Quand il a conçu un abri pour les files d’attente aux portes des commerces, Jean-François Fournier a essuyé toutes les tempêtes qui assaillent une nouvelle entreprise.

Bourrasques… Bruine… Brrr… Au printemps dernier, dans la colonne de clients qui attendaient devant lui pour entrer à leur tour dans un supermarché, une vieille dame frissonnait.

« Je lui ai offert mon foulard, mais elle ne l’a pas pris », raconte Jean-François Fournier.

Trois clients ont décidé de partir plutôt que de subir les intempéries – autant de pertes pour le commerce, s’est-il dit.

Alors que le temps file, dans la file, le fil de ses pensées le mène à cette idée toute simple, presque une évidence : pourquoi pas un abri ?

Mieux : pourquoi ne pas s’en charger lui-même ?

Il aurait pu se défiler.

Mais notre homme est propriétaire d’un centre d’amusement, fermé à cause de la pandémie. Il avait donc du temps.

Il a d’abord songé à importer un produit asiatique, puis s’est ravisé.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Jean-François Fournier installe lui-même les abris, aidé d’un employé. Sa remorque est équipée de tout le matériel nécessaire – même de chauffage.

Avec la montée de l’achat local, je me suis dit qu’il serait judicieux de tout concevoir au Québec.

Jean-François Fournier, fondateur d’Abris Tecto

Fort d’une formation en techniques du bâtiment – il a construit lui-même sa résidence à la campagne –, il a dessiné un module en tubes d’acier soudés. Son toit à deux versants est recouvert de feuillards ondulés en polycarbonate translucide. Les parois latérales sont fermées par des panneaux transparents, amovibles l’été.

Ne restait plus qu’à fonder une entreprise, trouver des fournisseurs, fabriquer l’abri, convaincre des acheteurs, faire l’installation. Menus détails…

Premier client

Il a contacté l’homme d’affaires François Lambert, qu’il connaissait. « Je savais qu’il était partenaire dans une usine d’acier, Acier Saint-Jérôme. Ça a facilité le contact avec son président, M. Bertrand Pellerin. »

Convaincu de la valeur de l’idée, celui-ci a fabriqué un prototype selon les plans de Jean-François Fournier.

Il fallait encore l’installer chez un premier client, un commerçant prêt au risque du précurseur. Pourquoi pas son supermarché habituel, l’IGA de Prévost en face duquel l’idée avait germé ?

« J’ai communiqué avec le propriétaire, je lui ai parlé de mon produit, je lui ai montré mon dessin. Il m’a fait confiance, j’étais déjà une personne d’affaires de la région des Laurentides. »

En juin, il y a fait sa première installation, « et non la moindre : 63 pi de long ».

Malheureusement, « après ça, ça a pris du temps avant de décoller ».

Lent départ automnal

« En septembre, les gens me disaient : « On ne sait pas si on va avoir besoin de ça cet automne », poursuit Jean-François Fournier.

Quelques commerçants audacieux – ou clairvoyants – se sont peu à peu manifestés.

« Il a fallu que je commande pour 8000 $ de polycarbonate. Il fallait que je trouve les fonds, que j’achète le polycarbonate, que je l’entrepose, et il fallait que je fasse confiance à la vie, parce que je n’avais qu’un seul abri de vendu. »

Sur le vaste terrain de sa propriété, il a construit une grande remise pour entreposer les matériaux et faire la coupe des panneaux de plastique.

Novembre et le froid venus, les clients ont afflué. « À un moment, j’ai eu 17 commandes en l’espace d’une semaine. »

Cette fois, c’est le problème de l’approvisionnement qui s’est posé.

Si vous saviez tout ce que j’ai vécu ! L’approvisionnement en matériaux est tellement chaotique en ce moment. J’ai vidé tous les centres Patrick Morin de leurs panneaux de polycarbonate. Partout au Québec !

Jean-François Fournier, fondateur d’Abris Tecto

Il a ensuite écumé les quincailleries Canac de la province, puis les Home Depot.

Par l’entremise d’Acier Saint-Jérôme, il a engagé un soudeur, qui monte les structures dans l’entrepôt du grossiste.

Nettoyés au jet de sable, les modules sont peints au four « par le même fournisseur qui fait les lampadaires pour la Ville de Québec ».

Ajustements…

Pour faire l’installation, il s’est procuré une remorque qu’il a accrochée à sa camionnette. Elle est vite devenue exiguë.

Il a acheté une remorque fermée. Elle s’est révélée trop petite. Il l’a remplacée par une plus grande. Trop grosse pour sa camionnette.

Il a acquis une camionnette supplémentaire – « ma conjointe était découragée » – et a engagé du même coup un premier employé.

Au cœur de décembre, voilà nos deux hommes qui alignent les modules devant les magasins, les ancrent dans le béton, fixent les panneaux de plastique, ajoutent les moulures faîtières.

« J’ai mis un système de chauffage dans ma remorque, parce que toutes les heures, il fallait entrer pour se réchauffer les mains et les pieds ! »

Puis est arrivé Noël, dont les clochettes ont sonné le glas du magasinage.

Malgré ces aléas, il ne craint pas que son entreprise soit toujours tributaire des mesures sanitaires.

Quand la pandémie se sera estompée, « je vais continuer de fabriquer des beaux gazebos de qualité, dit-il. La demande est là ».

Qu’arrivera-t-il de son centre d’amusement ? « Je vais être honnête avec vous, je ne le sais pas. Cette crise nous ramène à réévaluer beaucoup de choses. »

Il a quatre jeunes enfants, dont un nouveau-né. Le temps est précieux, il faut bien l’investir.

« J’ai des gens à couvrir qui attendent dans le froid. J’ai des commerçants à aider à mieux prendre soin de leurs clients. C’est ce que je fais. »