Le REM de l’Est est un projet essentiel qui inscrit Montréal dans une problématique mondiale, croit l’architecte français Jean-Paul Viguier. Mais il devra être traité de manière originale.

Jean-Paul Viguier n’a aucune solution à offrir pour l’intégration du REM de l’Est. Aucune proposition. Aucune suggestion, même. Et il se garde bien d’en faire.

À Montréal de choisir sa propre voie – fût-elle ferrée, fluviale, piétonne, cycliste.

Mais il croit au projet et propose des pistes de réflexion.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Jean-Paul Viguier

L’architecte français s’est bâti une longue et prestigieuse carrière. La firme qui porte son nom a réalisé de nombreux projets prestigieux, tant en Europe et aux États-Unis qu’en Asie.

Jean-Paul Viguier est membre du groupe d’experts qui conseille CDPQ Infra sur les enjeux urbanistiques et architecturaux de son tentaculaire Réseau express métropolitain (REM).

L’entrevue s’est faite à l’invitation de cette filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui a grand besoin de donner un peu de lustre à son controversé projet de REM de l’Est. L’argument : l’architecte reprendrait pour La Presse l’essentiel de la présentation publique, annulée, qu’il aurait dû faire à la fin d’octobre.

L’homme de 75 ans est fréquemment invité à donner des classes de maître sur « les problématiques de la ville contemporaine, qui sont en ce moment extrêmement aiguës ».

Se distinguer

Les villes cherchent maintenant à se distinguer, à montrer leur différence, à afficher leur identité. Car tous les lieux ont leur génie propre, rappelle-t-il.

« Elles revendiquent toutes un contexte particulier, une façon d’être, une façon de se développer, une culture particulière. C’est particulièrement le cas à Montréal. Moi, je l’ai ressenti. C’est pourquoi j’aime cette ville. »

C’est une ville dans laquelle on sent un parfum, un esprit de lieu, une façon d’être, revendiquée avec quelquefois puissance et vigueur, et qui n’a pas peur de ses différences.

L’architecte français Jean-Paul Viguier, à propos de Montréal

Toutes ces grandes villes ont cependant un point commun : l’affirmation de leur identité urbaine se traduit par une préoccupation pour la mobilité collective.

« On n’a jamais vu autant qu’actuellement d’efforts dans le monde entier sur la création de lignes de train, de tram, de métro, de toutes sortes de moyens qui permettent de rendre la ville plus fluide, plus atteignable, plus circulée. »

L’objectif premier n’est plus de relier des secteurs qui se spécialisent dans une activité – affaires, commerce, industrie, habitation, loisirs –, mais de faire surgir des lieux où toutes ces fonctions sont accessibles en moins de 15 minutes, en utilisant le transport le mieux adapté au besoin de l’instant.

« L’intermodalité, dans la nouvelle distribution urbaine, est devenue essentielle. Et le REM de l’Est entre dans cette catégorie du transport urbain transversal », exprime l’architecte.

« Il y a dans ce projet montréalais quelque chose qui est essentiel et qui n’est pas local. Ça met la ville de Montréal à un niveau de problématique mondiale. Et ça, c’est la bonne nouvelle pour Montréal, je crois. Les moyens que cette ville met en œuvre pour construire cette ligne sont à l’échelle mondiale. Moi, je suis très impressionné par ça. »

« Une chance historique »

Un esprit soupçonneux pourrait croire que cette profession de foi est d’autant plus vibrante que des membres de l’équipe de communication de CDPQ Infra assistent à l’entrevue.

Il s’indigne.

« Je le dis parce que j’ai entendu : “Mais ne faut-il pas abandonner ce projet, n’est-il pas trop ambitieux pour la ville ? Ne devrait-on pas le remplacer par quelque chose de plus modeste ?” Surtout pas. Avoir ce budget, cette ambition et ce tracé, je crois que c’est vraiment une chance historique pour la ville. »

Chaque fois que les villes et les métropoles du monde ont entrepris un projet de ce type, elles ont fait un bond en avant. Chaque fois. Dans leur prospérité, dans leur notoriété, dans la façon de fonctionner.

L’architecte français Jean-Paul Viguier

Il reste à voir comment et sous quelle forme une ligne comme le REM de l’Est pourra se concrétiser et s’inscrire, pour très longtemps, dans le paysage montréalais et dans la vie de ses riverains.

