(Sainte-Hélène-de-Bagot) L’euthanasie de près de 1,5 million de poulets et les problèmes d’approvisionnement causés par le conflit de travail à Saint-Anselme pourraient se répéter à l’avenir, puisque les principaux abattoirs du Québec – appartenant à Olymel et à Exceldor – n’ont pas de « plan B » en cas de « catastrophe », selon Martin Dion, président de Volailles des Cantons, qui déplore du même coup le fait qu’il n’y ait pas de place pour de petits acteurs dans l’industrie de l’abattage.

Le conflit chez Exceldor pourrait être en voie de se régler puisque la médiatrice a présenté mardi soir une hypothèse de règlement aux deux parties. Celles-ci ont également été rencontrées mercredi par le ministre du Travail, Jean Boulet. Le syndicat se dit prêt à présenter l’offre à ses membres dès vendredi, si l’employeur l’accepte aussi. L’entreprise procède actuellement à l’analyse de cette offre.

Malgré tout, la situation vécue au cours des quatre dernières semaines pourrait se répéter. « Le même problème va revenir. Je n’ai pas entendu parler que les abattoirs avaient un plan B en cas de catastrophe », a lancé Martin Dion, au cours d’un point de presse tenu mercredi devant son abattoir de Sainte-Hélène-de-Bagot, près de Saint-Hyacinthe. Il était accompagné par des représentants des restaurants St-Hubert et Benny & Co., qui souhaitent une plus grande diversité des acteurs dans l’industrie de l’abattage. En raison du conflit à l’usine d’Exceldor, ces rôtisseries peinent actuellement à trouver du poulet.

« Dans le secteur de l’abattage, l’ensemble de la croissance du marché est réparti entre les deux géants que sont Olymel et Exceldor, qui contrôlent déjà 96 % du marché québécois, souligne M. Dion, également éleveur de volailles. Au Québec, le contrat arbitré par le gouvernement garantit à certains joueurs des volumes d’achats et des volumes d’approvisionnement qui limitent l’entrée de nouveaux acheteurs et ne répartit pas la croissance de manière équitable entre les transformateurs. Des petits abattoirs locaux, comme le nôtre, ont des petits accès limités et n’ont droit à aucune croissance. »

PHOTO KARENE-ISABELLE BAPTISTE, COLLABORATION SPÉCIALE

Décision de la Régie des marchés agricoles

Vendredi dernier, la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec a rejeté la demande de son entreprise qui voulait augmenter son volume d’abattage en vertu de la Convention de mise en marché du poulet. Le président de Volailles des Cantons, qui abat entre 8000 et 10 000 oiseaux par semaine et qui emploie une quarantaine de personnes à son usine, souhaite pouvoir transformer la totalité des volailles qu’il élève. Par comparaison, l’usine d’Exceldor à Saint-Anselme en transforme normalement 1 million par semaine.

« Même si, en tant qu’éleveur de poulets, je me vois octroyer une hausse de mon quota de production grâce à une hausse de la demande du marché, je ne pourrai pas transformer ces poulets dans mon abattoir parce que mon volume d’approvisionnement garanti ne subira pas la même hausse. »

Sa capacité limitée fait en sorte que son abattoir est en service seulement trois jours par semaine. En ce moment toutefois, en raison du conflit, ses activités ont augmenté à cinq jours puisque l’entreprise abat 14 000 poulets de plus par semaine qui sont généralement destinés à Exceldor.

Dans ces conditions, M. Dion demande « une révision des règles » et une saine concurrence pour permettre à de plus petits acteurs d’avoir droit à plus de volumes d’approvisionnement garanti les autorisant à abattre davantage.

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Un employé de Volailles des Cantons, à Sainte-Hélène-de-Bagot

Actuellement, des abattoirs comme Volailles des Cantons sont peu nombreux au Québec. « Quand il n’y a pas de possibilité de croissance, ça ne donne pas le goût à un entrepreneur d’aller de l’avant et de dépenser des sommes importantes pour le démarrage d’une usine », se désole M. Dion.

Sur place, des représentants de la chaîne de rôtisseries Benny & Co. ont également tablé sur l’importance d’avoir plus d’acteurs sur le marché. « On veut qu’il y ait de la compétition, que les restaurateurs, les épiceries aient le choix de faire affaire avec différents joueurs », affirme Marc-Antoine Benny, vice-président, approvisionnement, chez Benny & Co.

Interrogé sur cette concentration de l’abattage entre les mains de deux entreprises, le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, André Lamontagne, a admis que cette situation « démontre qu’il y a certainement une problématique ». « À savoir où la problématique se situe, c’est un autre enjeu. On vit aujourd’hui quelque chose qu’on ne devrait jamais vivre », ajoute-t-il en faisant référence au gaspillage alimentaire généré par l’euthanasie de poulets.

Pendant ce temps, le ministre du Travail, qui a rencontré Exceldor et le syndicat représentant 550 travailleurs, a déclaré avoir eu des discussions « positives ». « Une hypothèse de règlement a été soumise par la médiatrice, confirme-t-il. Les parties se prononceront sur cette hypothèse. [Elles] ont désormais tous les outils pour régler. Le gaspillage alimentaire doit cesser. »