harcèlement psychologique. Alors que l’impatience, le stress et le découragement sont plus présents dans les milieux de travail depuis le début de la pandémie, l’Association québécoise des centres de la petite enfance (AQCPE) lance le site « Du persil entre les dents » pour conscientiser les gens à reconnaître les gestes d’incivilité et le harcèlement, puis les outiller pour intervenir. Le lien avec le persil ? « Personne n’est à l’abri du vilain persil qui se faufile entre les dents, lit-on sur le site. Qu’est-ce qu’on fait lorsque l’on voit quelqu’un avec du persil entre les dents ? On ressent un malaise ? De la gêne ? Un inconfort ? On le dit haut et fort, peu importe où nous sommes ? On le mentionne discrètement ? Ou encore, on ne dit rien ? Ces différentes réactions sont semblables à celles qui peuvent survenir en présence d’incivilité. » Le site a été conçu grâce à une subvention de la CNESST.

Consultez le site « Du persil entre les dents »