Un gestionnaire de portefeuille montréalais vient de lancer le premier fonds consacré au bitcoin inscrit dans une grande Bourse. Une première mondiale, lance Frederick Pye.

Les parts du « Fonds Bitcoin » se négocient sous le symbole « QBTC.U » à la Bourse de Toronto. Si le premier appel public à l’épargne du fonds a permis de récolter une quinzaine de millions de dollars américains le mois dernier, sa réouverture a attiré une cinquantaine de millions additionnels vendredi.

Cet argent provient essentiellement de courtiers en valeurs mobilières au bénéfice de leurs clients, dit Frederick Pye.

Connu dans le secteur financier pour sa créativité et son audace, ce résidant de Pointe-Claire a cru au projet pour plusieurs raisons.

« C’est impossible pour un courtier en valeurs mobilières qui veut ajouter une position de 2 % en bitcoins dans le portefeuille d’un client d’ouvrir 500 ‘‘wallets’’ pour 500 clients. Ça n’a pas de sens », dit-il.

« Et la plupart des détenteurs de bitcoins sont des milléniaux. Ces personnes ont de 25 à 45 ans. Pour la majorité, l’épargne de cette génération se trouve dans un REER ou un CELI. Comme il est impossible de mettre des bitcoins dans un REER ou un CELI, il est maintenant possible de le faire avec ce produit conforme aux règles de la Bourse », poursuit l’entrepreneur financier à la tête de la firme 3iQ.

« D’où l’importance de mettre ça dans un CELI si tu penses que le prix du bitcoin va passer de 10 000 $ US à 100 000 $ US !  », dit-il.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Frederick Pye, gestionnaire de portefeuille

La quasi-totalité des actifs du Fonds est investie dans des bitcoins, ce qui offre une exposition à la cryptomonnaie bitcoin et aux fluctuations quotidiennes du cours des prix en dollars américains du bitcoin.

Gestionnaire d’un fonds de cryptomonnaies, Martin Lalonde, de la firme Rivemont, estime que le Fonds Bitcoin est un « beau produit », mais qui a néanmoins ses limites.

« C’est assurément quelque chose de positif pour le secteur des cryptomonnaies. Mais il peut y avoir une grosse différence entre le prix des parts et la valeur nette des actifs du fonds. Actuellement, il y a une prime, donc c’est plus cher d’acheter ce produit que le bitcoin lui-même. »

Martin Lalonde ajoute qu’il s’agit d’un produit « passif » concentré en bitcoin. « À l’avenir, il se peut que d’autres cryptomonnaies performent mieux. »

Division de la prime de minage

Un évènement majeur était par ailleurs attendu pour amorcer la semaine par ceux qui suivent de près l’évolution du bitcoin : la division de la prime de minage ou, en d’autres mots, la baisse de la récompense versée aux mineurs.

« C’est un peu ésotérique comme concept, mais en gros, il va être plus difficile pour les mineurs de créer des bitcoins. C’est pour éviter que cette monnaie virtuelle soit victime de l’inflation. Ça va être un test pour vérifier le principe du bitcoin, et si celui-ci survit, ça peut augmenter la confiance envers le bitcoin », explique Bahador Zabihiyan, président de Zabihiyan Affaires publiques, et conseiller pour entreprises du secteur des cryptomonnaies.

Chaque fois qu’il y a eu une division de la prime de minage, une époustouflante hausse des prix s’est dessinée dans les mois suivants. Il ne fait aucun doute que la hausse des dernières semaines représente un pari de bien des investisseurs sur une répétition de l’histoire.

Martin Lalonde

Ce gestionnaire de portefeuille ne se formalise donc pas trop de la réaction « mitigée » observée lundi sur les marchés. « Il ne faut pas oublier que le prix du bitcoin est passé de 4000 $US à 10 000 $US depuis mars. Je crois qu’il y a un peu de « sell the news ». À moyen terme, ça devrait être positif pour le bitcoin », dit-il.

« Un grand investisseur américain [Paul Tudor Jones] estime que le bitcoin pourrait être la meilleure protection contre une chute des devises dans le futur. Et il y a maintenant des institutions qui commencent à s’y intéresser. Le prix va monter », croit Frederick Pye.

Le prospectus du Fonds Bitcoin souligne « qu’il est probable que, vers le milieu de la prochaine décennie, le bitcoin constituera l’une des monnaies les moins inflationnistes au monde, sinon la moins inflationniste, étant donné le plafond sur le nombre d’unités de bitcoins disponibles sur le réseau Bitcoin ». Il est aussi précisé qu’en date du 26 mars, la volatilité quotidienne du bitcoin est revenue à des niveaux inférieurs à sa moyenne historique, et est comparable à celle de nombreuses actions du secteur des technologies et des ressources.

Le bitcoin est moins volatil que 40 % des titres à la Bourse de Toronto et 60 % des titres inscrits à la bourse de croissance, indique une présentation aux investisseurs du Fonds Bitcoin datée d’il y a deux semaines.