(Washington) La nouvelle version de l’accord de libre-échange nord-américain est officiellement entrée en vigueur mercredi et le gouvernement américain est déterminé à faire en sorte que les trois pays signataires — le Canada, le Mexique et les États-Unis — respectent leurs obligations.

Pour souligner le premier jour de l’Accord Canada–États-Unis—Mexique (ACEUM), le secrétaire américain au commerce Robert Lighthizer a publié un communiqué marquant le coup et promettant que les règles et obligations du traité seront respectées.

Dans sa déclaration, M. Lighthizer célèbre l’ACEUM comme une réalisation du président Donald Trump et un « changement monumental » à l’avantage des travailleurs américains et des producteurs agricoles plutôt qu’à l’avantage des multinationales.

Il a aussi parlé d’une entente plus favorable à la croissance des entreprises de toutes les tailles par un meilleur accès au marché de tout le continent nord-américain.

Alors que la Maison-Blanche et de nombreux alliés de Donald Trump à Washington ont profité de l’occasion pour y aller de déclarations partisanes, le président américain s’en est plutôt tenu à ses sujets favoris par les temps qui courent : attaquer les médias, les militants du mouvement « Black Lives Matter » et le présumé candidat démocrate à la présidentielle, Joe Biden.

Le secrétariat américain au commerce a dévoilé sa liste de dix arbitres pouvant être appelés à trancher selon le mécanisme de règlement des différends prévu à l’ACEUM. Sur cette liste, on retrouve notamment Julie Bédard, une diplômée de l’Université McGill ayant pratiqué le droit au Québec et ayant agi comme auxiliaire juridique à la Cour suprême du Canada avant de se joindre à la firme new-yorkaise Skadden, où elle dirige la division de litiges internationaux sur le territoire des Amériques.

Les autres noms sur la liste américaine sont ceux de l’ex-juge en chef de la cour de réclamations contre le gouvernement fédéral américain (U. S. Court of federal claims) Susan Braden, de l’expert en arbitrage John Buckley Jr., de l’ex-commissaire au commerce international Dennis Devaney et de l’ex-procureur fédéral Mark Hansen.

Ce groupe inclut également l’ex-conseiller du secrétariat au commerce et lieutenant de Robert Lighthizer, Stephen Vaughn, qui a lui-même occupé le poste de secrétaire au commerce aux premiers jours de l’administration Trump.

Selon l’ambassadrice du Canada aux États-Unis, Kirsten Hillman, qui a joué un rôle majeur dans les négociations, l’ACEUM a été conçu dans le but que plus de gens dans chacun des trois États membres profitent de ses retombées.

« La version originale de l’ALENA a été extrêmement favorable pour nous économiquement et c’est important de se le rappeler », a-t-elle commenté en entrevue à La Presse canadienne.

« Elle était toutefois désuète et elle était aussi perçue comme étant — et en tout respect je crois que c’est juste — insuffisante pour s’assurer que toute la société profite entièrement des avantages du commerce », observe la diplomate.

Dans la version précédente de l’accord, le principal défaut dénoncé aux États-Unis était un déséquilibre des avantages. On blâmait l’accord comme étant le principal responsable de la délocalisation d’usines américaines vers le Mexique.

La nouvelle entente prévoit des dispositions plus contraignantes en matière d’emploi qui exigent qu’une plus grande partie de la production soit effectuée par des travailleurs bien rémunérés afin que le produit puisse circuler librement.

« Une composante majeure de cette démarche était de donner un incitatif aux constructeurs automobiles nord-américains. Et c’était surtout de repositionner nos travailleurs sur le même terrain que nos compétiteurs nord-américains », a expliqué Mme Hillman.

« En tant que juridiction où les salaires sont élevés, nous voulions nous assurer que nos travailleurs puissent se battre à armes égales. Alors, je crois que le thème de l’accord se traduit par du commerce pour tous les Canadiens », a résumé l’ambassadrice.

Les négociateurs canadiens ont cherché à obtenir une entente améliorant le sort des travailleurs, allégeant la paperasserie des PME et favorisant la croissance des entreprises numériques.

Ce n’est toutefois pas tout le monde qui célèbre l’entrée en vigueur de l’ACEUM. Les producteurs laitiers canadiens et les transformateurs, qui vont devoir céder de plus grandes parts de marché aux produits américains, auraient au moins souhaité que l’accord entre en vigueur après le 1er août.

Ce mois supplémentaire aurait donné une année à l’industrie pour s’ajuster aux termes de l’accord puisque leur année fiscale débute le 1er août. Malheureusement pour eux, la première année de l’ACEUM ne durera que 31 jours et ils devront dès le 1er août entrer dans l’an 2 de l’accord.

Aux États-Unis, le groupe Public Citizen, qui défend les droits des consommateurs et s’est vertement opposé à l’ALENA, a reconnu que la nouvelle entente représente un effort en faveur des droits du travail et de la protection de l’environnement. Toutefois, cet effort est jugé bien loin d’un seuil idéal selon Lori Wallach, directrice de Global Trade Watch le volet chargé de veiller sur le commerce international.

« Renégocier l’ALENA pour tenter d’en limiter les dommages, ce n’est pas la même chose que de concevoir un vrai bon accord commercial qui crée des emplois, améliore les salaires et protège l’environnement et la santé publique », a déploré Mme Wallach.

Elle rappelle aussi que l’ACEUM entre en vigueur pendant qu’une éminente avocate du droit du travail se trouve en prison au Mexique. Susana Prieto Terrazas, connue pour son combat en faveur de meilleures conditions de travail pour les ouvriers des maquiladoras, a été arrêtée le 10 juin en lien avec des accusations d’incitation à l’émeute, de menaces et de contrainte.