Québec n’a pas l’intention d’injecter de l’argent dans le producteur de cannabis en difficulté Hexo, qui s’est tourné vers l’État alors qu’il est à la recherche de financement. Le magnat de l’immobilier Vincent Chiara, l’un des administrateurs de l’entreprise, croit que le gouvernement Legault devrait y réfléchir.

L’entreprise de Gatineau est dans une situation précaire, au point que son auditeur, PricewaterhouseCoopers, a exprimé de sérieuses inquiétudes quant à l’avenir de ses activités.

Hexo est toutefois le principal fournisseur de la Société québécoise du cannabis (SQDC), ce qui devrait faire réfléchir le gouvernement Legault, estime M. Chiara, qui figure également parmi les principaux actionnaires de l’entreprise, selon la firme de données financières Refinitiv.

« Si le gouvernement veut protéger son fournisseur privilégié, qui est un joueur local, son volume […], je pense que stratégiquement, cela pourrait être intéressant », a dit l’homme d’affaires, vendredi, au cours d’un entretien téléphonique avec La Presse.

Hexo vient d’inscrire trois de ses représentants, dont le nouveau chef de la direction, Scott Cooper, au Registre des lobbyistes du Québec, afin d’intervenir auprès du ministère de l’Économie et de l’Innovation ainsi que d’Investissement Québec (IQ) – le bras financier de l’État.

Le producteur de cannabis souhaite obtenir un appui financier, qui n’a pas été chiffré, sous forme de capital-actions, afin d’« accélérer » son « programme d’innovation » et de consolider des « emplois au siège social » de Gatineau.

« Il n’y aura pas d’intervention du gouvernement du Québec dans la structure actuelle », a indiqué dans une déclaration Mathieu St-Amand, l’attaché de presse du ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon.

C’est un dossier que l’on suit étant donné qu’il s’agit d’une société avec siège social au Québec, mais aucune action n’est prévue à l’heure actuelle.

Mathieu St-Amand

Par courriel, l’entreprise a répondu qu’elle ne souhaitait pas divulguer davantage de détails. Son contrat avec la SQDC vient à échéance en 2023.

D’importants doutes

Au quatrième trimestre, Hexo avait perdu 68 millions. En présentant ses résultats, le 29 octobre dernier, l’entreprise a prévenu qu’elle n’avait pas assez d’argent dans ses coffres pour financer les remboursements de sa dette. Elle est à la recherche de financement.

Dans un rapport de six pages qui accompagnait les données financières, PricewaterhouseCoopers soulignait qu’Hexo n’avait pas maintenu « un contrôle interne efficace sur ses divulgations financières » et qu’un « doute substantiel » planait sur sa capacité à poursuivre ses activités.

« La compagnie a encaissé des pertes d’exploitation récurrentes, a eu des sorties de trésorerie et a des passifs qui pourraient nécessiter des sorties d’argent importantes », pouvait-on lire.

Malgré cet avertissement, M. Chiara ne croit pas qu’il s’agirait d’un investissement risqué pour l’État. C’est le rôle de l’auditeur d’évaluer les scénarios.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Administrateur chez Hexo, le magnat de l’immobilier Vincent Chiara estime que les actionnaires de l’entreprise vont continuer à l’épauler.

Avec certains actionnaires, nous sommes prêts à participer pour assurer la pérennité de la société. L’engagement des actionnaires n’est pas quelque chose dont les auditeurs tiennent compte.

Vincent Chiara

Plusieurs changements

Les difficultés d’Hexo ont entraîné une importante réorganisation cet automne. Le cofondateur et chef de la direction Sébastien St-Louis ainsi que le chef de l’exploitation Donald Courtney sont partis. C’est Scott Cooper, qui était précédemment à la tête de Truss Beverages, une coentreprise entre Molson Coors Canada et Hexo, qui a pris les commandes.

Chez ATB Capital, Frederico Gomes estime que la société est au cœur d’une transformation dont le résultat est « incertain ». Elle doit intégrer trois récentes acquisitions (Zenabis, Redecan et 48North) alors que de nouveaux dirigeants sont en poste.

« Les fonds disponibles sont insuffisants pour financer le remboursement de la dette, ce qui augmente le risque d’une dilution [pour les actionnaires] », écrivait l’analyste dans un rapport diffusé à la fin d’octobre.

En août dernier, le producteur de cannabis avait récolté 144 millions grâce à une émission d’actions. Sa dette convertible atteint 404 millions.

À la Bourse de Toronto, vendredi, l’action d’Hexo a retraité de 5,4 % pour clôturer à 1,23 $. Elle s’est repliée de plus de 75 % depuis le début de l’année. Le titre avait atteint près de 42 $ en avril 2019. Hexo doit publier ses résultats du premier trimestre mardi.

1200

Hexo chiffrait son effectif à 1200 employés au 31 juillet. L’entreprise a annoncé le licenciement de 155 personnes le mois dernier.