Le géant minier brésilien Vale s’ajoute à la liste des acteurs intéressés par la filière batterie québécoise et il a même obtenu une rare ordonnance de confidentialité du commissaire au lobbyisme pendant qu’il entretient des discussions avec le gouvernement Legault.

Si le sous-sol québécois regorge de minéraux comme le nickel, le lithium, le graphite et le cobalt – prisés par les fabricants d’appareils électroniques et de batteries –, l’étape de la conversion préoccupe Québec, qui veut attirer des investissements.

C’est ici que des multinationales comme Vale, dont la valeur boursière est d’environ 63 milliards US, peuvent jouer un rôle. L’entreprise vient de s’inscrire au Registre des lobbyistes, essentiellement pour solliciter des subventions ou des prêts.

Ses ambitions ne sont pas précisées, mais la société minière, déjà bien implantée ailleurs au pays où elle effectue de l’extraction et de la transformation, en a donné un aperçu dans un courriel envoyé à La Presse.

« Vale évalue des options avec la province de Québec pour développer une partie de la chaîne d’approvisionnement pour les véhicules électriques », a fait savoir un porte-parole de l’entreprise.

Quels endroits du Québec intéressent la multinationale ? Quel type de projet envisage-t-elle ? Quelle est l’ampleur du soutien public sollicité ? Ces questions demeurent sans réponse en raison de l’ordonnance de confidentialité obtenue auprès du commissaire au lobbyisme.

Mais le 1er novembre dernier, l’entreprise vantait la faiblesse de l’empreinte carbone de ses activités d’extraction, notamment en ce qui a trait au nickel, afin de se positionner comme un fournisseur dans le créneau des véhicules électriques.

Au Canada, Vale exploite notamment un concentrateur à sa mine de Voisey’s Bay, à Terre-Neuve-et-Labrador. Elle est également présente en Ontario, en Nouvelle-Écosse ainsi qu’au Manitoba.

« On parle à pas mal tous les joueurs dans le nickel, Vale en est un », a récemment confirmé le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, au cours d’un entretien avec La Presse. « L’enjeu n’est pas l’extraction. C’est la conversion. »

PHOTO TIRÉE DU SITE INTERNET DE VALE CANADA

Vale est déjà bien implantée à Voisey’s Bay, à Terre-Neuve-et-Labrador, où elle exploite une importante mine.

Michel Jébrak, professeur du département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’UQAM, s’attend à voir de grandes minières comme Vale entrer « progressivement » dans le créneau de batteries au lithium.

« Aujourd’hui, les métaux qui servent pour les batteries […] sont produits par des entreprises de spécialité, dit-il. On peut s’attendre à ce que les grosses boîtes attendent que les prix se stabilisent avant d’arriver sur le marché et de racheter les producteurs et transformateurs. »

Vale avait fait les manchettes en septembre dernier lorsque 39 de ses mineurs s’étaient temporairement retrouvés coincés sous terre près de Sudbury. L’équipe avait fini par remonter à la surface, et personne n’avait été blessé.

Permission très spéciale

Fait rarissime, le géant brésilien a obtenu une ordonnance de confidentialité du commissaire dans le cadre des représentations effectuées auprès de plusieurs ministères et d’Investissement Québec.

La mesure est « exceptionnelle », a confirmé Marie-Noëlle Saint-Pierre, responsable des relations avec les médias au commissaire.

« Elle est accordée seulement lorsque le demandeur démontre que tout renseignement que contient la déclaration […] risquerait vraisemblablement de porter une atteinte sérieuse aux intérêts économiques ou financiers de ce client ou de cette entreprise », a-t-elle écrit, dans un courriel.

Le commissaire est néanmoins au courant des informations qui ne sont pas divulguées.

Dans ce cas-ci, Vale semble avoir obtenu le droit de taire le nom de partenaires potentiels. Son porte-parole n’a pas voulu expliquer pour quelle raison la multinationale avait demandé une ordonnance de confidentialité. La dernière ordonnance du genre avait été accordée en mai 2020 à la société immobilière Nouvelle France. Il n’y en avait pas eu pendant les deux années précédentes.

Dans le cadre de sa stratégie, le gouvernement Legault prévoit injecter de 1 à 2 milliards au cours des deux ou trois prochaines années afin d’accélérer le développement de la filière batterie, de la mine au module de batteries.

Cela devrait s’accompagner d’investissements privés oscillant entre 4 et 6 milliards, selon les projections gouvernementales.

Le 14 octobre dernier, M. Fitzgibbon avait rencontré des représentants de Tesla à l’occasion d’une mission économique en Californie. D’autres entreprises comme Britishvolt (Londres) et StromVolt (Ontario) ambitionnent chacune de construire au Québec une usine de cellules lithium-ion – l’élément de base de la batterie des véhicules électriques.

Avec la collaboration de Nathaëlle Morissette et d’André Dubuc, La Presse

7000

Nombre d’employés à temps plein de Vale au Canada dans ses huit sites répartis dans quatre provinces