Grâce notamment à ses surplus d’électricité, le Québec est en bonne position pour jouer un rôle de premier plan dans le marché de l’hydrogène, plaident Toyota, Hyundai et une poignée d’autres entreprises, dont certaines sont québécoises, dans une étude publiée ce mercredi.

Ces entreprises, réunies au sein d’une nouvelle coalition baptisée Hydrogène Québec, ont pour objectif « d’enclencher une transition énergétique », selon leur porte-parole, Michel Archambault.

« Le but n’est pas de remplacer l’électrique, mais d’offrir une solution complémentaire. »

Hydro-Québec elle-même, note la coalition, a relevé dans son Plan stratégique 2020-2024 l’intérêt de « soutenir le développement de l’hydrogène propre ». L’hydrogène est généralement obtenu par un procédé d’extraction à partir d’hydrocarbures comme le méthane et le charbon. L’hydrogène « propre » est produit par électrolyse de l’eau, à partir d’électricité provenant de sources propres.

PHOTO FOURNIE PAR HYDROGÈNE QUÉBEC

Michel Archambault, porte-parole d’Hydrogène Québec

Le Québec se distingue aussi par la présence de quelques entreprises spécialisées dans la production d’hydrogène, comme Air Liquide et Messer. L’entreprise canadienne Hydrogenics, autre membre de la coalition, fabrique des unités de production, d’entreposage et d’exploitation d’hydrogène. Elle a été acquise à l’automne par le motoriste Cummins.

Camions et trains d’abord

Malgré la présence de Toyota et de Hyundai au sein du groupe, l’étude préparée par les professeurs Jacques Roy, de HEC Montréal, et Marie Demers, de l’Université de Sherbrooke, s’attarde peu aux véhicules particuliers, du moins à court ou à moyen terme.

Elle propose plutôt une implantation progressive qui débuterait par les chariots élévateurs. Suivraient les parcs « captifs » : taxis, véhicules de livraison, flottes gouvernementales, véhicules d’urgence, autobus et camions lourds.

Ces derniers attisent particulièrement l’intérêt de la coalition.

« Les camions lourds font partie des principales sources de gaz à effet de serre, et la solution électrique pour eux n’est pas évidente », affirme Jacques Roy, dont l’étude révèle qu’à eux seuls, les camions lourds ont généré plus d’émissions de gaz à effet de serre que l’ensemble des voitures au pays en 2014.

Le célèbre brasseur américain Anheuser-Busch a commandé 800 camions à hydrogène en 2018 et fait l’an dernier sa première livraison avec l’un d’entre eux, rappelle-t-il.

On a toutes les connaissances qu’il faut pour le faire.

Jacques Roy

La coalition fait également de l’œil à deux importants projets ferroviaires en développement : le tramway de la ville de Québec et le train à grande fréquence dans le corridor Québec-Windsor.

Des projets de train à hydrogène sont déjà en cours en Allemagne, et Hydrogenics y participe, relève-t-on. Les trains à hydrogène éliminent la nécessité d’installer un réseau électrique aérien, peu esthétique, et de couper des arbres à proximité.

Quant aux véhicules individuels, ils viendront plus tard, quand l’industrie et les infrastructures auront pu se développer, estime M. Roy.

« Le but n’est pas de dire qu’il faut arrêter de favoriser les voitures électriques, mais il y a des gens pour qui cette solution ne convient pas. L’hydrogène est une technologie qui répond mieux à ces besoins-là. »

Gestion des surplus

Du point de vue énergétique, la conversion des surplus d’électricité d’Hydro-Québec en hydrogène permettrait de les exporter là où c’est actuellement impossible de le faire, surtout en Europe.

« Tout comme l’Australie et la Colombie-Britannique, qui prévoient exporter de l’hydrogène au Japon par navire-citerne, il y aurait peut-être lieu pour le Québec d’envisager ce mode de transport pour l’exportation de l’hydrogène produit au Québec vers certains pays d’Europe peu dotés de ressources renouvelables et accusant un retard dans la transition énergétique vers les énergies renouvelables », écrit-on.

Riche en possibilités, l’étude se fait par ailleurs pauvre en analyse économique de ces possibilités. Impossible, par exemple, de savoir si l’exportation des surplus d’électricité sous forme d’hydrogène serait rentable.

« Il y a un producteur, Air Liquide, qui vient tout juste d’inaugurer une usine, rétorque M. Roy. Oui, c’est possible de fabriquer de l’hydrogène économiquement. Et il va y avoir de plus en plus d’appétit pour de l’hydrogène propre. Le Québec a un avantage incroyable de pouvoir utiliser ses surplus d’hydroélectricité pour exporter. […] L’Europe n’a pas la capacité de produire de l’hydrogène propre. »