La vie au travail post-confinement sera chamboulée et la productivité réduite, si on se fie aux trois chantiers que La Presse a visités.

Autodéclaration obligatoire, lavage de mains à répétition, poste sanitaire mobile alimenté en eau chaude, désinfection des toilettes deux fois par jour, travail à deux mètres de distance, sinon port obligatoire du masque et des lunettes ou de la visière et repas pris à l’intérieur de son véhicule personnel : tel est le nouveau quotidien des travailleurs.

Le gouvernement de François Legault a permis la reprise lundi matin des travaux pour les logements devant être livrés d’ici au 31 juillet. Environ le quart des 43 000 logements actuellement en construction au Québec sont ainsi visés, impliquant la mobilisation de quelque 7000 entrepreneurs, tous corps de métier confondus.

Raymond Paré, copropriétaire de Sotramont, était impatient de reprendre le collier. Il est l’un des entrepreneurs qui ont réclamé publiquement la reprise rapide de l’activité sur les chantiers, une fois les mesures appropriées mises en place. Au Canada, le Québec est la province qui a été la plus stricte concernant la fermeture des chantiers de construction, souligne-t-il.

  • Copropritéaire de Sotramont, Raymond Paré donne l’exemple en se lavant les mains pendant 20 secondes à l’entrée de l’immeuble locatif Livéo, à Repentigny.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Copropritéaire de Sotramont, Raymond Paré donne l’exemple en se lavant les mains pendant 20 secondes à l’entrée de l’immeuble locatif Livéo, à Repentigny.

  • Le responsable de la santé et sécurité du chantier Livéo à Repentigny, Guillaume Desrosiers, donne les consignes d’usage. Au second plan, un travailleur consciencieux termine de se laver les mains.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Le responsable de la santé et sécurité du chantier Livéo à Repentigny, Guillaume Desrosiers, donne les consignes d’usage. Au second plan, un travailleur consciencieux termine de se laver les mains.

  • « Il fallait revenir au travail. On n’avait pas le choix », dit Raymond Paré, copropriétaire de Sotramont. Son projet Livéo doit livrer ses 121 unités d’ici le 30 juin. Il est prêt à instaurer un quart de travail de soir pour y arriver.

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    « Il fallait revenir au travail. On n’avait pas le choix », dit Raymond Paré, copropriétaire de Sotramont. Son projet Livéo doit livrer ses 121 unités d’ici le 30 juin. Il est prêt à instaurer un quart de travail de soir pour y arriver.

  • Sur le chantier de la rue Picard, à Charlemagne, les casques des maçons sont équipés d’une visière amovible.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Sur le chantier de la rue Picard, à Charlemagne, les casques des maçons sont équipés d’une visière amovible.

  • Éric Parisien, de Parisien Maçonnerie, fait l’inventaire de ses produits désinfectants à la disposition de son équipe sur le chantier de construction d’Habitation Lacombe au 60, rue Picard, à Charlemagne.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Éric Parisien, de Parisien Maçonnerie, fait l’inventaire de ses produits désinfectants à la disposition de son équipe sur le chantier de construction d’Habitation Lacombe au 60, rue Picard, à Charlemagne.

  • « C’est un boni de recommencer dès le 20 avril, je m’attendais à ne pouvoir travailler qu’après le 4 mai », de dire Ghislain Beaudry, promoteur des maisons en rangée de Lumicité Nature à Sainte-Julie. En arrière-plan, Anny Bienvenue, vice-présidente, santé et sécurité au travail, de l’APCHQ, association patronale.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    « C’est un boni de recommencer dès le 20 avril, je m’attendais à ne pouvoir travailler qu’après le 4 mai », de dire Ghislain Beaudry, promoteur des maisons en rangée de Lumicité Nature à Sainte-Julie. En arrière-plan, Anny Bienvenue, vice-présidente, santé et sécurité au travail, de l’APCHQ, association patronale.

  • Jean-François Huard, carreleur, se lave les mains dans une station du chantier Lumicité Nature, rue Narbonne à Sainte-Julie.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Jean-François Huard, carreleur, se lave les mains dans une station du chantier Lumicité Nature, rue Narbonne à Sainte-Julie.

  • En pleine pandémie, la signalisation est de mise, comme ici au chantier de Ghislain Beaudry à Sainte-Julie.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    En pleine pandémie, la signalisation est de mise, comme ici au chantier de Ghislain Beaudry à Sainte-Julie.

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Sotramont doit terminer la construction des 121 logements de Livéo condos locatifs, rue Notre-Dame à Repentigny. « Il fallait revenir. On n’avait pas le choix, lance-t-il dès le début de l’entretien. Nos unités ont été promises pour le 30 juin. Tout est envisagé pour respecter l’échéance : deux quarts de travail et faire des heures supplémentaires », dit-il, catégorique.

