Quatre immeubles de Trigone sur la Rive-Sud de Montréal sont bel et bien soumis au plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, auquel le constructeur controversé tentait de les soustraire.

Un juge de la Cour supérieure a tranché sur la question mardi, renversant la décision qualifiée d’« absurde » qu’un arbitre avait rendue en 2019.

Le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs couvre obligatoirement les immeubles résidentiels de quatre « parties privatives » superposées et moins. Le constructeur avait toutefois convaincu l’arbitre que ses projets de l’Éco-Quartier de la Gare à Brossard et Trigone Delson en comptent cinq, même s’ils n’ont que quatre étages.

Pour arriver à ce résultat, Trigone avait convaincu l’arbitre que des locaux appartenant aux syndicats de copropriété comptaient comme des « parties privatives », même s’il ne s’agissait pas de logements. Le constructeur avait aussi affirmé avec succès que certains condos sur deux étages comptant deux numéros de lot se qualifiaient également comme deux « parties privatives ».

Trois condos construits l’un par-dessus l’autre avec un espace commun au sous-sol sont ainsi devenus cinq « parties privatives » superposées.

Dans sa décision, l’arbitre Michel A. Jeanniot avait néanmoins convenu que sa sentence pouvait heurter « le sens naturel qui se dégage de la simple lecture ».

« Artifice »

Garantie de construction résidentielle (GCR), qui administre le plan, avait qualifié ces prétentions d’« artifice » visant à permettre au groupe de se soustraire à ses obligations.

L’organisme avait demandé la révision judiciaire de cette sentence « déraisonnable », et le juge vient de lui donner raison.

Les 242 condos que comptent les projets concernés sont donc bel et bien soumis aux règles du plan de garantie, qui protège les acheteurs contre les retards de livraison, les vices cachés et autres défauts de construction.

Propriétaire de Trigone avec Serge Rouillard, Patrice St-Pierre n’a pas voulu commenter la décision de mardi quand La Presse l’a joint.

De son côté, GCR se réjouit. « Ça vient dire une chose : il y a un cadre réglementaire pour protéger les consommateurs, et les entreprises ne peuvent pas le contourner pour se soustraire au plan de garantie obligatoire », dit le porte-parole François-William Simard.

Les licences de Trigone en jeu

Cette décision représente un autre revers pour Trigone, qui avait perdu temporairement toutes ses licences de construction fin septembre pour avoir « contourné la loi » par divers stratagèmes.

Dans sa décision de 136 pages, le Bureau des régisseurs de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) reproche à Trigone une série de « manquements contemporains et répétitifs », pour lesquels « les intimées et leurs dirigeants n’ont démontré aucune volonté d’amélioration ».

Le régisseur lui reproche notamment le non-paiement de dettes liées à des jugements que des entreprises du groupe Trigone ont perdus, de fausses déclarations, des menaces à la sécurité publique, ainsi que la mauvaise qualité de leurs immeubles et de leur service après-vente.

Le groupe a fait appel de la décision, et le Tribunal administratif du travail a suspendu la décision du régisseur pour lui permettre de terminer plus de 2000 logements dans 11 projets.

Les audiences sur le fond ont eu lieu du 19 au 21 janvier dernier, et le Tribunal a pris l’affaire en délibéré.

Précision : une version antérieure du texte mentionnait qu’au lieu de les inscrire au plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, Trigone avait enregistré ses projets au plan de l’Association de la construction du Québec. Le groupe les avait plutôt inscrits à la Garantie habitation des maîtres bâtisseurs de l’Association patronale des entreprises en construction du Québec. Nos excuses.