(Montréal) Environ 35 % de ceux qui entrent dans l’industrie de la construction abandonnent en moins de cinq ans. Le taux d’abandon est encore plus élevé chez les femmes et les travailleurs non diplômés.

Le taux d’abandon après cinq ans atteint 24 % chez les travailleurs diplômés et 40 % chez les non-diplômés.

Ces données ressortent d’un rapport sur les abandons dans la construction, réalisé par la Commission de la construction du Québec, obtenu par Action travail des femmes grâce à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics.

Causes

Le manque de travail, puis les conditions de travail sont identifiés comme les principaux motifs d’abandon.

Ainsi, le taux d’abandon atteint 62 % chez ceux qui ont travaillé durant moins de 150 heures, la première année. Le taux est de 48 % chez ceux qui ont travaillé de 150 à 499 heures, 30 % pour 500 à 999 heures, pour tomber à 15 % chez ceux qui ont travaillé durant 1000 heures et plus dans l’année.

Québec vient pourtant d’assouplir les règles pour faire entrer davantage de travailleurs dans l’industrie de la construction, vu les nombreux projets d’infrastructures prévus.

« On devrait travailler sur des mesures de rétention de main-d’œuvre, et non pas rentrer de la nouvelle main-d’œuvre. Elle est là, la main-d’œuvre ; elle est compétente. Elle a été formée ; elle est présente dans l’industrie, mais on ne s’en sert pas au maximum », a commenté en entrevue mercredi, Éric Boisjoly, directeur général de la FTQ-Construction.

Retenir les travailleurs dans l’industrie passe par l’amélioration des conditions de travail et plus d’heures de travail, plaide le dirigeant syndical.

Il concède que les salaires horaires y sont bons, mais le nombre d’heures de travail y est insuffisant. Et lui qui négocie justement le renouvellement des conventions collectives, présentement, plaide pour une amélioration des assurances et de la retraite.

Femmes

Les taux d’abandon après cinq ans chez les femmes sont « systématiquement plus élevés que chez les hommes », écrit-on dans le rapport.

Par exemple, le taux d’abandon des femmes est de 67 % pour le métier de briqueteur-maçon, de 62 % pour celui de charpentier-menuisier, de 60 % pour celui de couvreur, de 64 % pour celui de poseur de systèmes intérieurs.

Dans le cadre d’un sondage, elles ont dit quitter pour des « raisons personnelles », puis des « problèmes de santé ou accident du travail », puis à cause des conditions de travail.

« À la lecture des résultats, on n’a pas le sentiment que ça a tant évolué que ça » depuis des années, a déploré en entrevue Katia Atif, d’Action travail des femmes, puisque ce n’est pas la première enquête qui fait les mêmes constatations.

La Commission de la construction s’était pourtant donné comme objectif d’accroître la proportion de femmes dans l’industrie et avait déployé des efforts pour y parvenir.

Mme Atif le reconnaît, mais croit que c’est la preuve qu’il faut aller plus loin que la sensibilisation et la promotion.

« Ça fait plus de 15 ans que c’est la stratégie utilisée par la CCQ et que ça ne fonctionne pas. Les syndicats sont de plus en plus ouverts à mettre en place des modalités coercitives en matière d’embauche et de maintien des femmes dans l’industrie. Le secteur le plus réfractaire reste le secteur patronal », a opiné Mme Atif.