Le juge écorche Revenu Québec au passage

La Cour du Québec a décrété un arrêt du processus judiciaire dans le procès pour fraude fiscale contre Bouclair. Le juge considère qu’une partie de la preuve a été acquise et transmise de façon irrégulière par Revenu Québec. Ce faisant, il critique le travail des inspecteurs de l’agence provinciale dans ce dossier.

Le juge Dennis Galiatsatos considère que les inspecteurs de Revenu Québec auraient dû envoyer l’enquête sur Bouclair au service de la fraude fiscale de l’agence provinciale et qu’une vérification faite chez un de ses fournisseurs était en fait une perquisition sans mandat. Il ajoute que les employés de Revenu Québec concernés ne semblent pas bien comprendre ce qu’est l’évasion fiscale.

Les faits remontent à la fin de 2011, lorsqu’une inspectrice de Revenu Québec fait une vérification de routine chez Bouclair. Elle trouve des irrégularités dans les dépenses d’entreprise qu’elle croit être des dépenses personnelles de Peter Goldberg, son président.

Travaux au chalet

L’inspectrice constate que VP Construction, entreprise de construction de chalets établie à Mont-Tremblant, aurait fait des travaux de rénovation dans les magasins Bouclair. M. Goldberg possède un chalet dans cette même ville. Les factures fournies par l’entreprise sont floues quant à la nature des travaux.

Elle informe son supérieur de la situation et ils décident ensemble d’envoyer une autre inspectrice faire une vérification de routine à l’entreprise de construction. Cette deuxième inspectrice trouve les factures détaillées et confirme que l’entreprise a bel et bien fait des travaux au chalet de M. Goldberg, et non dans les magasins Bouclair.

À la suite de ces vérifications, Revenu Québec et l’Agence du revenu du Canada (ARC) révisent les déclarations de l’entreprise et la forcent à verser les impôts et intérêts sur les 1,5 million déduits de façon fautive, en plus de lui imposer plus de 650 000 $ en dommages punitifs. Bouclair reconnaît sa faute et verse les sommes demandées.

Nouvelle enquête de l’ARC

En 2015, à la suite de fusions administratives, le bureau de Montréal de l’ARC se retrouve avec des enquêteurs en manque de travail. L’ARC décide alors de compiler une liste d’entreprises ayant payé des amendes, mais n’ayant pas fait l’objet d’accusations criminelles. Le cas de Bouclair figure en haut de la liste, à cause de la notoriété de l’entreprise.

L’ARC assigne un inspecteur, qui demande à avoir accès aux documents recueillis par Revenu Québec lors de sa vérification, bien que l’entente concernant l’échange de renseignements en matière d’impôts et autres droits entre Revenu Québec et l’ARC interdise une telle transmission.

Des accusations de fraude fiscale sont finalement déposées contre Bouclair et deux de ses dirigeants en 2018 par l’Agence du revenu du Canada, se basant sur les informations recueillies par Revenu Québec.

Le juge Galiatsatos considère que la vérification faite chez VP Construction dans le seul but d’y obtenir des factures reliées à l’affaire Bouclair prouve qu’il ne s’agissait plus d’une simple vérification, mais bien d’une enquête pouvant mener à des accusations. Ainsi, la vérification chez VP Construction doit être considérée comme une perquisition qui aurait été faite sans mandat. La cour considère que les droits constitutionnels des dirigeants de Bouclair ont été violés du moment qu’on a demandé ces factures.

Revenu Québec n’a pas commenté la décision, puisque les procédures ont été entamées par l’Agence du revenu du Canada. L’avocat de M. Goldberg n’a pas voulu commenter le verdict. Il n’a pas été possible d’obtenir une réaction de Bouclair et de l’ARC.

Lisez le jugement (en anglais)