Les organisations doivent embrasser de façon sérieuse les questions d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI). Un moteur pour la richesse de pensée, nécessaire à la réussite pour de plus en plus de gens. « Et parce qu’on veut des entreprises très performantes », admet Nicolas Marcoux, chef de la direction et associé principal de PwC Canada.

« La diversité a du sens sur le plan des affaires », ajoute Rania Llewellyn, présidente et cheffe de la direction de la Banque Laurentienne du Canada.

Les deux dirigeants étaient les invités d’une conférence virtuelle organisée jeudi par l’Association des femmes en finance du Québec (AFFQ) sur les stratégies des leaders en EDI. Ils étaient accompagnés de Lara Zink, présidente de Women in Capital Markets, et de Denis Ricard, PDG d’iA Groupe financier.

À cette occasion, les quatre participants ont énuméré ce qu’ils avaient mis en place dans leur organisation respective pour qu’elle devienne plus équitable et inclusive, ce qu’il fallait faire pour changer des comportements, ont relevé des nœuds dans le processus d’ouverture et révélé des moments de leur parcours professionnel.

Les panélistes ont d’ailleurs été francs quant aux embûches auxquelles ils se sont heurtés et à leurs biais inconscients. « Il y a 10 ans, au lendemain d’un gala de l’AFFQ où je me suis retrouvé avec 27 femmes et 1 homme, j’ai écrit une note à mes collègues féminines : je comprends ce que vous vivez tous les jours, raconte Nicolas Marcoux. Ça m’avait déstabilisé. Depuis, je me fais un devoir de sortir de ma zone de confort. […] On développe ainsi de l’empathie et la capacité de comprendre ce qu’est être différent. »

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Nicolas Marcoux, chef de la direction et associé principal de PwC Canada

L’implication des leaders est capitale pour qu’une entreprise devienne ouverte et accueillante. « Il faut montrer l’exemple », dit Rania Llewellyn. « Je suis un partisan des cibles à atteindre », ajoute Denis Ricard, qui vise la parité dans sa haute direction d’ici 2025 (31 % de femmes en ce moment).

À une époque où les femmes et les gens issus de la diversité sont encore sous-représentés dans les postes de direction, il est impératif d’agir tout en se montrant patient, car un changement de culture ne se fait pas en claquant des doigts. « J’ai commencé à m’intéresser vraiment aux enjeux EDI à mon arrivée à la tête d’IA en 2018, raconte Denis Ricard. On a établi une stratégie, on a approché Catalyst pour nous aider dans ce cheminement. Des gestes concrets ont commencé à être posés il y a un an. Il n’est jamais trop tard pour commencer. »

Plusieurs obstacles

Il faut d’abord vaincre plusieurs obstacles. Il y a les biais inconscients, les modèles féminins ou issus de la diversité qui ont longtemps manqué, des réseaux inexistants, des problèmes à surmonter dès le recrutement, ont énuméré les invités. « Les plus gros défis proviennent des biais inconscients, estime Lara Zink. Notre esprit met automatiquement des étiquettes, dans notre vie privée autant que professionnelle. »

D’où l’importance que tous aient un réseau de connaissances développé et des modèles dans lesquels se reconnaître et qui peuvent nous tendre la main. « Les organisations disent souvent qu’elles ne reçoivent pas assez de CV de candidates qualifiées issues de la diversité, même s’il y en a », note Lara Zink.

« Les équipes de recrutement doivent aussi être diversifiées, poursuit Rania Llewellyn. Autrement, on va toujours pêcher dans les mêmes eaux et les mentalités restent figées. »

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Rania Llewellyn, présidente et cheffe de la direction de la Banque Laurentienne du Canada

Celle qui a eu une femme dans son parcours dans le milieu des services bancaires aux grandes entreprises (corporate banking), ce qui lui a permis de ne plus se sentir différente, estime néanmoins que les hommes doivent aussi jouer le rôle d’alliés des femmes. Et aussi qu’il faut créer des espaces sécuritaires permettant à tous de s’exprimer et s’interroger sans jugement aucun. « Il faut apprendre à poser des questions difficiles, dit-elle. Quand un employé masculin blanc pense que tout à coup, il aura moins de chances d’avancer, il faut en parler sans tabou. On a tendance à retenir certaines choses, alors qu’il faut discuter. »

« Dans tous les cas, il faut faire comprendre comment les autres peuvent se sentir, poursuit Lara Zink. Je pense aux microagressions, par exemple, en milieu de travail, qui peuvent faire en sorte que certaines personnes vont préférer le télétravail. Ce qui fait perdre des chances de créer un milieu inclusif et diversifié. »

Il faut aussi faire des privilèges avec lesquels on est né des leviers pour l’entourage qui tente de faire sa place. « Les privilégiés doivent s’impliquer pour faire changer les choses, juge Denis Ricard. Être présents, discuter, écouter. Ça va plus loin que de simplement réaliser qu’on est privilégiés. »