De l’avis d’experts, les adeptes de la construction et de la rénovation résidentielle devront encore patienter avant de voir l’impact de la forte correction des prix du bois d’œuvre sur le coût de leurs prochaines commandes chez les quincailliers.

« Les stocks de bois d’œuvre achetés à prix élevé demeurent relativement importants chez les commerçants », explique Richard Darveau, président et chef de la direction de l’Association québécoise des détaillants en quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT).

« Et la plupart d’entre eux ne sont pas prêts à “solder” ces stocks avant le rebond des commandes des constructeurs et des rénovateurs pour terminer leur haute saison estivale des mises en chantier, qui s’annonce encore forte cette année. »

Par conséquent, dit-il en entrevue avec La Presse, « à moins que des commerçants en bois déclenchent des soldes ou même des ventes de type “loss leader” [à perte], notamment dans les produits saisonniers comme le bois traité, je ne m’attendrais pas à voir des baisses de prix au détail aussi marquées que celles observées sur les grands marchés des contrats à terme des produits forestiers. »

« Même si on s’attendait à ce que les prix record atteints en début d’été ne soient pas viables, il n’en demeure pas moins que les paramètres fondamentaux de la demande pour le bois de construction en Amérique du Nord restent très forts », note pour sa part Michel Vincent, directeur de l’analyse économique des marchés au Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ).

Volatilité

Par ailleurs, ajoute M. Vincent en entrevue, après la rechute des prix du bois de leurs récents niveaux record, l’industrie anticipe une période de volatilité des prix accrue durant les prochaines années.

« Pour ma part, indique-t-il, je m’attends à ce que les principaux prix du bois de construction soient plus volatils qu’auparavant, mais avec des variations de moindre ampleur entre les sommets et les creux atteints depuis trois ans. »

Un exemple de la volatilité extrême du prix du bois de construction depuis le début de l’année ?

Sur le marché boursier des matériaux au Chicago Mercantile Exchange (CME), le prix des contrats à terme sur le bois d’œuvre cote ces jours-ci autour de 580 $ US les mille pieds mesure de planche (pmp), principale unité de mesure dans ce marché en Amérique du Nord.

Ce prix est réduit des deux tiers par rapport au prix record d’un peu plus de 1630 $ US les mille pmp atteint à la mi-mai, mais demeure néanmoins supérieur au prix moyen de 390 $ US qui prévalait à la fin de l’année 2019.

Sur le marché canadien, le prix moyen du bois d’œuvre (en pièces de 2 po x 4 po) oscille ces jours-ci autour de 800 $ CAN les mille pmp, selon le relevé hebdomadaire fait par le ministère fédéral des Ressources naturelles.

Ce prix moyen est réduit d’un peu plus de moitié par rapport aux prix record aux environs de 2000 $ CAN les mille pmp atteints en début d’été.

Mais il se situe encore au double des prix aux environs de 425 $ CAN les mille pmp qui prévalaient durant les premiers mois de l’année 2020, juste avant le grand confinement de l’économie en début de pandémie.

Planification de rigueur

De l’avis de Michel Vincent, du CIFQ, tant que la demande restera aussi forte, et que la capacité de production disponible de l’industrie sera pleinement sollicitée, le marché du bois de construction en Amérique du Nord demeurera aussi plus réactif aux perturbations à court terme dans la chaîne d’approvisionnement.

« Il n’y a pas de risque de “pénurie” de bois d’œuvre comme tel, comme certains intervenants de marché ont pu le laisser croire en début d’été. En fait, ce sont les délais de livraison qui se sont allongés alors que l’industrie du bois d’œuvre dans l’est du Canada tourne à sa pleine capacité disponible », explique M. Vincent.

Dans une telle conjoncture de marché, souligne-t-il, « ça devient encore plus important pour les gros utilisateurs de bois d’œuvre de rehausser la planification et la gestion de leurs commandes d’avance auprès de leurs fournisseurs ».

Quant aux particuliers rénovateurs, qui achètent souvent leurs matériaux au fur et à mesure, aux prix courants, ils seraient bien avisés d’envisager le report de travaux non prioritaires jusqu’à ce que la rechute des prix du bois sur les grands marchés de matériaux percole au niveau de leurs fournisseurs de proximité.