La baisse des prix de l’essence, anticipée pour le début de cette semaine, n’était « pas suffisante », déplore CAA-Québec.

La déstabilisation des Bourses par l’arrivée du variant Omicron ainsi que la décision du président américain Joe Biden de puiser dans ses réserves nationales de pétrole annonçaient pourtant une chute des prix dans ce secteur hautement instable.

« C’est déplorable que les stations-service n’aient pas retransmis les baisses qui ont été observées sur le marché au cours des derniers jours et des dernières semaines », affirme la conseillère en communication de CAA-Québec, Andrée-Ann Déry, dans une entrevue téléphonique.

Ce à quoi elle fait allusion, c’est la marge du détaillant, soit la différence entre le prix de vente de son essence et le prix auquel lui-même l’a achetée.

Dans les 52 dernières semaines, l’organisme québécois calcule une différence moyenne de 5,5 cents par litre dans la province. En fin de semaine dernière, malgré la baisse des prix, on voyait des marges allant « jusqu’à 18 ou 20 cents par litre dans certaines régions ».

« On peut comprendre le consommateur, lorsqu’il a cette information-là, d’avoir l’impression que les stations-service pigent directement dans ses poches », a commenté Mme Déry.

De nombreux coûts

Mais marge ne veut pas dire profit, souligne la présidente-directrice générale de l’Association des distributeurs d’énergie du Québec (ADEQ), Sonia Marcotte.

« Il faut soustraire la TPS et la TVQ, parce que ça ne reste pas dans les poches du détaillant », explique-t-elle.

Pourtant, même en excluant ces taxes, les marges des stations-service de certaines municipalités frôlaient encore les 20 cents en date de vendredi, d’après la Régie de l’énergie du Québec. C’était le cas entre autres à Québec, Gaspé, Val-d’Or et Sept-Îles.

Les stations-service sont aussi confrontées à d’autres dépenses, comme « le salaire des employés, les taxes municipales et la valeur de l’équipement », ajoute Mme Marcotte. Par exemple, « on sait qu’à Montréal, il y a une taxe supplémentaire pour les transports en commun ».

L’ADEQ estime que pour rester à flot, une entreprise doit faire une marge entre 5,8 et 7,1 cents par litre, selon sa région. « Nous avons calculé cela vraiment de façon minimale », en considérant le salaire minimum, précise Mme Marcotte. « Il y a beaucoup de détaillants qui vont payer plus cher leurs employés, surtout en pénurie de main-d’œuvre. »

Toujours en mouvement

Comment justifier un écart de 20 cents par litre ? « Il ne faut pas s’arrêter sur une seule journée, il faut regarder ça dans un ensemble », répond Mme Marcotte, comme « on ne sait pas quand le détaillant l’a achetée, son essence ». « Tout le mois de novembre, le prix à la raffinerie était très élevé. Il a baissé dernièrement, donc il y a des détaillants qui ont encore dans leurs réservoirs de l’essence qu’ils ont payée plus cher, […] pour eux, c’est peut-être plus difficile de baisser. »

Du côté de CAA-Québec, l’outil Info essence permet aux consommateurs de voir quel devrait être le prix dit « réaliste » à la pompe, en calculant chaque jour les coûts que payent les stations-service pour acheter leur stock, et en y ajoutant la marge moyenne des 52 dernières semaines.

En date du 4 décembre, les automobilistes de toutes les régions du Québec payaient un prix supérieur à cette estimation dans la plupart des points de vente.

« Il ne faut pas trop se fier à certaines marges moyennes », nuance cependant Mme Déry. Dans le Centre-du-Québec, par exemple, la moyenne annuelle est de 3 cents par litre, ce qui, à long terme, ne permettrait pas aux propriétaires de garder la tête hors de l’eau. Pendant ce temps, en Gaspésie, la moyenne grimpe à 12 cents par litre.

Mme Marcotte explique ces différences par le fait que « les coûts de transport peuvent être différents d’une région à l’autre », tout comme « les coûts d’exploitation » et « la dynamique de marché ».

Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Facebook et La Presse Canadienne pour les nouvelles.