Mitch Garber, l’ancien dragon, le richissime homme d’affaires montréalais, veut payer plus d’impôts.

Il me l’a dit l’autre jour en entrevue téléphonique.

« Il y a beaucoup d’individus et de PME qui souffrent actuellement et qui souffrent beaucoup et qui souffrent plus que d’autres », affirme-t-il.

« Il faut parler de distribution inégale de la richesse. »

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

L’homme d’affaires Mitch Garber

Vaste programme.

« Et il faut se demander, ajoute-t-il, si on ne peut pas trouver des solutions à court terme… Peut-être une taxe COVID pour un an ou deux ? »

La pandémie a créé de telles inégalités entre ceux qui ont été frappés de plein fouet – restaurants, détaillants, hôtellerie, etc. – et ceux pour qui la demande a explosé, même si c’était malgré eux – ça va des entreprises technos aux fabricants de savon ou de désinfectant en passant par les vendeurs de vêtements mous, les épiciers ou les gardiens de sécurité –, qu’il faut rééquilibrer les choses un peu, estime l’homme d’affaires montréalais.

Donc demander plus à ceux qui ont su profiter des circonstances. Et demander plus aux fortunés, en général, qui le sont restés malgré la pandémie.

M. Garber s’attend à ce que certains des membres de ce cercle lui répondent qu’ils estiment payer déjà assez d’impôts.

Mais il rétorquera : « Tu ne penses pas qu’on a la responsabilité d’aider encore plus en ces temps difficiles ? »

Jean-François Bouchard, cofondateur de l’agence de publicité Sid Lee et de C2 Montréal, est « totalement d’accord » avec ce concept.

« Un impôt spécial sur le gain en capital 2020 aurait plein de sens, dit-il. Mais pas si simple à mettre en place, car certains de ces gains pourraient n’avoir rien à voir avec la pandémie. (Par exemple, une personne vend l’entreprise familiale bâtie depuis 100 ans… en 2020 !) Peut-être un impôt spécifique sur les gains boursiers ? »

Il jongle avec les idées.

Mitch Garber n’a pas de solution fiscale, de mesure précise déjà toute préparée non plus à proposer.

« Moi, je lance l’idée, le principe, et je laisse le gouvernement continuer ça », affirme l’homme d’affaires.

« L’idée est à moi, mais le travail, c’est pour eux. »

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Ce n’est pas tout le monde à qui j’ai parlé de cette idée qui a eu envie d’en discuter publiquement.

De façon générale, les gens d’affaires aiment l’idée.

Mais comment peut-on la mettre en place ?, demandent-ils.

Et à quel moment estime-t-on que la fortune d’un individu ou d’une entreprise permet d’aller lui demander de faire un effort supplémentaire ?

Dans le monde des affaires, certaines personnalités à la tête de grandes entreprises ont été beaucoup frappées, note M. Bouchard. Notamment du côté de la vente au détail. J’ajouterais l’hôtellerie. Ou l’événementiel. L’aviation.

En revanche, il est évident que certains en ont profité. « Sans nécessairement le vouloir, précise le cofondateur de Sid Lee. Bourses en hausse, technologies, etc. Je pense qu’il y en a plus dans cette catégorie… »

Mitch Garber croit qu’on pourrait, par exemple, fixer un plancher pour un impôt spécial. Il lance l’idée de 500 000 $ en revenu annuel, par exemple.

Ou exiger de ces citoyens de donner plus à la charité. On pourrait aussi identifier, comme le suggère Jean-François Bouchard, ceux dont le chiffre d’affaires a nettement augmenté par rapport à 2019.

Il faut aussi, dit M. Garber, trouver des moyens d’encourager les gens d’affaires et entreprises fortunés d’ici à acheter les biens et services de ceux qui ont été le plus frappés. Mesures incitatives pour aller dans les restaurants, les hôtels. Le monde des arts devra aussi être aidé !

Il faut être créatif pour trouver des mesures efficaces. Mais M. Garber est confiant de l’appui de la communauté.

Il mentionne Zoom, qui n’est pas une entreprise québécoise, certes, mais qui est l’exemple classique d’une société qui a grandement profité de la situation actuelle. « Si tu es le PDG de Zoom, tant mieux pour toi. Bravo. Mais s’ils étaient ici, on leur demanderait : “Peux-tu faire quelque chose pour aider ?” »

« Je vois difficilement comment ils pourraient dire non. »

Selon Mitch Garber, il faut tout de suite commencer à penser à ces mesures qui seront nécessaires, une fois le pire de la crise passé, une fois qu’on sera dans la reconstruction, sûrs de ne pas replonger à tout moment. Une fois aussi que les mesures gouvernementales auront totalement pris fin.

Peut-être faut-il déjà mettre en place une équipe de préparation qui brasse des idées.

Je trouve la proposition excellente. Tout comme la préparation des vacances rend déjà un peu heureux bien avant le départ – en plus, c’est une activité typique de janvier et février –, peut-être que la préparation de la reprise rendrait moins anxieux ?

Jean-François Bouchard croit qu’on pourrait même en profiter pour avoir une réflexion encore bien plus vaste sur notre système économique.

« On pourrait parler du sujet plus large soulevé par [l’économiste français] Thomas Piketty : le fait que le rendement du capital accélère la richesse plus vite que le travail, explique-t-il. Donc, nous sommes face à une croissance mathématique inéluctable des iniquités. Le capital doit être taxé différemment, sinon le pacte social actuel va s’écrouler à long terme. J’appuie totalement cette évolution essentielle. »

On en parle tous ensemble ?