En ce début de semaine ensoleillé, quoique frisquet, une quarantaine de travailleurs s’activent sur l’immeuble de sept étages, qui est rendu à l’étape de la finition des logements et à l’installation de la maçonnerie.

La journée a commencé vers 7 h par la rencontre des employés en groupes de six ou sept personnes. « On leur a fait part du code d’hygiène, de l’importance de nettoyer les équipements avant et après usage. Si on doit partager les outils, on les désinfecte avant de les partager », énumère Guillaume Desrosiers, agent de santé et sécurité de Sotramont, dont la principale tâche au cours des prochaines semaines sera de rappeler à tous le respect des nouvelles normes en matière de santé et sécurité.

C’est deux mètres de distance entre les travailleurs. Si c’est impossible et que le travail dure plus de 10 minutes, c’est le port obligatoire du masque et des lunettes de sécurité.

Guillaume Desrosiers

Les ouvriers rencontrés semblaient heureux de rentrer au travail.

« C’est long, cinq semaines à la maison. La cour est rendue bien propre. C’était le temps de retourner », a confié Martin Desmarais, plombier.

« Ce matin, j’étais content de venir travailler. Les mesures mises en place me conviennent et ça me rassure », a dit Sébastien Perron, poseur de tuiles de céramique, qui travaille seul dans son unité. Sur chaque étage où les sanitaires ont été installés, une toilette avec lavabo est mise à la disposition des travailleurs pour qu’ils puissent se laver les mains fréquemment.

Un étage plus haut, Jacques Bonin, manœuvre spécialisé, s’applique à désinfecter la toilette. Il répétera cette tâche plusieurs fois dans la journée, chaque toilette étant désinfectée deux fois par jour. M. Bonin voit à ce que les distributeurs de savon et de solution hydroalcoolique (Purell) soient toujours remplis et que les travailleurs aient tout ce qu’il faut pour leur sécurité. « Si on peut reprendre l’activité aujourd’hui, avance Raymond Paré, c’est grâce à des gars comme Jacques. »

Des travailleurs rassurés, mais pas tous

Évidemment, tous ne sont pas rassurés. « Un de mes hommes a préféré ne pas rentrer. Sa femme étant affaiblie par la maladie, il ne voulait pas courir le risque », a confié Éric Parisien, de Parisien Maçonnerie. Ses trois employés et lui-même portent un casque équipé d’une visière amovible couvrant la totalité du visage.

La Presse a croisé le maçon de 41 ans sur le chantier du 60, rue Picard, à Charlemagne. L’entrepreneur Marc Lacombe y construit 12 unités locatives. « Il reste encore six semaines de travail pour terminer. Initialement, la date de fin des travaux était prévue le 30 mai », a dit Marc Lacombe. Trois de ses propres employés travaillaient lundi matin à la finition des unités à l’intérieur.

L’équipement de protection ne semble pas poser problème dans les trois chantiers visités. « Ç’a été ardu et les prix ont augmenté, mais on y est arrivé », a témoigné Ghislain Beaudry, 46 ans, promoteur du projet de maisons en rangée et de jumelés Lumicité Nature à Sainte-Julie.

M. Beaudry devait livrer 13 unités avant le 31 juillet. Environ la moitié seront livrées dans les délais. Les occupants des autres unités seront logés à l’hôtel au besoin, en attendant.

Rencontrée sur place, Anny Bienvenue, vice-présidente, santé et sécurité au travail, de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), remet cependant les pendules à l’heure au sujet des équipements. « Bon nombre d’entrepreneurs n’ont pas redémarré leur chantier aujourd’hui [lundi]. L’équipement est un enjeu pour certains. »

Impact sur la productivité

Mme Bienvenue a participé à l’élaboration du Guide pour les chantiers, rédigé par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Elle supervise une équipe de 16 conseillers en prévention qui ont fait la tournée des chantiers lundi matin pour soutenir les membres de l’association patronale afin qu’ils respectent les directives.

M. Beaudry a dû revoir son calendrier de production pour faciliter l’éloignement physique sur le chantier. Seulement 18 travailleurs ont été rappelés lundi matin. « Ç’a un impact sur la productivité, c’est certain, reconnaît-il sans hésitation. Le surcoût devra être absorbé par l’ensemble des entrepreneurs et sous-traitants. »

L’homme d’affaires ne s’en formalise pas trop. Il est surtout soulagé que le travail reprenne. « C’est un boni de recommencer dès le 20 avril, je m’attendais à ne pouvoir travailler qu’après le 4 mai. »