(Ottawa) Le gouvernement Trudeau évoque la possibilité d’imposer des mesures de représailles contre des intérêts américains pour faire entendre raison à l’administration de Joe Biden dans la foulée de la décision du département du Commerce des États-Unis de doubler les droits compensatoires sur le bois d’œuvre canadien.

Moins d’une semaine après que le premier ministre Justin Trudeau se fut rendu à Washington afin de participer au sommet des Trois Amigos, le département du Commerce américain a annoncé mercredi soir que les droits compensatoires perçus sur le bois d’œuvre canadien passeraient d’une moyenne de 8,99 % à 17,9 % au cours des prochains jours.

Tous les exportateurs de bois d’œuvre du Canada écopent, mais le coup est particulièrement dur pour Produits forestiers Résolu, dont le siège social est à Montréal. Cette entreprise se voit imposer une taxe combinée de 29,66 %.

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a affirmé jeudi à la Chambre des communes que le Canada n’avait pas hésité l’an dernier à imposer des mesures de représailles totalisant 3,6 milliards de dollars contre des produits américains pour faire reculer l’administration Trump quand elle avait frappé les exportations canadiennes d’aluminium de tarifs douaniers de 10 %.

Mme Freeland, qui a mené avec succès les négociations pour moderniser le traité de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, a soutenu qu’une telle riposte commerciale pourrait s’avérer nécessaire pour forcer la main à Washington dans le différend du bois d’œuvre qui persiste depuis 2016.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Chrystia Freeland, ministre des Finances

« Nous allons faire ce que nous avons toujours fait avec succès dans le passé auprès de deux administrations précédentes. Nous allons plaider notre cause clairement et d’une manière rationnelle. Nous allons aussi faire clairement savoir que le Canada est tout à fait prêt à imposer des mesures de représailles pour défendre nos intérêts nationaux. Nous l’avons fait dans le passé. Et nous allons le faire de nouveau si cela est nécessaire », a affirmé Mme Freeland, qui est aussi vice-première ministre.

Mme Freeland n’a pas donné d’autres détails quant aux mesures qu’Ottawa pourrait prendre. Elle a néanmoins souligné que le premier ministre Justin Trudeau avait soulevé ce différend durant le tête-à-tête qu’il avait eu avec le président Biden la semaine dernière. D’autres ministres du gouvernement libéral qui ont accompagné le premier ministre à Washington l’ont aussi soulevé avec leurs homologues américains.

« Ce dossier est une grande priorité pour notre gouvernement. C’est pour cette raison que nous avons porté cette affaire devant les tribunaux. L’OMC et un panel de l’ALENA nous ont d’ailleurs déjà donné raison dans le passé. Nous allons continuer de défendre les travailleurs et l’industrie forestière », a pour sa part insisté la ministre du Commerce international, Mary Ng.

L'opposition s'en prend aux libéraux

Le Parti conservateur a consacré l’essentiel de la période de questions à ce dossier, jeudi. Selon le chef Erin O’Toole, ce nouveau rebondissement dans le différend du bois d’œuvre démontre que le premier ministre Justin Trudeau n’a guère d’influence auprès du président Joe Biden.

« La semaine dernière, le premier ministre s’est rendu à Washington. [Mercredi] soir, les Canadiens ont été frappés par de nouveaux tarifs sur le bois d’œuvre. Le prix de toutes les marchandises monte en flèche. Et aujourd’hui, plus de Canadiens voient leurs emplois menacés, du Saguenay à la Colombie-Britannique en passant par le Nouveau-Brunswick. Le président Biden a dit que la relation avec le Canada est la plus facile. Quand le premier ministre va-t-il cesser d’être une mauviette ? », a lancé M. O’Toole aux Communes.

Le Bloc québécois a aussi laissé entendre que le problème dans ce différend n'était pas l’attitude de Washington, mais le faible pouvoir de persuasion du premier ministre.

« Ce qui se passe aux États-Unis est très inquiétant. Ottawa devrait faire abolir les tarifs sur le bois d’œuvre ; Washington réplique en les doublant. Ottawa devrait militer pour des exemptions face au protectionnisme pour le transport électrique ; Washington répond en rajoutant une nouvelle couche de protectionnisme », a fait valoir le député bloquiste de Jonquière, Mario Simard.

« En une semaine, notre principal partenaire économique s’est comporté deux fois en adversaire. Avant, on disait que c’était la faute de Trump. Le problème, c’est qu’aujourd’hui nous sommes avec Biden. À qui est la faute ? Moi, je me demande si le problème n’est pas le gouvernement libéral », a-t-il ajouté.