(Ottawa) Un sous-gouverneur de la Banque du Canada a estimé jeudi que les banques centrales devraient avoir leur propre monnaie numérique prête pour présenter une solution de rechange si elles décidaient d’interdire l’utilisation de celle actuellement développée par Facebook.

Le géant des réseaux sociaux a passé les 16 derniers mois à développer une monnaie numérique qu’il appelle Libra.

Le sous-gouverneur de la Banque du Canada Timothy Lane a affirmé que l’incursion de Facebook dans le marché des devises numériques pourrait aider les populations marginalisées à rejoindre l’économie mondiale et améliorer les paiements transfrontaliers.

Mais si les autorités réglementaires décidaient de bloquer l’utilisation de la Libra dans un pays donné, M. Lane croit que la banque centrale de ce pays devrait pouvoir proposer sa propre monnaie numérique, prête à être utilisée, comme solution de remplacement.

Selon lui, le problème auquel les décideurs sont confrontés est de savoir comment réglementer quelque chose qui serait disponible pour tous les utilisateurs de Facebook et supervisé par une association d’entreprises dont le siège est en Suisse.

« C’est le nœud de la question : la réponse est-elle la Libra ou quelque chose de préparé par les banques centrales ? » a-t-il affirmé lors d’un panel en ligne organisé par la Central Bank Payments Conference.

« Si nous disons, bien, ce devrait être (la monnaie numérique de la banque centrale), et non la Libra, alors nous devons avoir quelque chose de prêt pour que, si une décision était prise et que la monnaie numérique de la banque centrale était la solution retenue, nous soyons déjà prêts à la lancer. »

La Banque du Canada développe sa propre monnaie numérique à « une bonne cadence », selon ce qu’a indiqué jeudi M. Lane. D’autres banques centrales ont entrepris une démarche semblable, afin d’être prêtes à toute éventualité.

La Banque du Canada n’a pas l’autorité législative du Parlement pour offrir une monnaie numérique, mais uniquement pour concevoir, émettre et distribuer les billets qui sont conservés dans les portefeuilles et remis à la caisse lors d’un achat.

M. Lane avait affirmé mercredi, lors d’un autre panel en ligne, que les changements dans les habitudes, jumelés à la rapidité des développements technologiques, avaient réduit la fenêtre de tir pour livrer une monnaie numérique émise par la banque centrale.

« Tout cela semble beaucoup plus urgent en raison de la vitesse à laquelle la technologie évolue et je pense, en particulier, que nous avons vu une accélération du transfert des activités en ligne avec la COVID », avait alors souligné M. Lane.

« La Libra, dans un certain sens, suggère que les banques centrales doivent mettre en route cette réflexion un peu plus rapidement qu’elles ne l’ont fait », a ajouté M. Lane jeudi.

Un des éléments qui retient plus particulièrement l’attention des banques centrales au sujet de la Libra, c’est qu’une fois qu’elle sera lancée, des centaines de millions de personnes pourraient rapidement commencer à l’utiliser. Celle-ci serait également considérée comme une « cryptomonnaie stable » qui conserve une valeur stable, comme son nom l’indique, et est soutenue par des actifs en devises, ce qui en fait une monnaie numérique moins volatile.

Le Conseil de stabilité financière, un groupe international qui compte parmi ses membres la Banque du Canada et le ministère fédéral des Finances, a recommandé dans un rapport cette semaine que toute cryptomonnaie stable du genre de la Libra soit assujettie à toutes les exigences réglementaires avant de pouvoir être utilisée dans une juridiction.

Julien Le Goc, directeur de la politique de la Libra Association, a indiqué que la monnaie de Facebook voulait suivre une « voie réglementée ».

« La progression ici n’est pas de perturber le système ou de rivaliser avec lui, mais plutôt d’augmenter les options de paiement des consommateurs et de compléter le système », a-t-il affirmé lors du panel.