(NEW YORK) François Legault exprime souvent le vœu de voir le Québec devenir « la batterie verte de l’Amérique du Nord ». Or, depuis février 2019, il aura pu compter sur une véritable « dynamo » à New York pour l’aider à atteindre cet objectif, pour reprendre un mot utilisé par l’entourage de Catherine Loubier pour la décrire.

Description que la déléguée générale du Québec à New York accepte volontiers.

« C’est un peu comme ça que je me sens et j’espère que je ne m’arrêterai pas, même si je ne serai plus au One Rockefeller Center », lance-t-elle lors d’une entrevue au sommet du gratte-ciel où se trouvent les bureaux de la délégation du Québec à New York.

Brossant le bilan d’un mandat auquel elle mettra fin quelques mois plus tôt que prévu pour des raisons personnelles, la Québécoise de 49 ans se dit « vraiment très satisfaite ».

« J’ai le sentiment du devoir accompli », ajoute-t-elle.

En tête de son palmarès personnel : le dossier de l’hydroélectricité à New York et la levée des tarifs sur l’aluminium canadien, auxquels s’ajoute le dépassement des objectifs fixés aux délégués généraux du Québec par le premier ministre Legault et la ministre responsable, Nadine Girault, en matière de soutien à l’exportation et d’attraction des investissements.

Je suis très fière de la qualité des relations qu’on a bâties pour faire avancer le dossier de l’hydroélectricité.

Catherine Loubier

« Quand je suis arrivé ici, “the word on the street” était qu’on ne vendrait pas à long terme d’électricité à New York. On oublie ça. C’est vrai que la tâche était importante. »

Aux dires de la déléguée générale, il a fallu convertir les New-Yorkais et les Américains qui ne voulaient pas d’une énergie venue d’un pays étranger, qui ne voyaient pas l’hydroélectricité comme une énergie verte ou qui se préoccupaient du traitement des Premières Nations.

« Ces enjeux-là, on ne les entend plus. Mais ça a pris plus de 300 rencontres juste sur ces sujets-là avec des ONG, le secteur privé et les différents paliers de gouvernement. »

« Quand on allume un feu… »

Hydro-Québec a déposé en mai dernier son offre pour fournir à la Ville de New York jusqu’à 10,4 térawattheures (TWh) sur 25 ans, soit environ le cinquième de la consommation de la métropole américaine. La société d’État pourrait ainsi réaliser son plus grand coup à l’exportation. Selon Catherine Loubier, les autorités new-yorkaises devraient annoncer leur décision entre juillet et septembre, « s’il n’y a pas de retard ».

« Mais je n’entends pas à ce qu’il y ait du retard, dit-elle. Au contraire, je pense que les gens sont pressés d’aller de l’avant pour atteindre les objectifs fixés par le gouverneur [de New York, Andrew Cuomo] dans sa nouvelle loi sur le climat. »

En parlant de son rôle pour faire progresser le dossier de l’hydroélectricité, Catherine Loubier laisse tomber cette phrase : « Je suis passée à certains endroits, devant certaines personnes, qui ne nous avaient pas vus depuis longtemps. »

Cette approche a servi la déléguée générale dans sa bataille pour forcer l’administration Trump à abandonner ses tarifs sur l’aluminium canadien, dont les principaux producteurs se trouvent au Québec. Munie de données fournies par l’ambassade du Canada à Washington, elle a notamment gagné le Kentucky à sa cause en expliquant à ses dirigeants l’effet des tarifs sur les entreprises de leur État.

Quand on allume un feu comme ça, ils nous rappellent et comprennent que les tarifs, c’est perdant-perdant.

Catherine Loubier

Catherine Loubier mentionne que son CV a aussi contribué à la qualité de ses relations avec les décideurs de New York, de Washington ou d’ailleurs aux États-Unis. Après avoir été pendant 10 ans conseillère principale de l’ancien premier ministre canadien Stephen Harper, elle a travaillé aux côtés de Carlos Ghosn, ex-PDG de l’alliance Renault-Nissan, et piloté la transition du gouvernement Legault.

« Je pense aussi que j’ai une certaine crédibilité en raison de mon parcours », dit-elle après avoir évoqué les cibles dépassées en matière de diplomatie d’influence pendant son mandat à New York.

Mais Catherine Loubier est aussi convaincue d’avoir représenté le Québec au moment où son image est particulièrement attrayante aux États-Unis.

Un message qui passe bien

« Le Québec a une image de très grande qualité aux États-Unis, une stabilité, un message très économique qui plaît aux gens. Je dirais que dans notre réseau de chefs de poste aux États-Unis, on fait des affaires. On est politique quand il le faut, on fait rejaillir notre culture, et ça nous aide aussi pour nos objectifs économiques. Mais on est très économique. C’est un message qui passe extrêmement bien. Le potentiel de ce positionnement du Québec vert et économique est excellent. »

Et Hydro-Québec n’est pas seule à en profiter. Avec la construction d’une nouvelle usine pour la fabrication de tours éoliennes en haute mer (offshore) dans l’État de New York, Marmen fait partie des entreprises vertes du Québec qui prennent d’assaut les États-Unis. Autres noms dans une liste qui s’allonge : FLO⎟ AddÉnergie, qui installera 120 bornes électriques au cours des prochains mois à New York, et Boralex, qui vient de faire des États-Unis son marché cible dans la foulée d’un changement de vision à la Maison-Blanche en matière d’énergie renouvelable.

Changement de vision qui atténue un peu les craintes découlant de la politique Buy American de Joe Biden. Lors de sa première rencontre virtuelle avec le premier ministre Justin Trudeau, le président américain a donné son accord à une « feuille de route » qui tient compte du rôle potentiel du Québec dans la transition énergétique des deux pays, et notamment dans le développement de batteries pour véhicules sans émissions et l’entreposage d’énergie renouvelable.

« C’est un peu un rempart contre le protectionnisme », dit Catherine Loubier. « On ne peut pas dire d’un côté qu’on va bâtir ces choses-là ensemble et de l’autre qu’on va faire du protectionnisme. »

Cela dit, cette menace ne disparaîtra jamais, reconnaît Catherine Loubier, qui quittera ses fonctions le 6 août prochain. « Je suis sûre que je vais contribuer d’une autre manière à la prospérité du Québec, mais je n’ai rien à dévoiler pour l’instant », dit-elle.

On ne lui reprochera pas de vouloir souffler un instant après avoir écoulé la majeure partie de son mandat pendant une pandémie dont New York a été l’un des épicentres.