Les produits locaux ont la cote. Près de 81 % des consommateurs québécois estiment que les détaillants doivent offrir du jus, du fromage ou du saumon fumé d’ici, par exemple. Et les marques québécoises comme Lassonde, Loop ou Le Miel d’Émilie connaissent une croissance dans les supermarchés au détriment des grands noms connus, révèle une analyse réalisée par la firme Nielsen.

Les produits locaux, « c’est une tendance à la hausse, c’est clair et net », explique Francis Parisien, vice-président de Nielsen pour l’est du Canada. Il donnait une conférence virtuelle vendredi dernier à propos des impacts de la COVID-19 sur l’industrie alimentaire.

« Il y a une demande, mais les consommateurs québécois ne sont pas toujours prêts à payer le prix, nuance-t-il toutefois. À prix égal, ils vont y aller pour le produit québécois, mais à 15 % ou 20 % de plus, ce n’est pas garanti. »

Malgré tout, pendant l’été, dans les supermarchés, les marques d’ici ont connu une croissance de leurs ventes. C’est le cas notamment de Lassonde (jus), Perron (fromage), Le Miel d’Émilie, Fumoir Grizzly (saumon fumé), Loop (jus) et Brasseurs de Montréal (bière).

« Au début de la pandémie, les gens se sont tournés vers des grosses marques, parce qu’ils voulaient acheter des produits qu’ils connaissaient, explique M. Parisien. Ils ne voulaient pas soudainement tester un produit de marque privée ou d’une marque qu’ils ne connaissaient pas. Là, les gens sont moins nerveux. On le voit dans leurs comportements d’achats : il y a une ouverture vers d’autres marques. »

Au cours des 12 dernières semaines, alors que les 20 plus grandes marques (toutes origines confondues), qui représentent 41 % du volume de ventes au Québec, ont enregistré une augmentation de 6 %, les 10 plus grosses marques québécoises (Olymel, Agropur, Lassonde) ont pour leur part connu une hausse de 8 %. Et les produits issus d’entreprises locales plus petites – représentant 5 % du volume – ont vu leurs ventes croître de 24 %.

On parle de marques beaucoup plus petites qui avaient moins d’attention, et leur distribution a augmenté, donc leurs ventes ont augmenté.

Francis Parisien, vice-président de Nielsen pour l’est du Canada

C’est d’ailleurs le cas du Miel d’Émilie, entreprise située à Saint-Sylvestre, dans la région de Chaudière-Appalaches, qui a doublé ses ventes depuis le début de la pandémie, affirme le propriétaire, Jean-François Doyon.

« Cette année, c’est vraiment exceptionnel, a indiqué M. Doyon au cours d’un entretien avec La Presse. Les gens ont cuisiné plus, ils ont été davantage à l’épicerie », ajoute celui qui croit également que les consommateurs ont entendu le message du premier ministre François Legault sur l’importance de l’achat local. L’entreprise, qui compte une trentaine d’employés, dix mille ruches et trois fermes, vend ses produits dans plusieurs grandes enseignes comme IGA, Metro et Maxi.

Les raisons

Du côté de Lassonde, entreprise connue notamment pour ses marques de jus Rougemont et Oasis, on attribue cette hausse au fait que les gens restent davantage à la maison. « Nous, 87 % de notre chiffre d’affaires est fait à travers les magasins de détail, souligne Jean Gattuso, président et chef de l’exploitation de Lassonde. Il y a quand même eu un déplacement de la consommation. Ça a eu un impact sur la croissance. » Alors que les petits formats de jus ont connu une diminution de ventes, les formats familiaux ont pour leur part enregistré une hausse.

Chez Nutrinor, propriétaire de la Fromagerie Perron, Marc Landry, vice-président de la division fromage, confirme que les ventes de ses produits ont augmenté de 10 % dans les grandes surfaces. Cette croissance ne compense toutefois pas les pertes engendrées par la fermeture des restaurants, souligne-t-il.

Les supermarchés

De leur côté, les supermarchés comme Maxi semblent également avoir compris l’intérêt des clients pour les produits « bleus ». « Maxi a entrepris une démarche pour mettre de l’avant les produits québécois, a expliqué Johanne Héroux, directrice principale, Affaires corporatives et communications de Loblaw (Maxi, Provigo), au cours d’une entrevue accordée à La Presse il y a quelques semaines. On offre maintenant 660 nouveaux produits québécois. »

Elle qualifie l’arrivée en magasin de ces produits de « virage important » pour l’enseigne. « L’agilité dont une bannière à escompte comme Maxi a fait preuve lui a permis de réaliser qu’il était possible de revoir sa politique d’approvisionnement pour offrir une plus grande variété de produits québécois », ajoute Mme Héroux.

Chez IGA, la porte-parole Anne-Hélène Lavoie rappelle pour sa part que la promotion des produits québécois a toujours fait partie de « l’ADN » de l’enseigne. « La COVID-19 a amplifié la demande », précise-t-elle.

Même son de cloche chez Metro. « La croissance des ventes de produits québécois est supérieure à la croissance des ventes totales [de l’enseigne] », souligne la porte-parole Geneviève Grégoire. Les chaînes assurent toutes avoir accueilli sur leurs tablettes plusieurs nouveaux produits d’ici au cours des derniers mois.