« Là aussi, je pense que chacun a sa façon de faire les choses, répond-il. Chaque ville l’a fait à sa manière. Il ne s’agit pas d’aller copier le modèle qui a marché quelque part. Vous risquez qu’il ne marche pas chez vous. Chacun peut trouver un modèle original. »

Montréal devra trouver le sien.

Des voies de réflexion

Avec quelques exemples, l’architecte Jean-Paul Viguier propose des voies de réflexion, question d’aiguiller la discussion sur le REM de l’Est. Chaque projet porte sa leçon.

PHOTO FOURNIE PAR VIGUIER

À Lyon, le Pôle de loisirs et de commerces Confluence, conçu par Viguier, s’est posé sur le viaduc ferroviaire qui traversait le site.

Faire tomber les barrières

Le Pôle de loisirs Confluence, à Lyon

À Lyon, la pointe de terre formée par la rencontre du Rhône et de la Saône était coupée du centre-ville par la quadruple voie ferrée qui la barrait de part en part.

Depuis une dizaine d’années, le réaménagement du secteur a notamment fait surgir l’étonnant Pôle de loisirs et de commerces Confluence, conçu par la firme d’architecture et d’urbanisme Viguier.

Or, le site destiné à ce Pôle était lui-même traversé par une voie ferrée surélevée.

« J’ai plaidé pour ne pas y toucher, explique Jean-Paul Viguier. Ce n’est pas le transport que l’on doit déplacer, c’est le bâtiment que l’on doit dessiner de telle sorte que le transport puisse le traverser et le servir. »

Le complexe a donc été déposé sur la voie surélevée, qu’il intègre dans son aménagement.

PHOTO FOURNIE PAR VIGUIER

Le complexe est recouvert par une double membrane matelassée, rigidifiée par sa pression d’air interne.

« Le train passe juste au milieu sur un viaduc, comme le projet du REM. Il passe tout près des gens. Et ce transport est devenu un évènement. »

Ce complexe piétonnier, qui réunit des commerces, des cinémas, des restaurants, des bureaux et un hôtel, est recouvert par le parapluie d’une vaste toiture en polyéthylène translucide. La double membrane matelassée, rigidifiée par la pression d’air interne, est portée par une structure métallique légère qui croise ses entrelacs au-dessus des bâtiments.

PHOTO FOURNIE PAR VIGUIER

Le nouveau siège d’Orange Monde, à Issy-les-Moulineaux, s’allonge entre la gare du métro régional, la ligne de tramway et le quai où s’arrête la navette fluviale. La mutation des lieux de travail se conjugue aux modes de transport collectif, soutient Jean-Paul Viguier.

Cette performance technique suscitait jusqu’alors craintes et incrédulité.

« Brusquement, on ne sait pas pourquoi, mais l’effort que vous faites emporte tellement les réticences que vous arrivez à faire des choses que vous n’étiez jamais arrivé à faire auparavant. Vous verrez, le REM aura cet effet. C’est entraînant. Ça débloque les paramètres. »

L’irrésistible mutation des lieux de travail

Siège Orange Monde et station Issy-Val de Seine, ligne C du RER, Issy-Les-Moulineaux

« Aujourd’hui, on n’a jamais connu un mouvement aussi puissant dans la réflexion sur la manière dont on travaille, où on travaille, à quoi ressemblent nos lieux de travail, quels sont nos rythmes de travail », observe l’architecte Jean-Paul Viguier.

L’accès aux lieux de travail est au cœur de ces remises en question.

Jean-Paul Viguier donne l’exemple d’un récent projet de... Viguier, soit la conception du nouveau siège d’Orange Monde, géant français des télécoms, dans la région parisienne.

PHOTO FOURNIE PAR VIGUIER

L’édifice se présente comme un empilement de plaques vitrées en encorbellement, dont l’une se projette spectaculairement en porte-à-faux. « Le bâtiment a souhaité se coller contre la gare », commente Viguier.

Pour le vaste édifice d’une dizaine d’étages destiné à accueillir quelque 5000 travailleurs, Viguier a retenu à Issy-les-Moulineaux un terrain en bord de Seine, longé par des lignes de tramway et de transport régional.

« Sur le côté droit, vous avez sur un viaduc un métro qui est tout à fait équivalent au REM de l’Est », décrit notre architecte.

