La pression s’accentue pour que Québec « redonne les clés des entreprises aux gens à qui elles appartiennent » en mettant fin au télétravail obligatoire. Des employeurs souhaitent pouvoir donner plus de liberté aux travailleurs désireux de « changer le mal de place » en prenant le chemin du bureau, ne serait-ce que quelques jours par semaine, de leur plein gré.

« On comprend que le télétravail est là pour rester, mais le tout ou rien, ça ne fonctionne pas », affirme sans détour Laurence Vincent, présidente de Prével, promoteur immobilier, en faisant notamment référence à la santé mentale des employés et à la cohésion des équipes.

« On est en train de voir les faiblesses du télétravail, note celle dont les bureaux sont situés dans le Vieux-Montréal. Il n’y a rien comme le contact humain. Juste le fait de pouvoir se couper la parole [en personne], ajoute-t-elle avec un sourire dans la voix. En Zoom, c’est toujours saccadé. »

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Laurence Vincent, présidente de Prével

« En laissant le télétravail fortement recommandé comme c’était auparavant, ça pourrait permettre à ceux qui le veulent d’aller au bureau, croit également Martin Légaré, vice-président exécutif de la firme de consultation Medial conseil santé-sécurité. C’est tout de même dur [d’être toujours à la maison]. Pour l’ambiance de travail, pour l’esprit d’équipe, ce n’est pas l’idéal. »

Ces propos font écho à une lettre parue dans La Presse lundi, signée par les représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), du Conseil du patronat du Québec, des Manufacturiers et Exportateurs du Québec et de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Ceux-ci demandent au gouvernement de « poursuivre le plan de déconfinement et de mettre fin au télétravail obligatoire ».

Consultez la lettre ouverte publiée dans La Presse+ lundi

« On entend qu’il faut apprendre à vivre avec la COVID. Pour nous, l’acte 1 de cette reprise de vie là, c’est de recommencer à faire la chose la plus normale qu’on fait dans une vie : aller travailler. Après deux ans, il faut redonner les clés des entreprises aux gens à qui elles appartiennent », a ajouté en entrevue Charles Milliard, président-directeur général de la FCCQ.

Et que dire des hospitalisations liées à la COVID-19, qui étaient en légère hausse lundi ? « Aujourd’hui, il y a des cinémas, il y a des salles de spectacles qui ouvrent. On pense que la prochaine étape, c’est celle-là, répond M. Milliard. Dans la très grande majorité des secteurs d’activité, les normes sont suivies. Il y a beaucoup plus de bénéfices à faire confiance à des milieux de travail qu’il y a de risques à laisser ça perdurer. »

En mode hybride

Lorsque Québec donnera son feu vert, les entreprises interrogées ont toutes affirmé vouloir faire preuve de flexibilité en fonctionnant en mode hybride ou en donnant la possibilité à leurs équipes de venir de leur plein gré.

« Depuis le début de la pandémie, on a misé sur la flexibilité. C’est certain qu’on verrait de façon très positive la possibilité d’offrir cette flexibilité-là aux gens qui ont le souhait de retourner au bureau », indique Claudine Bishop, directrice principale de la culture et du capital humain pour la Financière des professionnels, une firme en gestion privée dont le siège social est situé au Complexe Desjardins. Mme Bishop reconnaît d’ailleurs l’importance de la présence de travailleurs pour redynamiser le centre-ville de Montréal.

Selon une enquête réalisée en août 2021 – avant Omicron – par Censuswide pour le compte d’Indeed, près de 45 % des employeurs québécois disaient vouloir que leurs travailleurs soient présents deux ou trois jours par semaine pour préserver une culture d’entreprise.

Une annonce attendue

Pour le moment, difficile de savoir si le gouvernement annoncera des assouplissements en ce sens au cours de son point de presse prévu ce mardi. Questionné à ce sujet lundi, le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a indiqué que Québec pourrait mettre fin « bientôt » au télétravail obligatoire.

Au cours d’un point de presse, le ministre du Travail, Jean Boulet, a laissé entendre qu’il pourrait « y avoir des développements ». Il n’a toutefois pas voulu s’avancer sur ce qui allait être annoncé prochainement par le premier ministre François Legault.

« Je suis extrêmement sensible à la possibilité que les télétravailleurs puissent revenir de façon hybride. Ce souci économique, je le partage avec les partenaires du marché de l’emploi. Mais je dois m’incliner devant les recommandations de la Santé publique. Souhaitons qu’il y ait de nouvelles instructions dans les délais que la Santé publique jugera opportuns. »

Avec la collaboration d’Isabelle Massé, La Presse, et La Presse Canadienne