Au cours du Grand Confinement, 61 000 cotisants ont retiré pour 3 milliards de dollars de l’actif du Fonds

Déjà affectés par la correction des marchés d’investissement en début de pandémie, les gestionnaires du Fonds de solidarité FTQ ont aussi été mis à l’épreuve par l’afflux soudain de demandes de retraits de capital par des dizaines de milliers de ses actionnaires-épargnants.

En trois mois seulement, de mars à mai, 61 000 d’entre eux ont inscrit des demandes de rachat d’actions pour une valeur totale de 3 milliards. C’est quatre fois plus que la valeur totale moyenne des rachats lors des années antérieures, qui se situe aux environs de 750 millions.

« On ne s’entendait pas à ça. On a été surpris par ça », a admis le président et chef de la direction du Fonds de solidarité, Gaétan Morin, lors d’un entretien avec La Presse à l’occasion de l’annonce des principaux résultats de l’exercice clos le 31 mai.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Gaétan Morin, président et chef de la direction du Fonds de solidarité

Le Fonds de solidarité comptabilise un rendement de 0,8 % pour tout l’exercice, mais qui s’est retrouvé scindé en deux épisodes très distincts.

Lors des six premiers mois jusqu’en décembre, avant qu’éclate la crise sanitaire, le Fonds avait généré une performance de 5,2 %. Mais lors des six mois suivants, alors que déferlait la crise sanitaire dans l’économie, le rendement a basculé en négatif de 4,2 %.

En conséquence, le Fonds de solidarité se retrouve avec un « profit global » de seulement 230 millions pour tout son exercice, comparativement au montant de 1,1 milliard qui avait été comptabilisé lors de l’exercice précédent clos en mai 2019.

Pendant ce temps, l’impact de l’afflux record des demandes de rachat d’actions a contribué à faire reculer l’actif net à 13,8 milliards, alors qu’il était de 15,6 milliards un an plus tôt. Et encore là, le tiers de la valeur totale de 3 milliards des demandes de rachat n’avait pu être traité en fin d’exercice au 31 mai, ce qui fait envisager une ponction supplémentaire d’au moins 1 milliard dans l’actif net en ce début d’exercice 2020-2021.

Double choc

Selon le président du Fonds de solidarité, Gaétan Morin, deux facteurs principaux seraient à l’origine de l’augmentation soudaine du nombre de demandes de rachat d’actions depuis le mois de mars.

D’une part, à l’instar de la démographie québécoise, l’heure de la retraite sonne pour un nombre croissant d’actionnaires du Fonds par l’entremise de leur régime enregistré d’épargne-retraite (REER).

D’autre part, soutient-il, certains actionnaires auraient patienté avant de retirer leurs fonds en raison des rendements « intéressants » générés au cours des dernières années.

N’empêche, pour les 707 000 actionnaires du Fonds de solidarité, l’impact de ce double choc conjoncturel sur son actif net total se fait déjà sentir dans l’évaluation semestrielle de leur placement.

À 44,24 $ par action, cette valeur est dépréciée de 1,96 $, ou 4,2 %, depuis son évaluation antérieure de décembre 2019. Mais elle demeure en hausse de 34 cents par action, ou 0,8 %, par rapport à l’évaluation faite il y a un an par les gestionnaires du Fonds de solidarité.

De l’avis de son président, « le Fonds a réussi à dégager un rendement positif pour ses actionnaires au cours du dernier exercice annuel, et ce, malgré un deuxième semestre marqué par la pandémie ».

Gaétan Morin cite en exemple les « rendements avantageux » obtenus par les actionnaires du Fonds au fil des ans. Sans tenir compte des crédits d’impôt, ces « rendements composés annuels » s’établissent à 5,3 % pour 3 ans, 5,9 % pour 5 ans et 6,4 % pour 10 ans.

Par ailleurs, est-ce que les pressions à court terme sur la gestion des liquidités au Fonds de solidarité pourraient compromettre sa prochaine capacité d’investissement dans les entreprises ?

« En moyenne, depuis cinq ans, nos investissements dans les entreprises ont varié de 850 millions à 1 milliard par an. Ça demeure notre capacité prévue pour les prochaines années, à moins que la conjoncture économique nous en impose autrement », répond Gaétan Morin.

Lors de son exercice terminé en mai, le portefeuille d’investissements du Fonds de solidarité en capital de développement auprès des entreprises québécoises a généré un rendement de 1,9 %, alors que celui des titres cotés en Bourse a fléchi de 7,7 %.

La performance des « autres investissements », qui tiennent compte des titres à revenu fixe, des actions et des autres titres, a été de 6,8 %.

Le prêt de 30 millions US au Cirque radié en presque totalité

L’incursion du Fonds de solidarité auprès du Cirque du Soleil aura été brève, mais très coûteuse. « Nous, on met notre capital à risque dans les entreprises, en complément aux institutions financières traditionnelles. À l’occasion, on fait de très bons coups. Mais, on en perd certains aussi. C’est le cas avec le Cirque du Soleil », a commenté Gaétan Morin, président et chef de la direction du Fonds.

À peine plus d’un an après lui avoir consenti un prêt de 30 millions US, et l’avoir comptabilisé à hauteur de 39,3 millions CAN dans ses états financiers, le Fonds de solidarité s’est résigné à une perte sur prêt presque totale chez son célèbre voisin, riverain lui aussi de l’autoroute Métropolitaine à Montréal.

« C’est déjà fait. Nous avons radié la presque totalité de ce prêt non garanti », a confirmé M. Morin à La Presse.

Quant à la suite du processus de restructuration du Cirque du Soleil, après qu’il s’est mis à l’abri de ses créanciers, le président du Fonds de solidarité se déclare « relativement satisfait des conditions mises sur la table actuellement » par le plan de sauvetage par rachat d’actifs déposé par les trois actionnaires actuels du Cirque du Soleil.

« Mais nous attendrons de voir la suite, durant cette période de 45 jours [pour l’émergence de propositions concurrentes] que nous allons suivre de très près. »