« Le bâtiment a souhaité se coller contre la gare et c’est tout juste si les protagonistes d’Orange ne voulaient pas que, comme vous descendez du métro, vous puissiez rentrer directement dans le hall de l’immeuble. Il y a ce désir d’une proximité du transport en commun. »

IMAGE FOURNIE PAR VIGUIER

À Toulouse, le viaduc de la ligne 3 survolera le terrain de stationnement d’un vieux centre commercial, redynamisé par la gare, où de nouveaux édifices verts vont apparaître.

Les projets qui surgissent en périphérie

Nouvelle ligne 3 du métro de Toulouse

Le REM de l’Est fera un tracé qui « va être passionnant », prononce l’architecte. « On va révéler des paysages qui aujourd’hui sont déconnectés dans l’imaginaire public. »

En faisant défiler en 30 minutes des décors urbains, des zones portuaires, un panorama fluvial et des parcs, le REM de l’Est « va recréer un lien spatial entre des choses qui étaient séparées auparavant ».

Des projets étonnants et attractifs peuvent alors surgir dans des zones jusqu’alors négligées.

C’est le cas à Toulouse, où une nouvelle ligne en partie aérienne traversera bientôt des quartiers disparates, troués de zones mal aménagées ou en désuétude.

Un viaduc va notamment longer un grand centre commercial décati, que Viguier a choisi de revaloriser plutôt que de raser. Le viaduc ferroviaire traversera le vaste terrain de stationnement du centre, pour « le faire cohabiter avec ce qui existait avant ».

IMAGE FOURNIE PAR VIGUIER

Un nouvel agglomérat urbain va naître, dont un ensemble résidentiel dans un écrin d’espaces verts. Ces nouveaux quartiers, bien desservis par les transports collectifs, attirent la jeunesse, ce qui surviendra avec le REM de l’Est, croit Viguier.

Autour du centre commercial redynamisé par la gare, un nouvel agglomérat urbain va naître, faisant surgir petits commerces, lieux de loisirs, bureaux, ensemble résidentiel vert.

Les jeunes, pour plusieurs sans voiture, sont attirés par ces quartiers revigorés, bien desservis par le transport en commun.

De la même manière, dans l’est de Montréal, le REM se matérialisera « dans le désir des jeunes populations », prophétise l’architecte. « Ça fait ça ! »

« Et ça, c’est la plus-value du transport. Quand vous voyez ça dans la ville, 10 milliards de dollars, ce n’est pas cher payé. À terme, la valeur ajoutée que vous amenez à la ville est bien supérieure à l’investissement. »

IMAGE FOURNIE PAR VIGUIER

Il s’agissait ensuite de concevoir un bâtiment inspiré de la vigoureuse culture toulousaine. Les nouveaux édifices qui borderont le REM de l’Est feront face au même défi.

Bien répondre aux problèmes concrets

Ligne A du métro de Toulouse

Toujours à Toulouse, une ligne de métro existante traverse sur viaduc une partie du centre-ville. « Elle a affronté tout un ensemble de sujets qui vont concerner le REM de l’Est, souligne Jean-Paul Viguier. Par exemple, comment faire pour éviter que le bruit du passage du métro devienne une nuisance pour les gens qui habitent à proximité ? »

Pas tout à fait par hasard, l’architecte propose en exemple un projet de sa firme, en cours de réalisation.

« Le sujet qu’on m’avait donné, c’était de construire un immeuble de 200 logements, quasiment contre la ligne de métro. Il a fallu affronter tous ces sujets. »

Sa firme a utilisé « l’intelligence artificielle pour paramétrer les questions de bruit et les questions de visibilité, pour arriver à optimiser les réponses ».

IMAGE FOURNIE PAR VIGUIER

À Toulouse, des simulations d’impact acoustique ont montré qu’en orientant le complexe d’habitation pour qu’il s’enfonce comme un coin dans les ondes sonores du métro, le bruit s’en trouvait considérablement réduit dans la cour intérieure.

À l’écran, un schéma d’impact acoustique montre qu’en orientant le complexe d’habitation pour qu’il s’enfonce comme un coin dans les ondes sonores du métro, les architectes ont réduit considérablement le bruit dans la cour intérieure, pourtant ouverte à ses deux extrémités.

« Alors après, il faut faire de l’architecture. »

Il montre fièrement comment s’érigera le complexe, qui semble dresser une muraille de blocs cyclopéens, parés de l’emblématique brique rougeâtre de la région.

