La section Affaires de La Presse accorde un espace à une lettre d’opinion d’un acteur du monde des affaires. Entrepreneurs et gestionnaires, la parole est à vous. Soulevez des questions, faites partager vos expériences, proposez des solutions, exprimez vos opinions.

Vous connaissez sûrement des gens trop diplomates ou, à l’inverse, trop cassants, des gens trop prudents ou, à l’inverse, trop fonceurs, des gens qui prennent des décisions trop lentement ou, à l’inverse, trop rapidement. Au juste milieu : vous-même, la personne au comportement parfait !

En fait, les gens agissent très différemment d’une personne à l’autre et la plupart sont d’avis, voire sont convaincus, d’être celui ou celle qui a atteint le point d’équilibre parfait parmi tous les comportements possibles. Il est tellement facile de se convaincre par l’introspection que nos comportements sont exemplaires. Mais tout change quand on accepte d’en discuter avec notre entourage.

Il est donc très utile de prêter une oreille attentive à la perception d’autrui et d’y décanter une vérité ou deux à l’occasion. Dans la mesure où notre éducation a été pauvre en rétroaction (« feedback »), il ne faut pas se surprendre que la traditionnelle évaluation annuelle de la performance soit source de stress.

Vouloir entendre une rétroaction est déjà un défi. Mais ce n’est pas le seul. S’ajoute celui de trouver la bonne personne à qui le demander : la personne reconnue pour avoir un désir sincère de nous aider, celle qui nous apparaît courageuse et qui sera capable d’être franche sans être blessante, ou encore celle qui nous observe le plus souvent au quotidien.

Le jeu en vaut-il la peine ?

Ma prémisse est la suivante : la grande majorité des gens ont une opinion me concernant, de sorte que la question est simplement de savoir si je veux connaître ou pas cette opinion. Mon ego est peut-être nerveux face à la rétroaction à recevoir, mais la personne que je pourrais devenir dans cinq ans pourrait tellement en bénéficier.

Quel type de rétroaction est suffisamment important pour influencer le cours de votre vie ?

Voici les deux pistes qui m’apparaissent les plus prometteuses.

La première est d’identifier chez soi un comportement qui est nuisible, que ce soit aux relations, au travail d’équipe, à l’atmosphère, etc. Il est tellement plus facile d’arrêter un comportement que de développer une nouvelle compétence. Il est par exemple difficile, pour une personne n’ayant pas développé son don du cœur, d’être subitement empathique. Il est beaucoup plus facile pour une personne qui donne sans arrêt une version améliorée des idées d’autrui de se taire. Voilà un type de rétroaction qui peut donner des résultats rapidement.

La deuxième piste est d’identifier le plus grand frein au développement du talent d’une personne. Autrement dit, une visite du côté sombre.

J’ai entendu à maintes reprises des réserves sur cette piste et la nette préférence de vouloir être résolument positif avec les gens. Ce n’est pas, à mon avis, la façon de rendre service aux gens. Bien souvent, c’est une colle sous les pieds qui empêche un talent d’éclore, de grandir et de gravir sa montagne : la colle de donner trop de poids à l’opinion d’autrui, la colle de vouloir réaliser à tout prix ses brillantes idées (être 100 % en « mode vente » et 0 % en « mode écoute »), la colle de donner trop de poids à son image dans la prise de décisions, quand le débat se corse ou quand, justement, on reçoit une rétroaction.

Ce fut un véritable cadeau, que j’ai reçu à l’âge de 29 ans, de me faire dire que je ne serais jamais un bon dirigeant tant que je n’apprendrais pas à savoir imposer mon point de vue quand la situation l’exige.

Cela peut parfois être long avant qu’un frein significatif ne soit détecté et que la personne concernée l’accepte, mais quelle explosion de talent quand cela se produit !

Avant de donner de la rétroaction, je suggère d’abord d’en demander. C’est la meilleure façon d’établir un niveau de confiance entre deux personnes ainsi qu’une belle façon de donner l’exemple. Et si vous allez à la conquête des rétroactions auprès de votre patron en posant les deux questions mentionnées dans ce texte, je vous souhaite de sortir de son bureau grandi, encore plus motivé et prêt à aller plus loin. Car c’est probablement ce que vous souhaitez et... méritez.

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