Comme tous les dirigeants du monde, le président de la Russie, Vladimir Poutine, en a plein les bras avec la gestion de la pandémie et de ses impacts sur l’économie de son pays. Il affronte en même temps le soulèvement populaire qui a suivi l’arrestation de son opposant Alexeï Navalny.

Peut-être pour faire diversion, le dirigeant s’est insurgé récemment contre la hausse des prix et spécialement celle du prix des pâtes, l’aliment de base des familles les plus pauvres. Il a fait mention d’un des plats les plus populaires dans son pays, les macaronis « navy-style », soit des pâtes mélangées à de la viande hachée et à des oignons, qui gruge de plus en plus le budget en alimentation des Russes depuis le début de la pandémie.

L’augmentation du prix du blé, qui sert à faire la farine, les pâtes et le pain, suscite la grogne de la population. Le prix et la disponibilité des denrées alimentaires sont des sujets sensibles dans un pays qui n’a pas oublié les sacrifices de l’ère soviétique.

Pour répondre à ces inquiétudes, le président a promis de limiter l’exportation du blé russe à compter de la mi-février et jusqu’à la mi-juin. En vendant moins sur les marchés internationaux, la Russie gardera plus de blé au pays avec l’objectif de stabiliser les prix.

Une taxe et des quotas à l’exportation du blé russe sont donc au programme, ce qui rendra la céréale plus chère pour les pays importateurs qui s’approvisionnent en Russie.

Un marché de 50 milliards US

Le blé est une des céréales les plus consommées dans le monde. C’est un énorme marché. La valeur totale des exportations atteint 50 milliards US, une somme qui varie selon les récoltes et les fluctuations du marché. La cagnotte se partage entre trois pays qui comptent pour la moitié des exportations totales.

La Russie est le premier exportateur de blé au monde, devant les États-Unis et le Canada. Au cours de la dernière décennie, la Russie a réussi à doubler sa production, un exploit qui fait la fierté du gouvernement.

Les plus gros producteurs de blé ne sont pas toujours présents sur les marchés d’exportation. La Chine et l’Inde, par exemple, comptent parmi les plus importants producteurs de blé au monde, mais presque toute leur production sert à nourrir leur population et ils doivent même parfois en importer.

Certains pays sont à la fois de grands consommateurs et de grands exportateurs de blé, comme les États-Unis. Le Canada, de son côté, a une production supérieure aux besoins de sa population, ce qui en fait un important exportateur.

Avec les années, la Russie est devenue l’acteur le plus important sur le marché mondial du blé, un produit de base dont les prix sont négociés sur plusieurs places boursières à travers le monde. Le prix varie selon l’offre et la demande, mais aussi selon la qualité et le volume des récoltes.

La décision du Kremlin de restreindre les exportations de blé a donc eu un impact sur le prix déjà élevé de la céréale sur les marchés internationaux. Le prix des contrats négociés à la Bourse de Chicago a bondi à un niveau jamais vu depuis 2014 à la suite de l’annonce.

Le monde ne manque pas de blé, mais le marché anticipe que l’offre mondiale diminuera et que les clients habituels des Russes se tourneront vers d’autres fournisseurs.

Ce n’est pas la première fois que le régime russe limite les exportations pour faire baisser les prix sur son marché intérieur, avec des résultats mitigés. Il faudra voir si cela produira cette fois l’effet désiré. Chose certaine, ce qui se passe actuellement en Russie se répercutera ailleurs dans le monde. Et ce sera peut-être à cause de Navalny. Si le prix du pain augmente, tout le monde en souffrira. Même la petite boulangerie bio et locale qui nous approvisionne. Même le pain maison de Ricardo, si populaire dans nos foyers depuis le début de la pandémie, nous coûtera plus cher.