Le télétravail a fait bondir le nombre d’interventions et d’opérations esthétiques.

Une cicatrice qui nous saute aux yeux, une paupière qui tombe trop à notre goût, un double menton qui cause notre inattention… Les nombreuses heures passées en télétravail, et conséquemment en réunions virtuelles, ont fait courir plus de personnes que la normale dans des cliniques de chirurgie plastique et esthétique depuis le début de la pandémie.

La hausse des consultations, opérations et traitements est marquée aux États-Unis depuis un an : environ 60 %, selon l’American Society of Plastic Surgeons. La Presse n’a pu confirmer une telle croissance dans la province auprès de l’Association des spécialistes en chirurgie plastique et esthétique du Québec. Des dirigeants de cliniques de la grande région de Montréal confirment néanmoins un bond du nombre d’interventions et d’opérations depuis juin 2020, soit après les trois mois de fermeture imposée par le gouvernement, au printemps dernier.

« Nous sommes très occupés, affirme Nabil Fanous, président de l’Institut canadien de chirurgie esthétique. Avant, on avait quatre jours d’opérations à l’agenda par semaine. Maintenant, c’est souvent cinq et parfois aussi les fins de semaine. »

L’expert en chirurgie esthétique note une croissance de 25 % des opérations (lifting, nez, paupières). En temps normal, celle-ci est de 5 % à 10 % annuellement. « En 2019, elle était de 12 %, ce qui était déjà appréciable », dit Nabil Fanous.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

La Dre Christine Caron

Autant on a eu une absence de travail pendant trois mois, l’an dernier, autant ce fut la folie à l’ouverture en juin 2020. Il y a notamment eu du rattrapage.

La Dre Christine Caron, propriétaire de Médecine Esthétique Dre Christine Caron

La propriétaire de Médecine Esthétique Dre Christine Caron enregistre une croissance de 30 % à 50 % chez elle pour les demandes de soins esthétiques en général (autant les soins corporels que le laser, le Botox et le CoolSculpting).

Du côté de la Clinique O’Derma, la hausse se chiffre à 40 %. « Mais je ne peux définir quelle proportion est attribuable à la pandémie et à notre croissance normale des neuf dernières années », explique son président Étienne Boissonneault, qui se spécialise en traitement et consultation pour les vergetures, l’épilation, le raffermissement et autres cicatrices et qui offre de nouveaux produits depuis un an.

« Je ne suis plus capable de me voir comme ça ! »

Les raisons de cette croissance sont multiples, aux yeux des spécialistes et propriétaires de cliniques : l’argent investi traditionnellement dans le divertissement et les voyages est dépensé autrement. Le télétravail profite à certains qui peuvent faire une convalescence ni vu ni connu. Les gens ont pris du poids, à la suite d’un changement dans les habitudes alimentaires et de la fermeture des gyms. Les masques cachent certaines interventions. Ou encore, le port obligatoire du masque cause des problèmes de peau. Mais surtout, les multiples réunions Zoom et Teams ont fait voir les participants sous un nouveau jour. « On nous dit : “Je ne suis plus capable de me voir comme ça !” On ne sait plus comment se placer devant la caméra », raconte Christine Caron.

« Les deux plis entre les sourcils… avec ou sans masque, c’est tout ce qu’on voit lors des réunions Zoom ! » lance une de ses clientes, Francine Massicotte.

Ces rides du lion l’ont ainsi motivée à allonger des centaines de dollars pour des injections de Botox au front et autour des yeux ainsi que du remplissage pour ses pommettes et autour des lèvres. « C’est un bon investissement, estime la directrice, ventes et éducation, au Canada de Smashbox, GlamGlow et ADF, de 56 ans. Le résultat est très naturel. Mes collègues me disent que j’ai l’air reposée. Ça me permet d’avoir un maquillage plus léger. Mais sans la pandémie, je n’aurais pas vu l’urgence d’y aller. »

Toute intervention est-elle nécessaire ? Les spécialistes sont conscients qu’ils travaillent dans une période singulière.

PHOTO FOURNIE PAR DR NABIL FANOUS

Le Dr Nabil Fanous

Je dis souvent aux gens : ce que vous voyez dans un appel vidéo, ce n’est pas ce que les gens voient.

Nabil Fanous,

La croissance du nombre d’interventions et de soins livrés est grandement attribuable à la clientèle des 20 à 50 ans, sur le marché du travail. « Elle n’a pas été la même pour les gens à la retraite, note Nabil Fanous, qui entrevoit une accalmie après la pandémie. L’apparence n’est pas une préoccupation avec les amis. Ça l’est pour les collègues ou professionnels. »

Par ailleurs, les cliniques accueillent plus d’hommes depuis la pandémie pour des consultations ou des interventions. « Dans l’optique de prendre soin d’eux plus largement, dit Christine Caron. Améliorer l’apparence se reflète sur la confiance. »