« Toulouse est une ville du Sud, proche de l’Espagne. On aime la brique rouge, on aime les formes violentes, on aime les choses en plein soleil, c’est-à-dire qu’on a une culture... disons, vigoureuse. On est des gens du Sud, quoi », exprime l’architecte, natif de la région.

« Ce bâtiment-là, on ne l’aurait pas fait ailleurs. »

Un exemple de finesse

PHOTO FOURNIE PAR LAVIGNE CHERON ARCHITECTES

La nouvelle ligne B du métro de Rennes est en partie aérienne. Son élégant viaduc a été conçu par Lavigne Cheron Architectes, qui a également dessiné le nouveau pont de l’île d’Orléans.

Le dernier exemple cité par Jean-Paul Viguier n’a pas été créé par sa firme. En cours de parachèvement, la ligne B du métro de Rennes est en partie aérienne. Son viaduc urbain en béton de 2,4 km de long sera jalonné de trois stations.

Ses minces travées doucement galbées sont posées sur des piles en Y aux formes organiques, la plupart du temps asymétriques.

« Le voussoir est magnifique, lance Jean-Paul Viguier. J’ai regardé un peu dans le monde, c’est un des plus jolis et des plus réussis que j’ai trouvés. »

Les voussoirs, préfabriqués à proximité, sont assemblés de manière analogue à celle du REM de Montréal.

PHOTO PICASA, FOURNIE PAR LAVIGNE CHERON ARCHITECTES

Les progrès dans le béton permettent d’oser un peu plus dans le design.

Effort esthétique

« C’est une jolie pièce, pas simplement un truc en béton posé sur des poteaux, ajoute-t-il. Il y a eu un effort esthétique. »

« Le béton a fait énormément de progrès, rappelle-t-il. Il y a 15 ans, on travaillait avec du béton qui avait entre 20 et 40 mégapascals de résistance. Aujourd’hui, on travaille à 200, 250 mégapascals. Plus votre béton résiste aux forces et aux pressions, moins vous en avez besoin pour une force donnée. Autrement dit, ça se joue sur la finesse des objets. Le design est impacté par les progrès technologiques.

PHOTO SABINE DE VILLEROY, FOURNIE PAR LAVIGNE CHERON ARCHITECTES

Le viaduc urbain en béton de 2,4 km de long sera jalonné de trois stations.

« Sur l’alimentation électrique, aussi, il s’est fait beaucoup de progrès. Mais ici, l’alimentation électrique se heurte aux rigueurs du climat. »

L’ouvrage est conçu par la firme Lavigne Cheron Architectes, qui par ailleurs a dessiné le nouveau pont de l’île d’Orléans.

Piles dissymétriques originales

« Ce fut un beau projet et un formidable chantier au cœur de la ville de Rennes », a indiqué par courriel l’architecte Christophe Cheron.

« Parmi les nombreux défis qu’il nous a posés, je vous citerai le tracé très courbe du pont qui nous a conduits à dessiner ces piles dissymétriques originales, et aussi le souhait d’occulter les vues sur les habitations riveraines. »

Pour éviter la vue plongeante et inquisitrice des passagers sur les appartements, les rives de l’ouvrage ont été munies d’« un écran visuel en béton fibré à ultra-hautes performances (BFUP) », a-t-il décrit.

Les élégantes travées sont également rythmées de nervures qui, outre le fait qu’elles dynamisent l’ouvrage, jouent « un rôle mécanique et permettent de diminuer la quantité totale de béton tout en gardant une grande rigidité au tablier, nécessaire pour porter une voie de métro », a encore indiqué l’architecte.

« Il faut accepter que l’espace public se modifie »

Jean-Paul Viguier est un réputé architecte français. Il est membre du groupe d’experts qui conseille CDPQ Infra sur les enjeux urbanistiques et architecturaux de son tentaculaire Réseau express métropolitain. Nous avons tenté d’en savoir plus sur ce qu’il pense de notre projet.

Q. L’impact visuel fait partie des craintes et des reproches à l’égard du REM de l’Est. Comment les viaducs peuvent-ils être mieux intégrés ?

