Frito-Lay a cessé de livrer à Loblaw, qui refuse d’appliquer les hausses de prix demandées

Les amateurs de croustilles de marques Lay’s, Doritos, Ruffles et autres Miss Vickie’s risquent de chercher, sans grand succès, leurs grignotines préférées dans les allées des supermarchés Maxi ou Provigo. Frito-Lay Canada, l’entreprise derrière une multitude de sacs de chips qui occupent près de 80 % de l’espace sur les rayons en épicerie, ne livre plus dans les magasins de Loblaw puisque l’enseigne aurait refusé de consentir à des hausses de prix sur ces produits, a appris La Presse.

Il y a à peine quelques jours, les marchands québécois qui exploitent un commerce sous les enseignes Provigo, Maxi, L’Intermarché, Axep et Pharmaprix ont reçu une note de service de la part de Loblaw les informant que les produits Frito-Lay ne seraient plus offerts, sans expliquer pourquoi ils auront désormais à se passer des croustilles qui remplissent normalement leurs rayons. C’est en discutant avec des livreurs et des représentants que les commerçants ont compris l’origine de la mésentente. Frito-Lay a décidé de ne plus approvisionner les magasins de ces enseignes, faute de s’entendre sur la hausse des prix, ont expliqué deux marchands qui préfèrent taire leur identité, de crainte de sanctions de la part de la société-mère.

Des employés travaillant pour PepsiCo, propriétaire de Frito-Lay, ainsi que pour l’un des concurrents de l’entreprise ont également confirmé ces informations. « Frito-Lay Canada et le groupe Loblaw sont actuellement en litige […], a écrit par courriel un travailleur de PepsiCo. [Loblaw] refuse actuellement toute hausse de prix de la part de PepsiCo Canada. Ceci est effectif depuis le week-end dernier. Aucune entreprise ne voudra s’en vanter, mais c’est actuellement en vigueur partout au Canada. »

Au Canada, les fournisseurs, à des moments déterminés dans l’année, peuvent demander une augmentation des prix. La décision définitive revient aux détaillants.

Impossible toutefois d’obtenir des chiffres concernant cette augmentation des prix demandée. Invitée à s’expliquer sur le litige l’opposant au fabricant de Lay’s, Loblaw a refusé de donner des détails à propos des négociations, mais a tout de même souligné que ce genre de situation n’était pas monnaie courante. « Nous nous efforçons constamment de minimiser les augmentations de prix le plus possible, a expliqué par courriel Johanne Héroux, directrice principale, affaires corporatives et communications de l’entreprise. Il s’agit là d’un réel défi alors que l’ensemble de l’industrie subit d’énormes pressions au niveau des coûts, qu’il s’agisse de la fabrication, du transport, des ingrédients, etc. Lorsque les fournisseurs nous soumettent des hausses de coûtants, nous procédons à une revue rigoureuse afin de nous assurer qu’elles sont appropriées. Ce processus peut donner lieu à des échanges difficiles et, dans de très rares cas, amener les fournisseurs à cesser de nous approvisionner. »

Normalement, les croustilles de Frito-Lay sont livrées deux fois par semaine dans les supermarchés. L’allée des amuse-gueules risque donc d’être vite dégarnie. En se rendant dans un Maxi situé à Montréal, jeudi, La Presse a pu constater que les produits Frito-Lay étaient plutôt rares. Seuls de petits sacs de croustilles Lay’s en format collation se retrouvaient sur les rayons. Au bout des allées, les sacs de marques Yum-Yum et Old Dutch avaient été mis en évidence. « On ne recevra plus de Lay’s, ont affirmé deux préposés du magasin qui disaient ignorer combien de temps cette situation durerait. Ils ont décidé de faire la grève avec nous », a lancé l’un d’eux en riant.

Justifier la hausse

Comment Frito-Lay peut-elle expliquer une hausse de prix ? « Il s’agit d’une affaire confidentielle entre PepsiCo et son client. Nous ne sommes pas en mesure de commenter ces questions », a-t-on répondu chez PepsiCo, dans un courriel envoyé par le service des communications de l’entreprise.

Le fabricant des croustilles Lay’s et Ruffle, qui exploite notamment une usine à Lévis, ne peut justifier sa demande de hausse de prix à Loblaw par le coût actuel de ses pommes de terre. « Pour les croustilles, les prix sont déterminés par contrat avant même les semences. Donc, depuis un an, c’est stable », explique l’agriculteur et président des Producteurs de pommes de terre du Québec, Francis Desrochers.

Mais PepsiCo doit s’attendre à ce que le prix de ses pommes de terre bondisse bientôt, puisque les producteurs demanderont une augmentation de 20 % lors des prochaines négociations qui sont imminentes, et ce, partout en Amérique du Nord. Le coût des intrants, principalement celui des pesticides, a explosé, précise M. Desrochers.

Quant au prix de l’autre ingrédient principal des croustilles, l’huile, il a fortement bondi. La catégorie « graisses et huiles comestibles » affiche une hausse de 21 % depuis un an, selon Statistique Canada.

Ailleurs dans le monde

Les relations parfois difficiles entre fournisseurs et détaillants ne sont pas propres au Québec. En Europe, par exemple, la mésentente sur les prix entre certaines enseignes et ceux qui fournissent les produits ont fait disparaître le Nutella ou les chips Lay’s de certains magasins, rapportait La Presse mercredi. En Grande-Bretagne, l’enseigne Tesco ne vend plus de produits Colgate Palmolive.

Avec la collaboration de Marie-Eve Fournier, La Presse