La pénurie de main-d’œuvre ne garantit pas un emploi à ceux qui en cherchent. Le Centre Eurêka aide les travailleurs expérimentés de 40 ans et plus à rebondir sur le marché du travail. Une question de stratégie, de bonnes techniques… et d’estime de soi. Tout cela s’acquiert.

Un doctorat n’assure pas un nouvel emploi, non plus qu’il procure la bonne méthode pour le trouver.

Cette quête est plutôt la spécialité du Centre Eurêka, un organisme privé à but non lucratif qui propose des services-conseils en stratégie de réintégration du marché du travail aux personnes de 40 ans et plus.

« Depuis 45 ans, on a aidé plus de 22 000 personnes avec un taux de placement de 80 à 85 %. Notre clientèle est habituellement du niveau collégial au doctorat », décrit le directeur général de l’organisme, Paul Gagner.

Selon les années, près de 5 % de sa clientèle détient un doctorat, estime-t-il.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Hédia Annabi, chef d’équipe et conseillère en emploi au Centre Eurêka, et Paul Gagner, directeur général de l’organisme

Son centre a vu défiler des diplomates, des avocats, des pilotes d’avion, d’anciens politiciens. Mais aussi des chauffeurs, des techniciens, des chefs de service. Hommes et femmes, bien sûr.

Le seul critère est d’avoir une expérience de trois ans sur le marché du travail canadien.

Ils frappent à la porte du Centre Eurêka parce qu’en dépit de leurs efforts – et peut-être en raison de ceux-ci –, ils n’ont toujours pas retrouvé de travail plusieurs mois après la perte de leur emploi.

« Malgré la difficulté à recruter, les employeurs ne veulent pas se retrouver avec des problèmes à la suite de l’embauche », souligne Paul Gagner.

Depuis au moins cinq ans, ce n’est pas tant les compétences de la personne qui intéressent l’employeur que de savoir si elle peut s’intégrer facilement à son équipe.

Paul Gagner, directeur général du Centre Eurêka

C’est souvent la démonstration que n’ont pu faire les chercheurs d’emploi désabusés, découragés et quelquefois désespérés qui se présentent au centre.

Leurs échecs répétés leur font craindre l’avenir, mais aussi douter du passé. Où se trouve leur compétence ? Que vaut leur expérience ?

« Notre rôle, c’est d’aiguiller, de guider, de redonner confiance, parce qu’une grande partie de nos candidats ont perdu leurs repères », indique Hédia Annabi, chef d’équipe et conseillère en emploi au Centre Eurêka.

On va rebâtir cette estime d’eux-mêmes, on va revaloriser leurs compétences, leurs qualifications. Le doute est un des grands facteurs qui font que la personne vient nous voir. Ils ne sont pas capables d’affronter un employeur ou de passer une entrevue. Ils sont tétanisés.

Hédia Annabi, chef d’équipe et conseillère en emploi au Centre Eurêka

Si leurs démarches n’ont pas abouti, c’est souvent davantage en raison de leur attitude que de l’épaisseur de leur curriculum vitæ.

« La personne ne peut pas se trouver un emploi parce que tout simplement, elle ne se connaît pas, ou elle a un comportement inadéquat. »

C’est donc sur ce plan qu’il faut intervenir. L’approche du centre est personnalisée, sur la base d’une rencontre privée par semaine pendant une période de six mois, le tout suivi d’un accompagnement de quatre mois.

Tout cela est gratuit.

« Notre approche est surtout basée sur le behavior, qui est fondé sur le changement du comportement, donc l’observation psychologique », poursuit la conseillère.

« Elle est aussi orientée vers l’humanisme. Il s’agit de mettre l’accent sur la capacité de l’individu, de lui faire prendre conscience de ses difficultés et de ses ressources, d’expérimenter de nouvelles façons d’agir, et surtout de les adapter aux stratégies actuelles du marché. »

Les trois S

Au Centre Eurêka, la recherche d’emploi se résume en trois « S » : sécuriser, satisfaire et surprendre.

« Sécuriser par notre façon d’être, notre attitude. Satisfaire par notre cursus et notre cheminement professionnel. Et surprendre par nos réalisations », décrit Hédia Annabi.

Le conseiller aidera le candidat à présenter ses réalisations sous un jour nouveau, de manière stratégique et en adéquation avec les besoins de l’employeur. « C’est ça qui va apporter du poids à la candidature. »

Le marketing de soi

Le chercheur d’emploi doit aussi être correctement outillé pour la mise en marché de sa candidature – le marketing de soi.

Lorsque Paul Gagner rencontre des chercheurs d’emploi dans les salons, il s’enquiert de leurs démarches. « Quand ils me disent qu’ils ont fait un CV, je leur demande à combien d’employeurs ils l’ont envoyé au cours des six derniers mois. Quelquefois, c’est 30, 40, 50. Est-ce qu’ils ont eu des appels ? La réponse est zéro. Je leur dis alors que leur CV n’est pas fonctionnel et ne répond pas aux besoins des employeurs. »

Le Centre Eurêka a sa propre « recette secrète », dit-il.

La présentation sur LinkedIn et la présence sur les réseaux sociaux font aussi l’objet d’un examen attentif.

La lettre de présentation des candidats, fréquemment repiquée sur l’internet, peut les faire mal paraître.

Il y a une façon de rédiger, il y a des tournures de phrase qui sont désuètes, et ça fait une différence. Il est important de les mettre à jour par rapport à la réalité du marché.

Hédia Annabi, chef d’équipe et conseillère en emploi au Centre Eurêka

Ils doivent aussi donner des références appropriées – pas le nom de leur collègue préféré. « Il y a une stratégie, une façon de faire, dont on discute avec nos clients. »

Enfin, le candidat se prépare pour l’ultime épreuve de l’entrevue, avec des simulations filmées.

Nouveau départ

Règle générale, les candidats qui trouvent un emploi y parviennent après s’être engagés depuis quatre mois dans la démarche.

Financé par Services Québec, le Centre Eurêka emploie neuf personnes, dont six conseillers et conseillères.

Alors qu’il accueille généralement quelque 500 chercheurs d’emplois par année, la pandémie a fait fondre la cohorte. Durant la dernière année, le centre, qui a repris ses rencontres en personne dès juin 2020, a formé 167 candidats.

« Sur les 167, on a eu 119 placements, et ces 119 placements représentaient une masse salariale de 5 millions de dollars », relève Paul Gagner.

Soit un salaire moyen de 42 000 $.

Il faut le voir comme un tremplin.