L’absurdité totale de la situation du recyclage québécois, où la motivation enthousiaste des consommateurs pour la récupération se bute au fouillis total de la gestion des matières résiduelles, serait-elle sur le point de prendre fin ?

Allons-nous enfin voir mon collègue Jean-Thomas Léveillé, qui couvre méticuleusement ces questions à La Presse et qui a écrit, avec Tommy Chouinard, notre primeur de lundi sur la nouvelle politique québécoise sur le recyclage, arriver avec un reportage qui dit : « Vous savez quoi, la récupération, la réutilisation, ça marche ! »

Ça ne m’arrive pas souvent d’appeler deux porte-parole de groupes de pression dans le monde écolo et d’avoir coup sur coup deux commentaires, ma foi, vraiment positifs sur une nouvelle politique gouvernementale. Mais ça m’est arrivé mardi, après l’annonce officielle du ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, qui a promis des millions, des objectifs et un transfert total du problème dans la cour des entreprises qui produisent ces matières à recycler. 

« C’est vraiment une bonne nouvelle », m’a lancé d’entrée de jeu Christiane Pelchat, présidente et directrice générale de Réseau Environnement, quand je lui ai demandé ce que son organisme pensait de cette nouvelle stratégie.

Celle-ci espère qu’il y aura des mesures claires pour assurer la traçabilité des matières. 

Et elle a bien raison. 

Il faut, effectivement, afin qu’on puisse réellement être assurés que ceux qui produisent les matières veillent sur leur récupération et leur recyclage, qu’on sache où ça va et que la qualité des matières recyclées est au rendez-vous.

« On attendait ça », a renchéri Yourianne Plante, porte-parole d’Éco Entreprises Québec (EEQ), l’organisme à but non lucratif représentant les milliers d’entreprises qui financent la collecte et le tri du bac de recyclage.

« C’est le jour 1 d’une transformation complète de la cueillette sélective. »

Il était vraiment temps que le gouvernement agisse.

Après 15 ans passés à déposer scrupuleusement nos plastiques, nos papiers, nos conserves et nos bouteilles vides dans nos bacs verts, convaincus de faire le bien, mais après aussi maintenant des années à entendre dire que tout ça ne servait pas à grand-chose, parce que la Chine ou l’Inde ne veulent plus de nos déchets contaminés, mal triés, parce que le verre finit par aller dans les dépotoirs et n’est pas refondu, parce que les centres de tri un peu partout dans la province ferment plus ou moins brutalement, il était temps que quelque chose se passe.

Actuellement, et depuis 15 ans, les sociétés qui produisent les matières à recycler paient pour la gestion du problème — un grand total de 1,5 milliard à ce jour —, mais elles ne s’en occupent pas. Donc, imaginez leur exaspération quand elles voient les nouvelles sur les centres de tri brutalement fermés, laissant derrière eux des montagnes de poubelles, ou sur les conteneurs renvoyés chez nous.

Au bout du fil, Yourianne Plante veut que l’on comprenne que ces entreprises souhaitent vraiment améliorer la situation. « Il y a une volonté réelle de faire mieux », dit-elle. 

Qui surveillera tout ça ? On ne le sait pas encore. Actuellement, c’est EEQ qui gère le financement du système. L’organisme chargé de chapeauter la nouvelle gestion émergera du secteur. 

« Et le gouvernement nous donnera des objectifs. »

Et le ministre a promis hier qu’il y aura des sanctions, si les résultats attendus tardent à se produire.

En gros, les membres d’EEQ se donnent un an pour faire le diagnostic de la situation, le gouvernement prendra deux ans pour changer le cadre réglementaire, et la mise en place du nouveau système pourra prendre jusqu’à cinq ans.

Et en plus des objectifs concrets pour motiver la mise en place de mesures efficaces qui augmenteront réellement le taux de récupération, il y aura, je l’espère, en filigrane un objectif de transparence. 

Il ne faut pas perdre les consommateurs qui commencent réellement à se dire « tout ça pour ça » en regardant leur bac vert et des nouvelles comme la saga des conteneurs remplis de papier récupéré qui ont traversé l’Atlantique en route vers l’Inde, avant de revenir au Québec parce que leur contenu n’est pas d’assez bonne qualité, parce que le papier à recycler est mélangé notamment avec du plastique.

Est-ce à dire qu’il faudra commencer à être tous un peu plus minutieux quand on met nos matières à la récupération ?

Le concept de tout mettre en vrac dans la même boîte restera, assure Mme Plante.

J’imagine qu’avant de demander plus du consommateur, il faut d’abord le reconvaincre de l’utilité du geste.

Mais ce que ce nouveau rôle du privé ajoutera, c’est la responsabilité directe des producteurs, qui devront gérer leurs propres poubelles et auront intérêt à les diminuer. On pense déjà à de nouvelles « écoconceptions » d’emballage et à une réflexion en équipe sur comment mieux recycler, mieux utiliser la matière recyclée. Et moins recycler.

Parce que, comme l’a souligné Équiterre hier, le meilleur déchet, le plus écolo, c’est d’abord et avant tout celui qui n’existe pas.