Le café n’échappe pas aux hausses de prix observées pour le panier d’épicerie ou les plats au resto. La boisson préférée des consommateurs subit aussi une hausse de coût. Qu’on l’achète en vrac à l’épicerie ou dans une tasse au café du quartier.

« On a été obligés d’augmenter les prix la semaine passée des cafés breuvages », affirme Line Guérin, directrice des opérations de la Brûlerie St-Denis, à Montréal. « Là, je dois réévaluer les prix pour la semaine prochaine. Notre café provient de partout dans le monde. Ça passe par les importateurs. On est tributaires des fluctuations de prix. Ça peut aller au double pour certains grains. »

Les prix étaient pourtant stables depuis plusieurs années. « Je n’ai pas eu à les augmenter depuis cinq ans, constate Line Guérin. C’est lié à la COVID-19, au coût élevé de la main-d’œuvre et aux coûts de transport. Les changements climatiques nuisent aussi aux récoltes en général. »

« On a énormément de défis avec l’approvisionnement sur plusieurs plans », ajoute Marc Benzacar, chef de l’exploitation, restaurants décontractés à service rapide, de MTY Group (Café Dépôt, Café Van Houtte et Thimothy’s World). « Depuis 8 à 10 mois, le prix des conteneurs augmente chaque mois. On a des problèmes au Brésil, en Colombie, au Guatemala et même en Éthiopie. Il y a une pénurie d’emplois partout. Il y a des hausses à chaque maillon de la chaîne. »

Ça chauffe en Bourse

Sur les marchés américains, le prix du café versé aux producteurs était de 98 cents US la livre à l’été 2020. Il tourne autour de 2,40 $ US la livre depuis quelques semaines.

La rareté des grains, surtout en provenance du Brésil, plus gros producteur de café, est la principale responsable. À cause de sécheresses, suivies de gels dans la dernière année. Aussi parce que, selon le département de l’Agriculture des États-Unis, les fermiers brésiliens ne livrent pas le café promis à un coût déjà fixé pour tenter de le revendre à d’autres au prix courant plus élevé, pouvait-on lire cette semaine dans le Financial Times.

« Les coûts ont beaucoup augmenté », affirme Dominic Drouin, copropriétaire de Caffè in Gamba, à Montréal. « On commence à avoir des lettres de nos torréfacteurs annonçant des hausses. Je n’ai pas vu des augmentations si élevées en sept ans, depuis que je suis propriétaire. Car ça ne s’applique pas qu’au café. Les prix de l’emballage ont augmenté de façon exponentielle. La caisse de verres en carton a bondi de 35 % à 40 %. C’est majeur ! Ça tire de tous les côtés. »

Chaque fois toutefois, MTY, dont le petit café filtre régulier chez Café Dépôt se détaille 2,40 $, limite l’augmentation de ses prix dans une fourchette de 3 % à 5 %. « On essaie de ne pas refiler la facture aux consommateurs, mais on n’a pas le choix », affirme Marc Benzacar.

De son côté, Caffè in Gamba a augmenté ses prix de 5 % à 6 %, en septembre. « On est sur une structure d’augmentation des prix deux fois l’an », explique Dominic Drouin, qui anticipe une hausse « spectaculaire » en mars prochain.

Année sans sucre

En 2022, le consommateur pourrait s’attendre à un bond de 10 % à 15 %. « On a une tempête parfaite, causée par la météo au Brésil, qui a une grosse influence sur le cours du café et de la chaîne logistique », souligne Jérôme Grenier-Desbiens, copropriétaire de Structure Torréfacteurs, qui a notamment pour client Caffè in Gamba. « La chaîne logistique était déjà faible avant la COVID-19. La pandémie a exacerbé ça. Cependant, pour les petits torréfacteurs comme moi qui achètent directement au fermier, les prix sont atténués. »

Néanmoins, il a annoncé à sa quinzaine de clients que les coûts augmenteraient de 2,5 % le 1er décembre. Pour suivre l’inflation, entre autres. « Ça va aussi aider à payer la matière première, mais on est moins frappés, car on n’achète pas de producteurs liés au cours boursier, indique Jérôme Grenier-Desbiens. Le prix à la Bourse, c’est ce qui est en train d’augmenter ridiculement. »

Cafés, restos et épiceries risquent-ils de voir leurs ventes décliner en affichant des prix gonflés ? « Les trois boissons les plus bues sont l’eau, le thé et le café, rappelle Line Guérin. Les gens vont peut-être se priver d’alcool ou d’autres choses, mais pas d’un café à 3 $. »

« Les clients sont résignés, car tout augmente, ajoute Dominic Drouin. C’est justifié, pas arbitraire. Personne n’a intérêt à afficher des prix trop élevés. C’est important que ce soit juste, afin de rester concurrentiel. »

M. Drouin craint d’ailleurs l’hécatombe pour les entrepreneurs qui résisteront à augmenter les prix à leur menu. « Je vois poindre une vague de fermetures de restaurants et de cafés au printemps, dit-il. À cause de l’augmentation des prix du café et du papier absorbés par les commerçants et non refilée aux clients à temps. On est souvent pris dans les activités. S’arrêter pour faire des calculs, on n’aime pas faire ça ! »