Le monde tel qu’on le connaît a changé en l’espace d’une semaine avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La période de relative paix mondiale, qui dure depuis la fin de la Seconde Guerre et qui a alimenté la prospérité économique, tire à sa fin. À voir l’évolution des dépenses militaires dans le monde, il y a de quoi s’inquiéter pour la suite.

Les dépenses miliaires totales dans le monde suivent une longue courbe ascendante. Même la pandémie n’a pas infléchi cette courbe, indiquait récemment l’Institut international des études stratégiques. Les dépenses militaires mondiales ont augmenté de 3,9 % en 2020, par rapport à 2019.

Par rapport à la taille de l’économie mondiale, les budgets militaires ont toutefois diminué depuis les années 1960. La part des dépenses militaires dans le PIB mondial, qui était de 6,1 % en 1967, était descendue autour de 2 % en 2018.

Cette lente diminution semble terminée, selon les données de la Banque mondiale. Depuis 2018, la part des dépenses militaires par rapport à la taille de l’économie est repartie à la hausse. Sans surprise, ce sont les États-Unis qui dépensent le plus en armements. À lui seul, le pays est responsable de 40 % des dépenses militaires totales dans le monde. Il est suivi de la Chine et de l’Inde.

Comparer la part des dépenses militaires par rapport à la taille de l’économie donne une meilleure idée de l’effort de guerre de chaque pays. Aux États-Unis, les dépenses militaires représentent 3,7 % du produit intérieur (PIB). C’est encore plus pour la Russie, dont le budget militaire compte pour 4,3 % de l’économie. L’Ukraine, qui se défend actuellement de l’invasion russe, a augmenté ses dépenses militaires depuis 2014, et elles représentent 4,1 % de son économie.

À cette échelle, les monarchies pétrolières sont des champions. Protéger un trésor enfoui sous terre coûte cher. L’Arabie saoudite, par exemple, consacre une part de plus de 8 % de son PIB à l’armement et le Koweït, 6,5 %.

Le club des 2 %

Les 29 pays membres de l’OTAN, qui sont actuellement sur des charbons ardents en raison des menaces qui planent sur l’Europe, doivent consacrer un minimum de 2 % de leur PIB à leur force de défense.

Tous ne le font pas. Le Canada, par exemple, est à 1,4 %, ce qui ne le place pas loin de la queue de la liste. En fait, moins de la moitié des pays de l’OTAN se conforment à la règle, et certains n’ont décidé que récemment de le faire.

Les velléités hégémoniques du président russe ne datent pas d’hier ni de la semaine dernière. C’est vraisemblablement ce qui a conduit plusieurs pays européens à reconsidérer leurs dépenses militaires. En 2020, la France, la Norvège et la Slovaquie se sont jointes aux pays qui consacrent au moins 2 % de leur PIB à leur budget militaire.

L’Allemagne, la première économie d’Europe, qui est en deçà de la règle du 2 % et qui avait toujours rechigné à augmenter ses dépenses militaires, vient d’amorcer un changement de cap complet. Le chancelier allemand Olof Scholz a annoncé il y a quelques jours « une augmentation massive des dépenses de la Bundeswerh [l’armée allemande] », qui portera le total à un niveau supérieur au seuil de 2 %.

On n’a encore rien vu. Il faut s’attendre à une forte augmentation des budgets militaires dans le monde. Même le Canada pourrait emboîter le pas, lui qui partage une frontière avec les Russes dans l’Arctique, et qui commence à s’en inquiéter.

« C’est le début d’une nouvelle ère », a plaidé le chancelier allemand, dont les propos ont été rapportés dans tous les médias de la planète.

Le monde a changé, mais il y a des choses qui ne changent pas. « Si tu veux la paix, prépare la guerre », croit-on depuis l’époque des Romains. Il semble que ce soit encore de circonstance.

En savoir plus
  • 1830 milliards US
    Le total des dépenses militaires mondiales en 2020
    INSTITUT INTERNATIONAL D’ÉTUDES STRATÉGIQUES