Avec ses investissements dans DuProprio, cet été, et dans RénoAssistance, l’hiver dernier, Desjardins tente de créer un écosystème financier, selon le professeur de stratégie Louis Hébert, de HEC Montréal.

« C’est une belle surprise. Une belle opportunité », commente Louis Hébert.

« Desjardins est un leader dans le marché québécois qui tente de se diversifier en prenant de l’expansion à l’extérieur du Québec, mais aussi en se diversifiant dans le secteur de l’assurance. Et là, il ajoute des services complémentaires qui ne lui coûtent pas tellement cher. »

Mercredi, le Mouvement Desjardins a annoncé l’acquisition de la firme de services commerciaux en immobilier DuProprio (et de son homologue du Canada anglais Purplebricks) pour 60 millions. En janvier, Desjardins est devenu l’actionnaire majoritaire de RénoAssistance, entreprise qui met en contact des entrepreneurs en rénovation avec des gens qui en ont besoin.

« L’acquisition de DuProprio ne veut pas dire que chaque transaction immobilière va amener une hypothèque supplémentaire chez Desjardins, mais ça le met en contact avec deux clients : un acheteur et un vendeur. Ça va permettre à Desjardins d’avoir des contacts avec des clients qui ne sont pas nécessairement des clients de Desjardins. »

C’est un peu le même principe avec RénoAssistance : les projets de rénovation ont souvent besoin d’être financés, alors on boucle la boucle, dit Louis Hébert.

On ne peut pas obliger le client à faire affaire avec Desjardins, mais on peut penser que des clients voudront se simplifier la vie et voudront rester dans la famille Desjardins, ajoute le professeur.

Un écosystème

Selon Louis Hébert, Desjardins essaie de créer un écosystème un peu à l’image d’Apple, par exemple. « Une fois que tu es dans l’écosystème, tu as toujours le choix. Chez Apple, tu peux utiliser Zoom et WhatsApp, mais tu as toujours accès à FaceTime.

« C’est une stratégie non seulement de diversification, mais aussi de création d’écosystème. Tu peux t’assurer chez Desjardins. Tu peux te financer. Tu peux acheter ou vendre ta maison. Desjardins se crée un écosystème financier. »

C’est une bonne façon pour Desjardins de se développer dans le marché canadien, pas seulement dans les services bancaires. C’est intéressant, car c’est une façon de se développer sans le faire directement contre les banques qui peuvent être mieux établies dans le reste du Canada que Desjardins.

Louis Hébert

Avec DuProprio et RénoAssistance, Desjardins vient de réaliser deux transactions en quelques mois. « C’est une période qui peut être faste pour les entreprises qui ont les reins solides. Certaines entreprises sont sans doute en train de souffrir de problèmes de liquidités », dit-il.

« Deux en six mois, ce n’est pas un hasard. C’est planifié », dit Daniel Paillé, ex-candidat à la direction du Mouvement Desjardins et ancien chef du Bloc québécois.

« C’est de la diversification de marché et de la consolidation de marché du prêt. [Desjardins] achète d’éventuels besoins de crédit chez les consommateurs. Ce n’est pas bête. Ça me semble être un placement qui pourrait avoir des effets sur le marché hypothécaire », ajoute-t-il.

« Pas de changements » à la Nationale

Ce type de stratégie n’est pas une avenue considérée par la Banque Nationale, grande rivale de Desjardins au Québec.

« Pas de changements de notre côté », souligne le porte-parole de la Banque Nationale, Claude Breton. « Nous croyons que nous avons le bon modèle pour répondre aux besoins des clients et de l’industrie du courtage immobilier. »

Rien de surprenant aux yeux de Louis Hébert. « La Banque Nationale a une stratégie purement bancaire avec une présence forte auprès des entreprises. »

La coopérative de Lévis semble avoir tiré un apprentissage de son expérience passée dans le secteur de l’assurance. Il y a une trentaine d’années, Desjardins avait vu une opportunité en assurances de dommages et fait une poussée dans la vente directe aux consommateurs, bousculant au passage l’industrie du courtage et la vente par l’entremise d’intermédiaires.