(Toronto) Les étudiants à la recherche d’un emploi pour cet été ne devraient pas se décourager, même si la pandémie de COVID-19 risque de compliquer le processus pour une deuxième année de suite, estiment des experts.

Le marché du travail dans son ensemble est en bien meilleur état qu’il ne l’était au printemps dernier, souligne Brendon Bernard, économiste principal pour le site web de recherche d’emploi Indeed.

« Le printemps dernier, nous avons été confrontés à une pénurie d’emploi aux proportions historiques. Nous ne sommes pas encore revenus à la normale, mais nous en sommes beaucoup plus proches que nous l’étions même l’été dernier », explique-t-il lors d’une entrevue.

Alors que le pourcentage d’emplois « d’été » est légèrement en baisse par rapport à l’année dernière à la mi-avril, le nombre total de postes vacants est en hausse de 18 % par rapport à février 2020.

« Ce n’est pas encore un marché normal pour les emplois d’été, mais en même temps, je pense qu’il y a des raisons d’être plus optimiste, surtout si les campagnes de vaccination peuvent vraiment faire baisser le nombre de cas de COVID. »

Les emplois d’été typiques pour les étudiants, qui se trouvent dans les secteurs du tourisme et du commerce de détail ou dans les camps de vacances, seront « en suspens » dans les prochains mois, car les employeurs retarderont l’affichage de ces emplois jusqu’à ce que les directives sanitaires soient plus claires.

L’incapacité des commerces à rouvrir dans certaines régions aura un impact important sur les embauches d’été, croit aussi Karl Littler, vice-président principal des affaires publiques du Conseil canadien du commerce de détail.

Même ceux qui ouvriront pourraient subir des pressions à l’embauche parce qu’ils devront limiter leurs activités en fonction de certaines restrictions de capacité à l’intérieur, ce qui pourrait signifier qu’il leur faudra moins de personnel. Selon lui, la situation actuelle de l’emploi est difficile parce que les détaillants sont un « point d’attache » important à la population active pour plusieurs jeunes pendant l’été et pendant l’année scolaire.

« C’est donc un gros problème. Cela peut même potentiellement affecter l’accessibilité financière à l’éducation et avoir un certain nombre d’autres effets d’entraînement. Et, bien sûr, cela pourrait laisser des trous dans les curriculum vitae des jeunes, ce qui pourrait avoir des conséquences à plus long terme. »

Certains détaillants, en particulier les plus petits magasins, pourraient également souhaiter que leurs employés soient vaccinés contre la COVID-19, ce qui n’est pas facilement réalisable pour les jeunes travailleurs, ajoute-t-il. À l’inverse, certaines familles pourraient ne pas vouloir que leurs enfants occupent des emplois d’été de crainte d’exposer un être cher au virus à la maison.

Certains secteurs plus résilients

Selon la région, les magasins de vêtements, de meubles, de bagages et ceux qui se concentrent sur les sports d’équipe ont été les plus touchés par les mesures sanitaires. Pendant ce temps, les épiciers, les dépanneurs, les stations-service et les centres de rénovation ont été les plus résilients.

M. Littler suggère aux jeunes de ratisser large et d’être persévérants. Si les taux d’infection diminuent considérablement dans certaines régions, les restrictions pourraient y être assouplies, ce qui pourrait se traduire par une embauche tardive. « Il se peut que l’été soit plus concentré et que de longues heures de travail soient disponibles en juillet et en août, mais pas en juin — je n’abandonnerais pas pour le moment. »

Les jeunes de 15 à 24 ans sont historiquement confrontés à des niveaux de chômage plus élevés que les autres segments de la population. La situation a été particulièrement difficile l’année dernière. Le taux de chômage s’est amélioré entre mai et août, mais il restait deux à trois fois supérieur à celui de l’été prépandémique de 2019.

En mars 2021, le taux de chômage des jeunes Canadiens était de 14 %, soit environ le double de celui de l’ensemble du pays, selon Statistique Canada. Cela augmentera probablement en avril en raison des confinements.

Le chômage cet été, en particulier pour les jeunes hommes, sera probablement plus près de celui de la fin de l’année dernière, mais les jeunes femmes pourraient être particulièrement vulnérables en raison du type de travail qu’elles obtiennent généralement, prévient David Macdonald, économiste principal au Centre canadien de politiques alternatives.

« Nous pourrions donc nous attendre à ce que les taux de chômage soient le double de ce qu’ils sont normalement — c’est la projection optimiste », affirme-t-il.

Le scénario du pire pour cet été est que les restrictions perdurent et que les vaccinations mettent plus de temps à réduire le nombre de cas d’infection, ajoute M. Macdonald. Dans ce cas, le chômage pourrait atteindre environ 40 %, plutôt que 25 %.

Les perspectives sont peut-être plus prometteuses pour les étudiants qui peuvent travailler à distance, comme les étudiants universitaires effectuant un travail plus technique. Les emplois dans la construction, la fabrication et l’entreposage sont plus nombreux, contrairement à ceux dans le tourisme, la culture et les loisirs, puisque la tenue des festivals d’été est incertaine et certains parcs d’attractions, comme Hamilton’s Wild Waterworks, resteront fermés.

« Il ne sera pas inhabituel que les gens ne trouvent pas d’emplois à temps plein comme ils auraient pu le faire dans le passé », prévient M. Macdonald.

Cette situation pourrait faire croître la dette étudiante, malgré les reports de prêts et l’augmentation des subventions gouvernementales. « Il y aura beaucoup de porte-à-porte, et celui-ci sera malheureusement souvent infructueux. Il faudra aussi compter certaines périodes d’attente (jusqu’à ce que) les mesures de la santé publique soient levées. »

Les étudiants du secondaire pourraient être tenus à l’écart d’un emploi si les étudiants des universités et des collèges postulent plus rapidement pour des emplois dont la disponibilité est limitée. Mais M. Macdonald croit qu’ils pourraient également en profiter si la situation de l’emploi s’améliorait en juillet et en août, mois où les étudiants du secondaire commencent généralement à travailler.

Les étudiants devraient commencer tôt leurs recherches d’emploi, préparer leur curriculum vitae et réseauter avec leur famille et leurs amis pour avoir une idée des secteurs qui embauchent, explique Jodi Kasten, également du site Indeed. « Je sais que cela semble être un peu en contradiction avec les confinements, mais les employeurs sont toujours désireux d’embaucher de bons employés et j’encouragerais simplement les étudiants à vraiment réfléchir à ce qu’ils veulent faire. »

Le paysage actuel de l’emploi d’été amène les étudiants à ressentir un genre de déjà-vu, observe Bryn de Chastelain, président de l’Alliance canadienne des associations étudiantes. « Nous voyons et entendons certainement, dans nos campus membres, que les étudiants ressentent un niveau de stress très similaire à celui qu’ils ont ressenti à la même époque l’année dernière », affirme-t-il depuis Halifax, où le tourisme fait face à une autre année difficile en raison de l’annulation des croisières.

Alors que l’objectif des étudiants est d’acquérir de l’expérience avant d’obtenir leur diplôme, plusieurs ont des besoins financiers importants et cherchent des moyens « de garder la tête hors de l’eau ».

« Je pense qu’il est en fait assez difficile pour plusieurs étudiants de se faire à l’idée que la recherche d’emploi sera très similaire cet été à celle qu’ils ont dû affronter l’été dernier. »