(Bruxelles) Les pêcheurs européens pourront continuer d’aller dans les eaux britanniques, mais avec des restrictions accrues et l’épée de Damoclès de renégociations annuelles à partir de 2026 — alors que l’accès à ces zones très poissonneuses est crucial pour leur activité.

Le partage d’avant le Brexit

Le Royaume-Uni possède une zone économique exclusive (ZEE) qui s’étend jusqu’à 200 milles au large de ses côtes — mais dans le cadre communautaire, ces zones étaient mises en commun et gérées de concert par les États de l’UE, via des quotas pour chaque espèce répartis entre les pêcheurs de chaque pays.

Dans l’Atlantique du nord-est et la mer du Nord, une grosse centaines d’espèces étaient ainsi jusqu’à cette année en gestion partagée entre le Royaume-Uni et l’UE.

Un accès « restreint » existe par ailleurs pour plusieurs États européens à des zones situées dans les 6-12 milles marins au large des côtes britanniques, dans les eaux territoriales, en reconnaissance d’activités traditionnelles anciennes.

Les prises des pêcheurs de l’UE dans les eaux britanniques pèsent quelque 650 millions d’euros chaque année. Les flottes de huit pays de l’UE capturent au total 40 % en valeur des prises effectuées dans la zone économique exclusive britannique, selon un rapport du Parlement européen. La Norvège y est aussi présente.

Les nouvelles règles du jeu

Dans le cadre de l’accord post-Brexit conclu jeudi, l’UE transférera au Royaume-Uni 25 % de la valeur des produits pêchés dans les eaux britanniques par les flottes européennes, à l’issue d’une période de transition courant jusqu’en juin 2026, selon des sources européennes et britanniques.

Après cette période de cinq ans et demi, cet accès des pêcheurs européens sera renégocié annuellement.

« Cela représentera 146 millions de livres (soit 160  millions d’euros environ) pour la flotte britannique » chaque année à l’issue de la transition, et « accroîtra d’environ deux tiers les prises des pêcheurs britanniques dans les eaux du Royaume-Uni », précise un document de Downing Street.

Ces termes correspondent à la dernière offre faite par les Britanniques et recoupent une proposition précédente des Européens.

Par ailleurs, les pêcheurs de l’UE conserveront jusqu’en 2026 l’accès aux zones situées dans les 6-12 milles marins, un accès qui sera là aussi renégocié chaque année à l’issue de la transition.

Cette perspective de discussions annuelles sur les quotas de pêche et l’accès des bateaux européens suscite l’inquiétude du secteur, qui estime que cela empêchera toute visibilité et bloquera les investissements dans des bateaux et infrastructures nécessitant un amortissement sur le long terme.

Le négociateur européen Michel Barnier lui-même avait averti qu’il jugeait cette solution difficilement praticable, étant donné qu’une centaine d’espèces sont en jeu.

Un accès vital pour les pêcheurs de l’UE—

Un quart des prises françaises en volume (environ 20 % en valeur) proviennent des eaux britanniques. La dépendance est encore plus forte pour la Belgique (50 % de ses prises en valeur), l’Irlande (35 %), le Danemark (30 %) et les Pays-Bas (28 %), selon des chiffres 2011-2015. Espagne, Allemagne et Suède sont aussi concernées pour une part moins importante.

Les principales espèces sont des poissons pélagiques (de haute mer) : hareng, maquereau, merlan…. auxquelles s’ajoutent quelques espèces démersales (proches des fonds) : sole, plie, lieu noir.

Au niveau commercial, le Royaume-Uni exporte entre 60 % et 80 % de ses produits de la mer et l’UE absorbait l’an dernier presque 70 % des exportations britanniques de poissons.

Des eaux riches en poissons

Les eaux britanniques sont riches en ressources halieutiques, du fait de mécanismes biologiques.

Les œufs de poissons s’installent le long des côtes françaises et jusqu’au Danemark, zones nourricières car assez peu profondes et sableuses. « Quand ils deviennent adultes, ils partent vers les eaux un peu plus profondes, plus froides et plus oxygénées du nord », selon l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer). Soit dans les eaux britanniques.

Un phénomène accentué par le changement climatique et particulièrement sensible pour le cabillaud et la plie, espèces très présentes en mer du Nord.