(Ottawa) Alors que les travaux parlementaires tirent à leur fin, le Sénat a finalement adopté mardi soir le projet de loi visant à modifier les règles fiscales entourant le transfert d’entreprises familiales à un membre de la famille.

Ce projet de réforme fiscale – le troisième du genre soumis par un député au cours de la dernière décennie – risquait de se perdre dans les labyrinthes du pouvoir à Ottawa s’il n’était pas adopté par les sénateurs avant la fin de la session en raison du déclenchement attendu d’élections fédérales à l’automne.

« C’est majeur comme réforme fiscale », affirme Jasmin Guénette, vice-président aux affaires nationales de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), rappelant que les projets de loi présentés par le député libéral Emmanuel Dubourg et l’ancien député néo-démocrate Guy Caron avaient avorté dans le passé, faute d’appuis suffisants.

Le projet de loi C-208, présenté par le député conservateur du Manitoba Larry McGuire, permettra de modifier la Loi sur l’impôt et de corriger des règles fiscales « inéquitables » qui encadrent la vente d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale.

Le projet de loi doit maintenant obtenir la sanction royale avant d’entrer en vigueur – une formalité dans la procédure parlementaire.

Tout le monde s’entend pour dire que ça n’avait pas de bon sens que ça soit désavantageux de vendre une entreprise à un enfant d’un point de vue fiscal. Il ne faut pas pénaliser le transfert intergénérationnel. Nous sommes heureux de voir que la partisanerie politique ne l’a pas emporté sur le bon sens.

Jasmin Guénette, vice-président aux affaires nationales de la FCEI

En vertu des règles actuelles de la Loi sur l’impôt, la vente d’une entreprise familiale à un membre de la famille est considérée comme un dividende, alors que la vente à un tiers non apparenté est considérée comme un gain en capital.

Résultat : les propriétaires d’entreprise qui vendent leur société à leurs enfants ne peuvent pas bénéficier de l’exonération cumulative des gains en capital, ce qui les oblige à payer un taux d’imposition plus élevé. Il était donc plus avantageux de vendre son entreprise à un inconnu que de la transférer à un membre de sa famille – situation que dénonçaient depuis plus de 15 ans des associations de gens d’affaires.

« Plus de choix déchirant »

Le projet de loi C-208 adopté cette semaine va changer tout cela. « Avec son adoption officielle, plusieurs propriétaires de PME vont enfin pouvoir planifier sereinement leur retraite et n’auront plus à faire le choix déchirant entre un plus gros fonds de pension et leurs enfants », souligne M. Guénette.

« Nous sommes agréablement surpris, car il est très rare qu’un projet de loi privé touchant des mesures fiscales et économiques passe l’étape de la Chambre des communes sans l’aval du parti au pouvoir et, par la suite, qu’il soit entériné au Sénat du Canada », commente Jean-Pascal Dumont, coordonnateur exécutif, affaires corporatives et développement stratégique, au Centre de transfert d’entreprise du Québec. « Ce consensus politique permettra de corriger une iniquité fiscale et de contribuer à faciliter le transfert d’entreprise de dizaines de milliers de propriétaires de PME familiales, d’entreprises agricoles et d’entreprises de pêche au Québec et partout au Canada. »

Selon la FCEI, pas moins de 72 % des chefs de PME prévoient quitter la vie active d’ici 2028. « Il est actuellement plus compliqué de vendre sa ferme à ses enfants qu’à une personne à l’extérieur de la famille. Beaucoup de jeunes au Canada voient leur rêve s’envoler à cause de règles fiscales mal adaptées », déplorait récemment devant un comité parlementaire Julie Bissonnette, productrice laitière à L’Avenir et présidente de la Fédération de la relève agricole du Québec.