(Toronto) La demande croissante attribuable à la relance de l’économie mondiale et aux sécheresses sévissant dans certaines régions de la planète a redonné de la vigueur à certains secteurs de l’agriculture canadienne.

Selon les produits, les prix ont augmenté de 10 à 75 % par rapport à l’an dernier, souligne Brandan Leslie, directeur des politiques et des relations gouvernementales chez les Producteurs de grains du Canada. Dans la foulée d’une décennie de prix relativement stables ou à la baisse, c’est une très bonne nouvelle pour les agriculteurs canadiens, juge-t-il.

Il reconnaît que les prix élevés ne signifient pas grand-chose tant et aussi longtemps que le grain n’est pas récolté.

« Mais c’est une réelle occasion pour la rentabilité future des agriculteurs. », souligne-t-elle.

Les prix ont augmenté au cours des 12 à 18 derniers mois. Ils ont fortement grimpé depuis le début de l’année.

Par exemple, le canola a récemment atteint un sommet des 13 dernières années, gagnant 52 % depuis le début de l’année. Le maïs a bondi de 50 % au cours des quatre derniers mois pour atteindre son plus haut niveau depuis 2012. Les prix du soja reviennent à des niveaux jamais vus depuis 2013-2014 tandis que ceux du blé n’ont jamais été élevés de 2012.

« Tous les prix de référence des produits sont revenus à leur niveau le plus élevé depuis la très grave sécheresse qui avait frappé le Midwest en 2011-2012 », constate Aaron Goertzen, économiste principal à la Banque de Montréal.

Si les conditions ont favorisé une croissance des récoltes au cours des cinq ou six dernières années, les prix bas ont créé du stress, notamment chez les agriculteurs américains.

La faiblesse du huard a pu compenser une partie des pressions exercées sur les agriculteurs canadiens

Si les prix se sont effondrés dans certains secteurs économiques au début de la pandémie, ceux des produits agricoles ont mieux résisté que ceux du pétrole et des métaux. Les gens avaient toujours besoin de manger, même si la fabrication industrielle était au point mort.

Une exception : le maïs. Ce produit qui est un ingrédient de l’éthanol a été touché par la réduction de la consommation de carburant. Mais en 2021, le prix a augmenté de 63 %, profitant d’une hausse des prix de l’essence.

La Chine, qui avait dû abattre environ 30 % de son cheptel de porcs après une épidémie de peste porcine africaine en 2018, a considérablement augmenté ses achats de soja américain.

« Avec la réanimation du cheptel, la Chine achète de plus en plus de produits alimentaires sur les marchés mondiaux et, bien sûr, maintenant que la guerre commerciale est également terminée, elle s’en procure également aux États-Unis, ce qui a également soutenu les prix », explique M. Goertzen.

Des prix élevés permettent aux agriculteurs d’investir davantage dans l’infrastructure et l’équipement pour améliorer leur production, dit Brian Innes, directeur général de Soy Canada.

Nous constatons actuellement beaucoup plus d’optimisme pour les agriculteurs qui sont actuellement dans leurs champs en train de semer pour la récolte de cette année.

Brian Innes, directeur général de Soy Canada

Selon l’économiste en chef de la CIBC, Avery Shenfeld, les prix élevés des produits de base sont positifs pour l’économie, le marché boursier et la devise canadienne.

Même si les cours pétroliers ne sont pas élevés par rapport aux normes historiques, l’indice de référence West Texas intermediate est en hausse de 32 % en 2021. Les exportations se portent bien aussi dans les secteurs des métaux, du bois et autres produits forestiers.

« Nous obtenons plus de dollars canadiens pour chaque tonne de bois ou de grain. Cela crée plus de revenus dans le pays, ce qui contribue à alimenter notre reprise », soutient-il.

Les prix du bois ont augmenté de 85 % en 2021 grâce à la construction et aux rénovations de logements aux États-Unis. Le cuivre a augmenté de 34 %, le minerai de fer de 45 %, l’acier de 40 %, l’aluminium de 24 %, le lithium de 91 %, le cobalt de 39 % et l’étain de 45 %.

« Nous sommes un exportateur de matières premières, un pays de “bûcherons et de porteurs d’eau”, comme on dit toujours. C’est donc un plus pour le Canada lorsque ces produits sont plus chers. »

Sans doute, mais cette hausse a aussi des inconvénients puisqu’elle alimente l’inflation, une des principales préoccupations des marchés boursiers. Le consommateur risque d’être affecté par ces coûts supplémentaires.

Les économistes s’attendent à une correction des prix des matières premières au cours de l’année prochaine, les producteurs pouvant réagir aux difficultés d’approvisionnement et augmenter leur production.

Mais il faudra tenir compte d’un facteur que personne ne peut contrôler : Dame nature.

« De vastes régions de l’Ouest canadien sont assez sèches en ce moment, constate un agriculteur Andre Harpe. Même si les prix sont bons, il faut avoir une récolte normale pour en profiter. »