Pas facile de créer une véritable fondation privée. L’horticultrice Marthe Laverdière l’a vécu. Elle voulait semer de la bonne volonté, pour en distribuer les fruits.

La fondation porte son nom, mais elle a été créée pour honorer sa petite-fille Jeanne, âgée de 8 ans.

« Parce que Jeanne, la fille de mon fils Éric, est handicapée très sévère. Jeanne a le syndrome de Rett. Elle ne parle pas, elle ne marche pas, elle est gavée. »

Propriétaire des Serres Li-ma, à Armagh, dans le Centre-du-Québec, Marthe Laverdière s’est fait connaître depuis cinq ans comme chroniqueuse, autrice, conférencière et humoriste. Sans qu’elle l’ait cherché.

« Quand c’est parti, j’ai vu ça comme si ce n’était pas pour moi, dit-elle. Moi, je n’avais rien demandé. »

Il y a un lien direct avec la création de sa fondation.

Tout a commencé avec la page Facebook que sa belle-fille Marie-Christine Goupil, la mère de Jeanne, avait ouverte pour les serres Li-Ma.

« Une de mes clientes m’a demandé “Mets-nous de quoi pour faire rire.” »

Elle a enregistré des capsules de conseils dans lesquelles elle a mis toute sa truculence – c’est dans la nature de l’horticultrice, oserait-on dire.

« J’ai tourné ça pour cette cliente. Dans le temps, je pensais que Facebook, c’était les paroisses autour, imagine ! »

Les paroissiens de toute la province ont ri avec elle. Puis tout a déboulé.

Un éditeur l’a approchée pour écrire un premier livre sur le jardinage. On lui a proposé des conférences.

Fin 2016, une femme m’a appelée pour me dire :
“Marthe, on aimerait ça que tu viennes faire un spectacle d’humour.” J’ai dit : “Je n’ai jamais fait ça !” Mais dans le temps, Jeanne avait besoin de physiothérapie au privé.

Marthe Laverdière

Elle a accepté, à la condition que son cachet soit versé au bénéfice de sa petite-fille.

« Ils ont dit oui, et ils ont été fins parce qu’ils ont seulement pris les frais fixes et ils ont tout donné pour Jeanne. Et ça, c’est la première fois que je suis montée sur une scène. »

« Et c’est là que ça nous a allumés : est-ce qu’on peut faire quelque chose pour les autres, maintenant ? »

Et voilà d’où vient l’idée d’une fondation pour aider les enfants handicapés et leurs parents.

Démarches complexes

Marthe et sa belle-fille Marie-Christine ont lancé les démarches en 2018. L’horticultrice a décidé d’y consacrer les droits d’auteur de son livre, Jardiner avec Marthe.

« Ça a été très long. On a commencé par essayer de remplir nous-mêmes les papiers du gouvernement. Je ne donnerais ce conseil-là à personne. C’est très compliqué de faire un OBNL qui donne des reçus de charité. Il fallait faire des prévisions de dons, de revenus… »

« À un moment donné, j’en ai eu ma claque. J’ai contacté une avocate que je connaissais parce qu’elle était native de la même paroisse que moi. »

Elle lui a recommandé une collègue de Québec, qui a pris les choses en main.

[La création de l’OBNL], ça a quand même duré six à huit mois, même avec un avocat.

Marthe Laverdière

Les honoraires ont été substantiels, suppose-t-on.

« J’ai été bénie du Bon Dieu, parce que cette avocate-là était proche aidante, rétorque-t-elle. Je pense qu’elle nous a fait payer 1800 $, ce qui n’était à peu près rien. Le reste, elle le faisait de bon cœur. Les étoiles se sont alignées pour nous aider. »

La fondation est fondée

La Fondation Marthe Laverdière a été enregistrée en mars 2019, au moment où paraissait son deuxième livre, fort opportunément intitulé Jardiner avec Marthe 2.

Le conseil d’administration, formé de six personnes, se réunit une demi-douzaine de fois par année. Son conjoint, Sylvain Talbot, en est le vice-président, et Marie-Christine Goupil, la trésorière.

« Dans notre charte, il faut que l’enfant soit polyhandicapé, et que le parent nous prouve que l’enfant est malade, par une lettre médicale, et qu’il nous prouve, par ses déclarations de revenus, qu’il n’a pas les moyens de payer lui-même. »

Le comité de sélection des bénéficiaires est uniquement composé de mamans, dont Marie-Christine.

« Toutes des mamans qui ont des enfants handicapés. »

Elle-même n’a pas voix au chapitre.

« Je voulais que ce soient des gens qui le vivent au quotidien. »

Elle rejette toute prétention de générosité.

« Pantoute. Je voulais donner un sens à la maladie de Jeanne. Rencontrer des parents d’enfants malades, entendre leur histoire, ça m’aide à accepter. »

« En tant que grand-parent, voir ton fils souffrir pour sa fille, alors que tu ne peux rien faire… », ajoute-t-elle d’une voix étranglée. « C’est pour ça. »

Son rêve

L’horticultrice-entrepreneure-massothérapeute prépare un nouveau spectacle, mis en scène par Jean-Michel Anctil. Son troisième livre de jardinage, dont nous vous laissons deviner le titre, paraîtra au printemps.

Sa fondation, essentiellement financée avec ses droits d’auteur et une partie des recettes de ses spectacles, a réuni un capital de 56 000 $. Les individus peuvent faire des dons sur le site des Serres Li-Ma*, mais elle n’a fait encore aucune campagne organisée.

« Moi, mon but personnel, et je sais que c’est complètement fou, ce serait de pouvoir faire une maison de répit. C’est très dispendieux. Est-ce que je vais y arriver ? Je ne le sais pas. »

Elle porterait le nom qui est toujours placé en sous-titre de celui de sa fondation : La maison de Jeanne.

« Si je réussis ça, mon gars, je vais pouvoir me coucher avec le chapelet dans les mains et me reposer pour l’éternité. »

On n’imagine pas la femme de 58 ans se prélasser, pourtant…

« Je suis une hyperactive, je ne dors pas tellement, reconnaît-elle. Chaque fois que je regarde la petite dans les yeux, ça me donne un guts terrible pour le reste. »

* Faites un don à la fondation Marthe Laverdière sur le site des Serres Li-Ma