Ça ne va vraiment pas du tout pour les restaurants.

Restaurants Canada, l’association qui les représente partout au pays, estime que 10 000 d’entre eux ont déjà fermé depuis le début de la crise causée par la pandémie, que 65 % des établissements fonctionnent à perte et qu’on se prépare à une immense vague de fermetures en 2021. Près de la moitié est à risque, dit l’organisme.

L’heure est grave.

L’association demande la mise en place d’un groupe de travail national pour se pencher sur des solutions.

L’idée ne peut pas être mauvaise.

Mais devant l’ampleur des difficultés, qui va du manque immédiat et criant de liquidités jusqu’à la liquidation du savoir-faire – puisque les travailleurs du secteur partent œuvrer ailleurs, découragés par l’avenir –, n’y a-t-il pas lieu de réfléchir en mode urgence, pour trouver des solutions rapides et efficaces ? Montréal et le Québec ne se remettraient pas de l’écrasement de ce secteur porteur, vivant, rassembleur, identitaire.

Plusieurs restaurateurs sont sortis publiquement ces derniers temps pour lancer, justement, quelques idées simples et salvatrices sur la place publique. Et elles sont bonnes.

En voici quelques-unes.

David McMillan, copropriétaire du groupe de restaurants comprenant Joe Beef et Vin Papillon, notamment, en suggère une première : permettre aux restaurants de vendre leur vin directement. Sans que les clients aient l’obligation, comme c’est le cas actuellement, d’acheter un repas complet.

« Chez nous, on est assis sur 250 000 $ d’inventaire », m’explique-t-il au téléphone. Des centaines de bouteilles dans la cave à vin des restaurants.

« Pourquoi est-ce que je ne pourrais pas vendre ça, sans risque de perdre mon permis d’alcool, tant que la crise perdure ? »

Il n’est pas question ici de changer la loi, précise le chef et entrepreneur. Ni même les règlements. Juste de dire aux autorités de ne pas appliquer les règles qui existent, faire une sorte d’amnistie en direct si on veut, en attendant que les restaurants puissent reprendre leurs activités normales et retrouver leurs revenus.

Tout ça peut se faire immédiatement.

Autre idée de McMillan : permettre aux restaurants de vendre du vin pour emporter, pour les commandes livrées par des intermédiaires. Actuellement, ce n’est pas possible. On peut acheter du vin pour emporter uniquement si on se rend sur place et qu’on ramasse soi-même sa propre commande. Or, pour les restaurateurs, la marge prise sur les bouteilles de vin est un baume.

Jen Agg, restauratrice de Toronto, en lance d’autres, lues sur Instagram et publiées dans le Globe and Mail.

Premièrement, permettre aux restaurants d’acheter de l’alcool au prix du gros et non au prix de détail. Actuellement, ils paient pratiquement la même chose que les consommateurs pour les mêmes bouteilles. Donc évidemment, ils doivent les revendre plus cher pour faire un certain profit.

Cela a du sens quand le vin est bu dans des restaurants puisque le service apporte une valeur ajoutée. Ça en a beaucoup moins quand on l’achète pour emporter.

Si les restaurants pouvaient acheter leurs alcools moins chers et revendre leurs bouteilles à des prix concurrentiels à ceux de la SAQ, ils feraient alors du profit, tout en offrant une option sensée et abordable aux consommateurs.

Est-ce que cela affecterait le marché de la SAQ ? Sûrement.

Mais n’est-ce pas une société d’État qui a des responsabilités face à la collectivité, justement ?

On est en crise. Utilisons les leviers que nous avons.

Est-ce que la SAQ peut encaisser une perte de ventes pour aider les restaurants ? Il me semble que la réponse est évidente et que c’est oui.

Autre idée de Jen Agg : une intervention gouvernementale pour mettre des plafonds aux commissions empochées par les services de livraison, dont toutes sortes d’applications très populaires. « Demander 15 %, ça serait raisonnable ; 30 % ne l’est pas », dit la restauratrice, qui a fondé Agrikol à Montréal notamment, mais travaille surtout à Toronto actuellement.

En outre, elle demande aussi aux ministères du Revenu de ne pas houspiller les restaurateurs qui sont en retard avec leurs versements de taxes, notamment. En plus de la poursuite de l’aide financière des gouvernements pour la couverture des frais fixes.

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J’ai vu une autre idée passer sur Twitter l’autre jour, lancée par l’homme d’affaires Mitch Garber cette fois, et je la trouve excellente : une taxe spéciale pour tous ceux qui ont gagné beaucoup plus de revenus en 2020 qu’en 2019, grâce à la pandémie.

Dans son tweet, M. Garber parlait d’individus, mais je considérerais totalement une telle chose pour les entreprises.

Cette pandémie a créé une situation hors norme.

Elle n’a pas puni à juste titre les mauvais gestionnaires et les investisseurs imprudents. Elle a imposé une situation imprévisible à d’honnêtes gens d’affaires.

En outre, elle a permis à des entrepreneurs, ordinaires ou extraordinaires, d’engranger des profits totalement insoupçonnés aussi.

Il faut trouver un mécanisme pour que la réussite des uns aide les autres, ceux qui n’ont rien fait de particulier, pas commis d’erreur terrible, pour se retrouver dans le gouffre financier où ils sont.

Et je commencerais, ici, évidemment, par tout le secteur de la restauration et de l’hôtellerie, du tourisme et de la culture vivante.

Ni les chefs, ni les artistes, ni les serveurs, ni les éclairagistes, ni les maquilleurs, ni les comédiens au théâtre, bref, personne dans tous ces secteurs si frappés durement par la crise ne méritait ce qui lui arrive.

Demandons à tous ceux qui engrangent les profits grâce à cette calamité virale de leur tendre la main.