Trente-trois victimes de la faillite de Bel-Habitat s’adressent à la cour dans l’espoir d’obliger Garantie de construction résidentielle (GCR) à achever la construction de leurs maisons, laissée en plan par l’entreprise de Luc Perrier.

L’organisme a fait savoir cet été qu’il ne paierait l’achèvement des travaux des résidences que si les acheteurs détenaient déjà les terrains où elles devaient être construites.

« GCR a pris une position commerciale très dure », dit Michèle Frenière, l’avocate de ces 33 acheteurs de maisons de Bel-Habitat, en entrevue avec La Presse.

GCR est l’organisme sans but lucratif qui gère la garantie des résidences neuves. Pour les victimes de Bel-Habitat qui le poursuivent, son attitude est une catastrophe. Car dans la plupart des cas, « les demandeurs ne sont toujours pas propriétaires des terrains sur lesquels leur maison est bâtie ou à bâtir », souligne l’avocate dans sa demande en jugement déclaratoire, déposée dans le cadre des procédures de faillite.

Plusieurs ménages concernés ont englouti des centaines de milliers de dollars dans le paiement de dépôts à Bel-Habitat. Ils se retrouvent avec des maisons parfois presque complètement construites, sur des terrains qui ne leur appartiennent pas.

Certains de ces acheteurs dépossédés ont investi jusqu’à 500 000 $ en acomptes sur leur maison.

Suivre les règles

Pour justifier sa position, GCR invoque le règlement dictant ses activités. Il précise que la garantie couvre « soit les acomptes versés par le bénéficiaire ; soit le parachèvement des travaux si le bénéficiaire est détenteur des titres de propriété ».

Si l’acheteur ne détient pas encore le terrain, la Garantie n’accorde que le remboursement des dépôts aux acheteurs, conformément au règlement.

Le hic : il prévoit un plafond de 50 000 $ pour ce type d’indemnisation, alors que le parachèvement des travaux, lui, peut aller jusqu’à 300 000 $.

Qu’à cela ne tienne. « Le remboursement des acomptes est la seule option possible » pour ces consommateurs, selon un message publié sur le site de GCR. Cet organisme sans but lucratif refuse donc de terminer le reste de leurs travaux et n’offre qu’un maximum de 50 000 $.

Des droits à faire valoir

Dans le cas des victimes de Bel-Habitat, leur avocate clame que cette position est erronée. Elle estime que ses clients ont des droits en vertu des contrats qu’ils ont signés avec l’entreprise.

Ces ententes prévoyaient le transfert de terrains, que l’entrepreneur avait déjà acquis. Dans d’autres dossiers, l’entreprise détenait une promesse d’achat en bonne et due forme sur leurs lots avant de faire faillite.

Mais GCR s’en tient à la lettre du règlement. « Ils refusent d’indemniser mes clients pour les finitions des travaux, même s’ils ont des droits à faire valoir sur le terrain », dénonce Michèle Frenière.

Si le syndic leur transfère les lots où se trouvent leurs maisons en chantier, ses clients ne veulent pas avoir à payer leur propriété une deuxième fois, ce qui risque d’arriver si GCR reste campée sur sa position.

L’avocate demande à la cour de déclarer que GCR doit prendre en charge les travaux à finir pour les clients de Bel-Habitat, même s’ils ne sont pas encore propriétaires des terrains, et même si les travaux ne sont pas avancés.

En entrevue avec La Presse, le vice-président aux communications de GCR, François-William Simard, assure que l’organisation accueille la demande « avec ouverture ».

Si le juge affecté au dossier de faillite estime que GCR a erré, l’organisme respectera sa décision, assure M. Simard. « On va voir à la fin si ce que GCR a dit cet été [aux victimes de Bel-Habitat], c’était la bonne interprétation. »

Un dossier de « 6 à 8 millions »

Les surplus de 17,5 millions dans le fonds de réserve de la Garantie ne permettraient-ils pas une interprétation plus souple du règlement ?

« Si on décide d’aller beaucoup plus loin que ce que le règlement prévoit et que je n’ai plus les fonds pour faire face à d’autres évènements, GCR va être blâmée », répond le vice-président.

Il estime que la faillite de Bel-Habitat coûtera de « 6 à 8 millions » à GCR, soit près de la moitié des surplus.

Cent dix-huit familles attendaient que l’entreprise leur livre des maisons, qui ne seront finalement jamais construites. Plusieurs ont confié des centaines de milliers de dollars en dépôt à son propriétaire Luc Perrier, alors que le règlement régissant GCR limite les remboursements à 50 000 $ en cas de problème.