R. L’arrivée d’un métro léger sur viaduc dans une ville ne peut pas se faire uniquement en se disant : la ville est telle qu’elle est, je mets un viaduc au milieu et puis je regarde ce qui se passe. Il faut accepter qu’il y ait une transformation de l’environnement en parallèle, que l’espace public se modifie.

Il y a aussi la question de la traversée sous le viaduc. Comment faire pour que ce viaduc ne constitue pas une rupture dans la lecture des deux faces de l’avenue ? Il y a toutes sortes de solutions pour faire ça, mais je crois que ça interpelle la créativité des concepteurs.

Q. CDPQ Infra a cité en exemple les métros de La Haye et de Copenhague et le Grand Paris Express. Pour vous, est-ce que ce sont des projets réussis ?

R. Il faut faire attention parce que ces pays que vous citez ont une grande culture de l’intermodalité, d’équilibre entre différents modes de transport. Ils ont de l’avance sur nous. Quand vous allez à Copenhague, ce que vous voyez surtout dans les rues, ce sont des vélos.

Autrement dit, pour eux, le transport par métro léger est simplement un moyen de plus de circuler. Et ils ont les mêmes problèmes que ceux qu’on vient de citer.

Q. Est-ce qu’ils y répondent avec des solutions dont on pourrait s’inspirer ?

R. Comme toujours dans les pays nordiques, ils ont d’abord une concertation avec la population qui est très efficace. On discute beaucoup. Ils ont des structures de concertation qui sont plus développées que celles des pays du Sud.

Ça permet d’ajuster les projets. Ça ne remet pas en cause les fondamentaux, parce que les fondamentaux demandent des compétences que la population n’a pas souvent. Mais sur l’usage, sur le rapport à la quotidienneté, sur le rapport au service qui est rendu, la population souhaite être impliquée.

Q. Les grands projets de transport collectif sont largement financés par l’État. Peut-on faire un projet de qualité en se préoccupant, comme la CDPQ, de rentabilité ?

R. Oui, parce qu’il y a un vrai enjeu pour toute la ville. Ce n’est pas uniquement un lien ferroviaire de plus qu’on construit. La ville est engagée profondément. Tout le monde va regarder le REM de l’Est.

De toute façon, tous les sujets sont traités par le haut. Et les investissements sont nécessairement des investissements publics. Aucun investissement privé ne se mettra dans un projet dont la rentabilité est sur 15, 20 ou 30 ans. Seuls les investissements publics permettent de tenir des rentabilités aussi longues dans le temps.

Ce que j’ai observé dans les exemples qu’on a vus, c’est que chaque fois, ce sont des fonds publics qui sont investis, et chaque fois, l’effort qui est fait est considérable. L’effort de design, d’investissements, de construction est très puissant.

Je pense aussi que pour le REM de l’Est, ce qu’il y a d’intéressant, c’est l’unité de temps. Il sera construit dans un temps réduit. Il ne faudrait surtout pas découper le projet en morceaux.

Q. Une voie aérienne en béton est-elle anachronique, alors qu’à Montréal, on est encore hanté par les vieilles structures bétonnées comme l’autoroute Métropolitaine ?

R. Non, je pense que ce serait anachronique si le béton était celui qu’on utilisait il y a 50 ans. Et ce béton a considérablement évolué, dans son apparence, sa qualité plastique, sa résistance. On peut faire des éléments beaucoup plus fins, architectoniques, avec des formes moulées. Le béton a une plasticité tout à fait intéressante.

Enfin, jusqu’à preuve du contraire, c’est le béton qui permet le mieux, par sa masse, d’absorber les vibrations du matériel roulant.

Q. Il n’est pas possible, à Montréal, d’avoir des voies sans caténaire ?

R. Eh non, parce que, avec la glace, la neige et l’hiver, ce n’est pas possible. Un mètre de neige à 25 au-dessous de zéro, ça limite le champ des solutions techniques.

Q. Vous avez bon espoir que le projet de REM de l’Est peut être un bon projet architectural dans son ensemble ?

R. Oui, je pense que c’est un projet auquel, en tout cas, toutes les attentions sont accordées. Les talents seront réunis dans la construction des gares, des viaducs, des structures, des infrastructures, dans la modification du paysage. Toutes les forces créatives sont mobilisées.

Q. On peut avoir les meilleures intentions et rater son coup…

R. Mais il y a des moyens, tout de même. Des milliards de dollars, ce n’est pas rien, quoi. C’est un budget, quand même !