Ricardo Media resserre ses liens avec IGA. Sobeys, qui détient l’enseigne, devient actionnaire majoritaire de l’entreprise de Ricardo Larrivée et Brigitte Coutu. Le montant de la transaction n’est pas dévoilé ni le pourcentage de l’actionnariat de chaque partie.

Jusqu’ici, le couple d’entrepreneurs possédait totalement l’entreprise. « On vient de vivre une année intense, raconte Brigitte Coutu, présidente et chef de la direction, en entrevue. On s’en est très bien sortis. Mais en tant qu’entrepreneurs, on se demande tout le temps comment amener l’entreprise à la prochaine étape, aller plus vite, plus loin. On s’est rendu compte qu’on ne pouvait y aller seuls, que ça nous prenait un partenaire stratégique. On travaille depuis 20 ans avec IGA. »

« On veut grandir avec des assises économiques plus solides, ajoute Ricardo Larrivée, chef exécutif et cofondateur. Toutes les entreprises avec lesquelles IGA travaille sont familiales, ont gardé leur personnalité, grandissent, et ceux qui y travaillent ont une meilleure qualité de vie. »

La marque Ricardo n’est pas compromise. Le couple Larrivée-Coutu demeure dirigeant de l’entreprise née en 2002 (magazine, livres, maison de production télévisuelle, accessoires de cuisine, cafés, boutiques, boutique en ligne, prêt-à-manger).

Ricardo ne devient pas IGA. Ça reste une entreprise autonome. Il n’y aura pas d’obligations de convergence.

Pierre St-Laurent, vice-président exécutif et chef de l’exploitation de Sobeys

Cette acquisition n’annonce donc pas la retraite du couple. « On est encore là pour des années, dit Brigitte Coutu. On ne déménage pas, ça reste Ricardo Media, on reste avec la même équipe, on reste une cellule d’innovation pour Sobeys. On va faire du contenu pour Sobeys également. »

Les deux parties voient notamment des potentiels de croissance et d’innovation en numérique, dans la conception de produits alimentaires et la distribution d’accessoires, en plus d’un échange d’expertise. « On est en train de construire à Pointe-Claire un centre de distribution (Voilà par IGA) entièrement automatisé qui permettra de livrer les commandes faites en ligne à 85 %-90 % des foyers québécois. »

« De notre côté, on sait en temps réel ce que les gens cherchent sur notre site, poursuit Brigitte Coutu. Ce sont des infos qu’on va pouvoir partager avec IGA. »

Pour Ricardo Media, contacté par d’autres groupes média et en alimentation ces dernières années, le Canada est plus accessible que jamais grâce à cette alliance officielle avec IGA. « Notre magazine en anglais serait encore là si j’avais été plus tôt avec IGA, pense Ricardo Larrivée. Comment réussir à aller mettre mes accessoires de cuisine dans une cuisine au Yukon ou à l’Île-du-Prince-Édouard autrement ? Ça nous prenait un partenaire avec une vision numérique et des reins très solides, alors qu’on se bat contre des Amazon. »

Les produits Ricardo vendus chez IGA devraient se multiplier. Avant la COVID-19, on en trouvait une douzaine, puis 26 nouveaux (repas, sauces, desserts) pendant la pandémie. Une vingtaine d’autres devraient s’ajouter.

La pandémie a d’ailleurs multiplié les ventes de produits alimentaires Ricardo par six chez IGA. « On a la chance d’être diversifiés, dit Brigitte Coutu. Ce fut très difficile pour le secteur resto et ça l’est encore. Mais le secteur média a super bien performé. Le livre À la plaque est un grand succès, au Canada anglais également. On a eu une meilleure année qu’avant la pandémie grâce aux médias et aux produits alimentaires ».

« On n’a pas acheté au rabais, précise Pierre St-Laurent. La business est en santé. La distribution des accessoires avec [le service de commandes en ligne et d’épicerie] Voilà par IGA va être une planche de salut pour Ricardo Media, par exemple. »

Et les concurrents ?

Pour le moment, les produits, accessoires et publications Ricardo devraient se retrouver encore chez les détaillants qui deviennent des concurrents. « On ne change rien pour l’instant, indique Mario Bélanger, président des entrepôts Mayrand, qui tiennent une soixantaine de produits Ricardo. Nous ne sommes pas des mauvais joueurs et nous sommes très satisfaits avec Ricardo. Ça vend très bien. »

Ricardo Media compte actuellement une centaine d’employés (environ 200 avant la pandémie). En 2020, 54 % des revenus de l’entreprise provenaient du commerce de détail et 46 %, du secteur média. En 2021, les proportions étaient de 48 % pour le commerce de détail et 52 % pour le secteur média, à cause de la fermeture des boutiques et restaurants pendant la pandémie.

En 2019, Ricardo Larrivée avouait qu’il se sentait étouffé par les GAFAM et qu’il était primordial de diversifier les activités de son entreprise. « On a perdu à peu près 45 % de nos revenus médias en deux ans, à cause de Facebook, Google, Apple et Amazon, disait-il à Voir. Jamais je n’ai reçu autant de prix, mais jamais ça a été aussi difficile, jamais on a été autant en péril. S’il n’y avait pas les sauces Ricardo dans les IGA, ça serait déjà fermé… On doit donc diversifier nos sources de revenus, car on ne peut plus dépendre juste des médias. Éventuellement, le média va représenter 10 % – et faut pas que ce soit plus, car je ne vois pas d’autres solutions à court terme. […] Notre marché ne peut grandir qu’à l’extérieur du Québec, au Canada anglais et en Europe francophone. Les États-Unis, je n’y mets pas beaucoup d’efforts. »