Le géant de l’automobile ne diffusera pas de publicité au Japon, un geste calculé, selon des experts

Budweiser, Pepsi et Coke ont créé la surprise lors du dernier Super Bowl en ne diffusant pas de publicités sur CBS pendant la populaire finale du football américain. Au tour de Toyota de déclarer qu’il n’annoncera pas sur les chaînes de télé japonaises pendant les Jeux olympiques de Tokyo. Le géant de l’automobile est pourtant un partenaire de taille de l’évènement sportif, qui aura lieu du 23 juillet au 8 août.

Le fait que les deux tiers de la population japonaise ne tiennent pas à ces Jeux sur leur territoire à cause de la COVID-19, selon un récent sondage, notamment par crainte d’une montée des cas de COVID-19 pendant l’évènement, et le fait que les compétitions se dérouleront devant des gradins déserts motivent cette décision. Ni le PDG de Toyota, Akio Toyoda, ni les hauts dirigeants n’assisteront d’ailleurs à la cérémonie d’ouverture vendredi. « Il y a un sentiment mitigé dans la population », admet Masa Takaya, porte-parole du comité organisateur de Tokyo 2020.

« Même l’empereur Naruhito s’est dit inquiet de la tenue des Jeux », dit Myriam Brouard, professeure chargée de cours en marketing à l’Université d’Ottawa.

Néanmoins, est-ce une décision courageuse du premier constructeur automobile mondial, qui a une capitalisation boursière de 248 milliards US ? « Non, c’est une décision calculée qui cible le marché local », répond Florian Schedler, vice-président, planification stratégique, de l’agence de pub TANK Worldwide, en entrevue avec La Presse. « Toyota se met du bon côté de l’opinion publique, la population étant contre les Jeux. Il évite des ennuis. Et le logo demeure. Tout comme les commandites des athlètes et les pubs aux États-Unis. C’est un geste défensif. La marque n’a pas besoin de se faire connaître davantage au Japon. »


PHOTO FOURNIE PAR MYRIAM BROUARD

Si ça allait mal durant les Jeux ou si les cas augmentaient après ceux-ci, [Toyota] serait perçu comme opportuniste. Lors du dernier Super Bowl, les entreprises comme Budweiser, Pepsi et Coke ont redirigé leurs efforts vers d’autres initiatives, et ça ne leur a pas causé de tort.

Myriam Brouard, professeure chargée de cours en marketing à l’Université d’Ottawa

Toyota ne revient pas sur sa décision de fournir 3340 véhicules pour transporter les athlètes et les membres de leurs équipes pendant les Jeux et n’enlève pas son appui financier aux 200 athlètes olympiques et paralympiques auxquels il apporte son aide. « Toyota soutient ce qu’il y a de plus important aux Jeux olympiques, soit les athlètes, mais a écouté le public », résume Myriam Brouard.

La marque demeure visible… ailleurs

Le fabricant affichera tout de même ses couleurs à la télé ailleurs dans le monde, dont aux États-Unis (NBC) et au Canada. « Il y aura des publicités de Toyota sur nos ondes, d’autant que c’est un partenaire important de la diffusion », confirme Marc Pichette, premier directeur, promotion et relations publiques, de Radio-Canada.

PHOTO NAOKI OGURA, REUTERS

La cérémonie d’ouverture sera présentée vendredi.

La COVID-19 n’aurait d’ailleurs pas ralenti les ardeurs des annonceurs au Québec. « On n’a pas senti un désengagement de leur part », affirme Karine Courtemanche, présidente de l’agence de placement média Touché ! (Omnicom Media Group). « De tels placements sont planifiés des mois d’avance. Ce n’est pas réactif, comme ça a pu l’être lors des séries avec le Canadien. Cela dit, il y a traditionnellement moins d’investissements de la part des marques lors des Jeux olympiques d’été, car les athlètes canadiens performent moins et que ça tombe dans une période de l’année où on regarde moins la télé. »

L’entente de commandite mondiale de huit ans signée par Toyota avec le Comité international olympique dure depuis 2017. Elle est évaluée à 835 millions US, selon ce qui avait été rapporté en 2015 par les médias japonais.

Avec La Presse Canadienne