(New York) La pandémie a vidé les tours de bureaux. Les propriétaires sont plus réceptifs que jamais aux innovations leur permettant de convaincre les locataires de reprendre le chemin du bureau. Résultat inattendu de la COVID-19, l’immobilier de bureaux connaît une vague de changements sans précédent.

C’est l’un des constats qui ressort des discussions entendues au congrès des technologies immobilières Propel by Mipim, qui se déroule mercredi et jeudi, à New York. La Presse accompagne la délégation québécoise à l’évènement.

Le contexte actuel donne le gros bout du bâton aux locataires d’envergure, comme les géants de la technologie.

« Nous allons exiger prochainement de payer uniquement ce que nous consommons au moment où nous le consommons, a expliqué Ivan Panushev, responsable des solutions immobilières chez AWS. Nous allons privilégier les locaux situés dans des immeubles intelligents équipés des technologies offrant ces fonctionnalités. »

Le détaillant numérique Amazon occupe trois types d’immeubles : des bureaux administratifs pour ses besoins, une gamme d’entrepôts pour sa marchandise et des bâtiments abritant ses serveurs pour sa division infonuagique AWS.

Dans le cadre de cet atelier portant sur les besoins des géants de la technologie, Amazon partageait la tribune avec WeWork, spécialiste des locaux de travail collaboratif pour qui on a craint le pire au début de la pandémie, mais qui paraît maintenant en ressortir renforcé.

Avec nos 700 emplacements répartis dans plus de 100 villes, nous incarnons la flexibilité tant recherchée aujourd’hui par les utilisateurs de bureaux.

Quendrida Whitmore, vice-présidente principale et chef de la communauté WeWork, division responsable de l’animation des bureaux collaboratifs

Il a été prouvé pendant la pandémie que l’employé pouvait travailler à distance, peu importe l’endroit dans le monde où il se trouve.

« Prenez mon exemple personnel. Je vais passer les fêtes de fin d’année chez mes parents à Vegas. En temps ordinaire, à Noël, j’aurais pu me libérer une seule journée. Aujourd’hui, je peux planifier passer la semaine à Vegas sachant que j’ai accès à un bureau WeWork sur place qui me permet de me connecter avec mon équipe et mon employeur en temps opportun. »

Plus de 8000 jeunes pousses en technologies immobilières

La numérisation des tâches jumelée à l’avènement de l’intelligence artificielle crée un terreau fertile à l’innovation.

« On dénombre 8000 proptechs [abréviation de property technology], qui se concentrent principalement dans l’efficience opérationnelle du bâtiment et dans le rehaussement de l’expérience client de l’utilisateur », a expliqué Maureen Waters, associée chez Metaprop, fonds d’investissement créé en 2015 et ayant investi dans 150 jeunes pousses des technologies immobilières.

François Lacoursière, vice-président principal Innovations chez Ivanhoé Cambridge, filiale de la Caisse de dépôt, accompagnait Mme Waters sur scène lors d’un atelier portant sur le rôle des technologies dans le bureau de demain. L’un des grands propriétaires immobiliers de la planète a injecté des fonds chez Metaprop, une façon pour elle de rester à l’affût des nouveautés les plus prometteuses.

PHOTO ANDRÉ DUBUC, LA PRESSE

Atelier sur le bureau de l’avenir dans le cadre du Propel by Mipim à New York. Dans l’ordre habituel, Brad Soderwall, directeur principal chez Hines, Maureen Waters, associée au fonds d’investissement Metaprop, et François Lacoursière, vice-président principal chez Ivanhoé Cambridge.

« Ivanhoé est [en train de] se constituer une bibliothèque de cas d’usage [use cases]. Ce sont des besoins présents ou potentiels des locataires, a expliqué à La Presse M. Lacoursière, en marge de son atelier. Par exemple, que faire pour que le locataire puisse entrer et sortir de l’immeuble sans toucher à rien ? » L’étude documente le besoin, détermine les technologies disponibles et s’interroge sur le retour sur l’investissement financier et non financier de la démarche. L’objectif est de pouvoir dupliquer la recette dans l’ensemble du portefeuille en cas de résultats probants.

Pour faire percoler l’innovation au sein de l’organisation, Ivanhoé procède par projets pilotes. Elle a ainsi annoncé en octobre dernier un étage de bureaux flexibles à Place Ville Marie qui sera exploité par WeWork. L’espace connecté et propice à la collaboration sert de prolongement aux bureaux existants des locataires pouvant servir à accueillir des groupes de travail et des réunions. Les bureaux seront disponibles au printemps 2022.

Partenaire d’Ivanhoé dans deux tours de Chicago, Hines, de son côté, s’inspire de l’industrie hôtelière en matière de service à la clientèle. « Depuis 18 mois, on a organisé une centaine d’évènements virtuels et non virtuels dans nos immeubles de Chicago. La multiplication des interactions entre notre personnel et les occupants nous a incités à former notre personnel en prenant exemple sur les hôtels », a dit au cours du même atelier Brad Soderwall, directeur principal chez Hines, importante société intégrée avec des actifs sous gestion de 84 milliards US.

On ignore à quoi ressemblera précisément le bureau du futur. Mais la tour traditionnelle ayant comme principaux services la collecte des loyers et un gardien de sécurité à l’entrée paraît révolue.