Se raser la tête pour une cause noble, même quand on a déjà peu de cheveux et quand la mode ambiante est aux coupes minimalistes, façon Martin Matte ou Étienne Boulay, n’est peut-être pas radical, mais demeurera toujours important.

Le geste, encouragé depuis 20 ans par les campagnes de financement de Leucan, est beau. Quand on sait que le but est d’amasser des fonds pour la recherche sur les cancers pédiatriques et pour l’aide aux jeunes patients et à leurs familles, ça ne peut qu’être émouvant.

Imaginez maintenant quand on est une femme et qu’on décide aussi de tout faire disparaître, pour évoquer ces crânes nus de patients en chimiothérapie. Et encore plus, imaginez si c’est fait par une femme d’affaires. Une femme dont on n’attend aucune excentricité, une femme qui doit peut-être se battre souvent pour être prise autant au sérieux que ses collègues masculins, une femme qui fait face tous les jours au grand et au petit sexisme ordinaire, aux biais inconscients, une femme trop constamment jugée sur son apparence comme tant d’autres. Poids, rides, coiffure, style vestimentaire…

On sait tous que les cheveux font partie des ingrédients qui participent plus chez les femmes que chez les hommes à cette « beauté » qui apporte un « premium » en argent sonnant et en pouvoir à tout le monde, des politiciens aux gens d’affaires en passant par les agents d’immeuble. Tout ça a été documenté par de la recherche universitaire.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

MSophie Mongeon, associée chez Desroches Mongeon Avocats, fait partie d’un groupe de femmes d’affaires qui se feront raser la tête pour Leucan.

Être beau facilite la vie.

Et avoir des cheveux facilite la beauté.

Je vous fais ce long laïus parce que j’ai rencontré virtuellement cette semaine six femmes d’affaires qui ont décidé de se faire raser la tête pour Leucan le 28 mars prochain.

Elles font partie d’une cohorte de femmes appelées « Les Audacieuses » – il y a aussi une orthopédiste oncologue, la chanteuse Safia Nolin, Alicia Kazobinka, conférencière et militante pour la communauté trans – qui ont décidé de prendre le flambeau du défi Tête rasée cette année.

Au départ, tout cela devait se faire l’an dernier, un projet bousculé par la pandémie qui s’est résumé à Marie-Mai, la tête rasée, à la une du Elle Québec. Et ce fut déjà spectaculaire.

  • Brigitte Dagnault, de la Sun Life

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Brigitte Dagnault, de la Sun Life

  • Brigitte Jalbert, d’Emballages Carrousel

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Brigitte Jalbert, d’Emballages Carrousel

  • Michelle Cialdella, du Groupe Functionalab – Dermapure

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    Michelle Cialdella, du Groupe Functionalab – Dermapure

1/3
  •  
  •  
  •  

Mais cette année, Leucan est de retour. Et ce n’est pas une femme, mais une dizaine de femmes qui porteront le flambeau avec leurs reluisants cocos, dont MSophie Mongeon, associée chez Desroches Mongeon Avocats, Brigitte Dagnault, vice-présidente adjointe au marketing pour tout le Canada à la Sun Life, Nancy Raymond, présidente de Steamatic Canada, Brigitte Jalbert, présidente d’Emballages Carrousel, Michelle Cialdella, cheffe de l’exploitation au Groupe Functionalab – Dermapure, et Marie Brousseau, pharmacienne-propriétaire affiliée à Proxim en Beauce. Comme Marie-Mai, on les verra elles aussi dans Elle Québec, mais pas tout de suite, en mai pour le numéro de juin.

Pourquoi ont-elles choisi de se lancer dans l’aventure ?

Certaines ont été touchées de très près par la maladie. Un enfant, une nièce, la fille d’une cousine.

Mais il n’y a pas que cela.

« On veut inspirer positivement », résume Michelle Cialdella.

On veut attirer l’attention du monde des affaires vers le courage de ces entrepreneures et dirigeantes qui osent prendre ce risque, on espère motiver les équipes de travail en montrant que leur leader est là, elle aussi, pour sortir totalement de sa zone de confort.

« Comme leader, je veux être inspirante », explique Brigitte Jalbert. Montrer une forme de courage. « Je ne cours pas de marathon. C’est ma façon de me dépasser. »

Dans le monde des affaires, explique Brigitte Dagnault, de la Sun Life, vendre des billets pour des évènements-bénéfices fait partie des activités normales de toute cadre. On rend service à l’un, on encourage l’autre, on demande de l’aide. Les réseaux se mettent en marche. La femme d’affaires ne dit pas que c’est facile et que ça se fait tout seul, mais ce n’est plus un défi quand on l’a fait souvent.

Se raser le crâne, ça, c’est autre chose.

« Ça permet de communiquer beaucoup plus largement. »

Le niveau d’engagement envers la cause n’est plus le même.

Ce n’est plus du PR. C’est vraiment profond.

« On voit par l’intensité des réactions que oui, les gens comprennent bien que c’est un geste particulièrement courageux de la part d’une femme », résume MMongeon.

Marie Brousseau, pharmacienne en Beauce, a déjà fait l’expérience il y a cinq ans.

Et n’a pas hésité à le refaire. « J’ai eu tellement de compliments, après. Mais oui, surtout, les femmes venaient me voir pour me dire qu’elles me trouvaient courageuse et qu’elles ne l’auraient jamais fait. »

« Moi, je me dis que ce n’est pas une coupe de cheveux qui va me définir, lance Nancy Raymond. Il y a aussi ce message qu’on veut envoyer. »

En fait, quand on prend le temps de parler avec ces femmes et avec Pascale Bouchard, directrice générale de Leucan, instigatrice du projet, qui se fera raser aussi, on réalise que la chevelure est politique.

Plusieurs femmes d’affaires haut placées pressenties pour le projet n’ont pas pu dire oui, dit-elle, pour toutes sortes de raisons. Mais dans certains cas, ce sont leur conseil d’administration ou leur service de relations publiques qui étaient frileux !

Pourtant, de telles difficultés n’ont jamais été rapportées par les hommes d’affaires et tous ceux qui, en 20 ans, se sont rasé la tête. Quelque 95 000 personnes. Tout ça a permis d’aller chercher des sommes pour aider familles et patients, et 1 million par année versé pour la recherche. De la recherche qui fait avancer les taux de survie.

Mais pas partout.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Sophie Mottard

Sophie Mottard n’est pas femme d’affaires. Elle est médecin. Et elle aussi se fera raser le crâne. Et elle espère que son geste interpellera le monde des affaires précisément parce que c’est par des dons que la recherche avance vraiment. Les cancers qu’elle traite, explique-t-elle, ceux qui tuent encore trop d’enfants ou affectent leur vie pour toujours, sont trop rares pour que les sociétés pharmaceutiques investissent afin de trouver des traitements. Pas rentable.

Et le cancer demeure la première maladie mortelle chez les enfants au Québec.